Entreprises allemandes en Tunisie: la confiance maintenue malgré les obstacles administratifs    Fatma Mseddi dénonce une catastrophe sociale après la mort d'un charlatan à Kairouan    Tunisie : les pharmaciens suspendent le tiers payant pour les maladies ordinaires dès octobre 2025    Fraude à la farine : 4,7 tonnes saisies et boulangerie de la Mnihla fermée    Le SNJT exige la fin des poursuites sous décret 54 contre journalistes et blogueurs    Appel à experts : le ministère ouvre le recrutement pour évaluer les centres jeunesse et enfance    L'hôtellerie tunisienne en deuil : décès de Radhouane Ben Salah ancien Président de la FTH    Un siècle après son naufrage, les premiers objets récupérés sur le navire « Britannic » frère du Titanic    Drame à Jendouba : une mère s'immole par le feu suite au transfert de sa fille vers un autre lycée    Opportunité pour les filles tunisiennes de devenir ambassadrice d'une journée    Chine : lancement réussi d'un satellite d'essai    Trump attaque le New York Times pour 15 milliards de dollars !    Le Président italien Sergio Mattarella : le sort inhumain des enfants de Gaza est devenu intolérable    Ligue 1 – championnat national (6e journée) – JSK : Prudence...    Maher Kanzari face à la commission    Ligue 1 – championnat national (6e journée) – ST : La passe de trois en tête    Nafti renforce la coopération Arabo-Africaine à Doha    Les virements bancaires, pilier du système financier tunisien en pleine expansion    Pourquoi l'Etat met-il fin à la prolongation des contrats CIVP dès octobre 2025 ?    Signature d'un protocole d'accord entre la FTAV et la commission saoudienne pour la Omra    L'INC alerte : les produits laitiers traditionnels non pasteurisés présentent un danger sanitaire !    Fadhel Jaziri (1948-2025): La pensée et le spectacle    ATB lance la Carte PayLater : Achetez maintenant, Payez plus tard    Ooredoo Tunisie apporte espoir et sourires à 400 enfants de Kafel Elyatim pour la rentrée scolaire    Olivier Faure (PS) appelle à faire flotter le drapeau palestinien sur les mairies le 22 septembre    Mondial Volley 2025 : La Tunisie s'incline face à l'Iran avant d'affronter l'Egypte    Pourquoi les islamistes et les kaïssistes redoutent le nouveau conseil de l'Ordre des avocats    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    Compostion du Conseil de l'Ordre national des avocats    Entre position et positionnement : la géographie ne suffit pas à comprendre la politique internationale    Zaghouan – Incendie maîtrisé au Mont Sidi Zid : Un Hectare Dévasté, Vigilance Maintenue    Météo : Un mardi ensoleillé !    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    Kaïs Saïed, Flottille Al Soumoud, Boubaker Bethabet…Les 5 infos de la journée    Sommet arabo islamique à Doha: Mohamed Ali Nafti s'entretient avec plusieurs de ses homologues arabes et étrangers    Rentrée scolaire: le Président de la République Kaïs Saïed réaffirme son engagement pour l'égalité des chances pour tous    Enthalpie et âme: une poétique de l'énergie vitale    Nafti à Doha : la Tunisie au Sommet arabo-islamique    Lutter contre le harcèlement sexuel des enfants et adolescents : Le FTDES publie deux guides numériques    Ons Jabeur en passe d'ouvrir une nouvelle académie pour jeunes talents à Dubaï    Dar El Kamila à La Marsa ouverte au public pour les Journées européennes du patrimoine 2025    Hommage posthume à Fadhel Jaziri : deux jours de commémoration pour son quarantième jour de décès    Hannibal Mejbri offre un immeuble estimé à un million de dinars à SOS villages d'enfants    L'artiste Wadi Mhiri décédé à l'âge de 60 ans    Le gouvernement prépare l'inscription de Sidi Bou Saïd au patrimoine mondial de l'Unesco    Les trois savants auxquels Abdelmajid Charfi témoigne de sa profonde reconnaissance    Le futur champion tunisien Rami Rahmouni sur le point d'être naturalisé en Arabie Saoudite    La FIFA donne raison à la Fédération tunisienne : les joueurs avertis !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Zouhaïr Ben Amor: 60 % de banane en nous? Ce que notre ADN dit de la vie
Publié dans Leaders le 28 - 04 - 2025


Par Zouhaïr Ben Amor. Dr. En Biologie Marine
Introduction
Dire à quelqu'un que l'être humain partage environ 60 % de son ADN avec une banane provoque souvent des sourires incrédules, des haussements d'épaules ou des plaisanteries. Et pourtant, ce chiffre, étonnant à première vue, révèle l'une des vérités les plus profondes et les plus poétiques de la biologie moderne : toute vie sur Terre est cousine, lointaine peut-être, mais cousine tout de même.
Qu'est-ce que cela veut dire, concrètement ? Sommes-nous faits des mêmes briques biologiques que ce fruit jaune et courbé ? Est-ce une manière provocante de dire que l'espèce humaine n'est pas si spéciale ? Ou bien s'agit-il d'un malentendu scientifique souvent répété hors contexte ? L'objectif de cet article est de lever le voile sur cette parenté inattendue entre les êtres humains et les autres formes de vie. Car comprendre cette similitude génétique, c'est toucher du doigt une réalité universelle, souvent ignorée du grand public, mais pourtant essentielle pour penser notre place dans la nature.
I. L'ADN, la molécule de la vie
L'ADN, ou acide désoxyribonucléique, est la molécule qui contient les instructions de construction et de fonctionnement de tous les êtres vivants. Présente dans le noyau de presque toutes les cellules, elle se présente sous la forme d'une double hélice, un long ruban torsadé constitué de seulement quatre bases : adénine (A), thymine (T), cytosine (C) et guanine (G). Ce langage à quatre lettres suffit à coder la diversité prodigieuse du vivant.
L'ADN fonctionne comme une bibliothèque où chaque gène est une recette: une séquence bien ordonnée d'instructions pour fabriquer une protéine, ces petites machines moléculaires responsables de toutes les fonctions vitales, de la digestion à la vision, du mouvement à la mémoire.
Mais ce qui est le plus fascinant, c'est que toutes les formes de vie utilisent exactement ce même langage, des bactéries aux baleines, des plantes aux humains. Un alphabet universel, commun à la banane, au dauphin, à la levure et à vous, lecteur.
II. L'évolution: une histoire partagée
Pour comprendre pourquoi nous partageons une telle portion de notre ADN avec la banane, il faut faire un saut dans le temps, à l'époque des origines de la vie. Il y a environ 3,5 milliards d'années, un premier ancêtre commun est apparu : un être unicellulaire très simple, mais porteur de ce précieux ADN.
Au fil du temps, les descendants de cet ancêtre se sont diversifiés, adaptés à leurs environnements, formant des branches multiples sur l'arbre du vivant. Certaines de ces branches ont donné les plantes, d'autres les animaux, d'autres encore les champignons ou les bactéries. Mais tous partagent encore aujourd'hui une base génétique commune, transmise de génération en génération, comme un héritage indélébile.
Les gènes les plus anciens, ceux qui assurent des fonctions vitales comme la production d'énergie, la division cellulaire ou la synthèse des protéines, ont été conservés avec une incroyable fidélité. Car quand un mécanisme fonctionne bien, la nature ne le change pas. Ainsi, même une banane, malgré son apparence bien différente de la nôtre, possède une grande partie de ces gènes ancestraux.
Un exemple célèbre de gènes conservés concerne les gènes Hox, qui contrôlent la structuration du corps chez les animaux. On les retrouve chez la mouche, la souris, l'humain… Ces gènes, vieux de plusieurs centaines de millions d'années, témoignent d'une unité fondamentale du vivant.
III. Ce que veut dire "partager 60 % d'ADN avec une banane"
Mais alors, que signifie ce chiffre souvent cité ? Dire que l'humain partage 60 % de son ADN avec une banane ne veut pas dire qu'un humain est 60 % banane – encore heureux ! Ce pourcentage fait référence à la ressemblance entre certaines séquences d'ADN, en particulier les gènes codants (ceux qui servent à fabriquer des protéines).
En d'autres termes, sur les milliers de gènes présents dans le génome humain, environ 60 % ont une version semblable dans le génome de la banane. Cela inclut, par exemple, des gènes qui codent pour des enzymes de base, des protéines membranaires ou des éléments impliqués dans la respiration cellulaire.
Cela s'explique par le fait que nos cellules – bien qu'appartenant à des règnes différents (animal vs végétal) – partagent des besoins fondamentaux : elles doivent produire de l'énergie, réparer leur ADN, se diviser, contrôler ce qui entre et sort. Pour cela, elles utilisent des outils génétiques similaires.
Le reste de notre ADN, soit environ 40 %, concerne des fonctions plus spécifiques: la différenciation des organes, le développement du cerveau, le système nerveux, les fonctions reproductrices, etc. Ces régions diffèrent davantage entre espèces.
Il est aussi important de rappeler que plus de 90 % de l'ADN humain ne code pas directement pour des protéines. Cette "part d'ombre" du génome – longtemps qualifiée à tort d'ADN poubelle – joue pourtant un rôle crucial dans la régulation des gènes. Et même là, certaines séquences sont partagées avec d'autres espèces.
IV. D'autres parentés étonnantes
Voici quelques pourcentages souvent cités par les généticiens pour illustrer notre parenté avec d'autres espèces:
Espèce ADN partagé avec l'humain
Chimpanzé ~98,8 %
Gorille ~98,4 %
Souris ~85 %
Chat ~90 %
Chien ~84 %
Vache ~80 %
Poulet ~60 %
Banane ~60 %
Mouche drosophile ~60 %
Levure de boulanger ~30 %
Comme on le voit, plus on se rapproche d'un point de divergence récent sur l'arbre évolutif, plus le pourcentage est élevé. Mais même avec la levure, un organisme microscopique unicellulaire, nous partageons un tiers de nos gènes !
Cela montre que les bases de la vie sont anciennes et profondément enracinées. L'évolution n'a pas "recommencé à zéro" à chaque fois : elle a modifié, amélioré, recombiné des structures déjà existantes.
V. Une leçon d'humilité et de lien
Cette proximité génétique avec les autres espèces nous invite à revoir notre vision de la nature. L'être humain n'est pas une île, isolé du reste du vivant. Il est un rameau parmi des milliards sur l'arbre de la vie, un produit de l'évolution, au même titre que la fougère, le corail ou le papillon.
Il n'y a pas de mur biologique entre nous et les autres formes de vie, mais un continuum, une fraternité moléculaire. Le comprendre, c'est aussi prendre conscience de la fragilité de cette grande famille. Détruire une espèce, c'est comme couper une branche de notre propre arbre.
C'est aussi une manière de réfléchir éthiquement à notre rapport au vivant. Peut-on traiter les animaux comme des machines ? Peut-on breveter le vivant ? L'idée que nous partageons tant d'ADN avec eux, que nous sommes issus des mêmes sources, bouscule nos certitudes.
Enfin, c'est une invitation à l'émerveillement. Si l'on retrouve dans la banane une partie de notre propre code, alors même le plus banal des fruits devient un miroir biologique, un rappel silencieux de notre unité avec le monde.
VI. Demain: vers une biologie universelle?
Aujourd'hui, la biologie entre dans une nouvelle ère : celle de la biologie de synthèse. Des chercheurs conçoivent de l'ADN artificiel, créent des organismes génétiquement modifiés, et rêvent d'un jour reproduire la vie à partir de zéro.
Comprendre l'universalité du code génétique permet justement ces exploits : puisque les mêmes bases sont utilisées dans tous les êtres vivants, on peut transférer des gènes d'une espèce à l'autre, créer des vaccins, réparer des mutations, ou cultiver des plantes résistantes.
Mais ce pouvoir immense s'accompagne d'une responsabilité non moins immense. Car jouer avec les gènes, c'est jouer avec le vivant, son histoire, ses équilibres subtils. Plus nous comprenons que nous ne sommes qu'un chapitre dans le grand livre du vivant, plus nous devons écrire ce chapitre avec sagesse.
Conclusion
Nous voilà donc au terme d'un voyage génétique qui nous a conduits de la cellule originelle à la banane, de la double hélice au chimpanzé, du laboratoire au champ de bananiers. Ce fameux "60 %" que nous partageons avec le fruit du marché n'est pas une plaisanterie, mais un témoignage bouleversant de notre origine commune.
En comprenant cela, nous ne perdons rien de notre humanité. Au contraire, nous l'approfondissons. Car reconnaître en nous les traces du monde végétal, animal, bactérien, c'est retrouver une unité, un souffle commun, une trame invisible qui relie toutes les formes de vie.
Peut-être alors regarderons-nous une banane autrement. Non plus seulement comme un fruit à consommer, mais comme un cousin muet, qui, sans le savoir, nous rappelle d'où nous venons – et, peut-être, ce que nous devons préserver.
Zouhaïr Ben Amor


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.