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Inégalités sociales, mortalité et espérance de vie
Publié dans Leaders le 22 - 01 - 2009

L'un des aspects les plus méconnus de la répartition des revenus dans un pays concerne les effets celle-ci sur le taux de mortalité et sur l'espérance de vie à la naissance. Le risque de décès pour un individu est, en effet, fortement corrélé avec son niveau du revenu. Les études effectuées à ce sujet dans plusieurs pays ont montré l'existence d'une une surmortalité liée à la pauvreté et d'une sous-mortalité liée aux plus hauts revenus Cette relation perdure concomitamment avec l'effet additif de l'appartenance à telle ou telle catégorie socioprofessionnelle. Mais si la première corrélation est attendue, la seconde l'est beaucoup moins.
En fait, le niveau des inégalités de revenu de la région de résidence constitue en lui-même un déterminant de la mortalité, nonobstant les effets de l'offre de soins et du taux de chômage. Aux Etats-Unis où les données statistiques concernant ces questions sont disponibles, on constate que les Etats américains où la distribution des revenus est la plus inégalitaire sont aussi les Etats où le taux de mortalité est le plus élevé, le taux de chômage le plus élevé, les taux de criminalité et d'incarcération les plus élevés et le plus faible niveau moyen d'éducation.
Les disparités observées au niveau des taux de mortalité selon la catégorie socioprofessionnelle résultent évidemment de plusieurs facteurs dont l'intensité et l'amplitude dépendent plus du cumul d'un certain nombre des facteurs énumérés que de l'effet d'un seul. Il s'agit, en premier lieu, des facteurs relatifs aux conditions de travail dans la mesure où certaines catégories socioprofessionnelles sont plus exposées à l‘instabilité des parcours professionnels, à la précarité, à la pénibilité des tâches, au décalage perturbant des horaires de travail, à la fréquence accrue des accidents de travail et des maladies professionnelles.
Ces facteurs rendent les ouvriers naturellement plus exposés à la surmortalité que ne le sont les cadres ou les employés, étant entendu que chez les ouvriers eux-mêmes, la catégorie des moins qualifiés est davantage pénalisée. Ainsi un plombier et un instituteur ayant le même niveau de revenu n'ont pas la même espérance de vie, l'instituteur vivant plus et mieux, et ce contrairement aux idées reçues. Ceci s'explique par l'effet des facteurs relatifs aux conditions de vie, en ce qui concerne notamment le degré d'attention que chacun porte à sa santé, le recours plus au moins tardif aux soins, la consommation modérée ou non de l'alcool et du tabac, l'hygiène de vie et les habitudes alimentaires, l'activité sportive, etc.
On sait en effet que ces comportements sociaux et culturels varient sensiblement selon l'origine sociale et la catégorie socioprofessionnelle. L'obésité, par exemple, touche de plus en plus fréquemment les classes les moins favorisées alors que les catégories supérieures sont de moins en moins concernées par ce problème.
Il est somme toute naturel que les phénomènes d'ordre économique influencent les réalités démographiques et les comportements démographiques la sphère des activités productives. Si l'on prend l'exemple de l'accroissement des taux d'activité du sexe féminin, on constate que ce paramètre a directement influencé le contexte démographique : recul de l'âge du mariage, moins de mariages, plus de divorces, plus d'instabilité familiale, moins d'enfants, etc. Il en est résulté une amélioration de la santé dans certains cas ou certaines phases, une détérioration de la santé dans d'autres (il n'y a pas à cet égard de linéarité constante).
A l'inverse, l'évolution des conditions de travail a eu des effets sur l'état de santé, les difficultés économiques venant parfois perturber le déroulement harmonieux de la vie personnelle et accroître sensiblement l'anxiété. Les liens entre santé et travail s'avèrent donc plus complexes qu'une simple relation de cause à effet. Ces liens procèdent de mécanismes à effets complexes et différés dont l'analyse requiert de s'inscrire dans une perspective diachronique, en reliant l'évolution de la santé aux situations de travail successivement vécues. À cette complexité s'ajoutent les difficultés dues à la "visibilité" très variable de ces liens, selon les problèmes étudiés et les populations concernées.
De manière générale, les déterminants concourant à l'état de santé de l'individu peuvent être répartis en quelques grands groupes : biologie humaine ; environnement physique, psychologique et sociale, comportements et styles de vie ; facteurs liés aux modes de consommation ; organisation, type et coût de la couverture maladie ; qualité des services de santé. Ces facteurs sont évidemment interdépendants, mais ils dépendent tous, peu ou prou part, du niveau et de la répartition des revenus. Les actions visant à améliorer le bien-être des individus se sont focalisées pourtant sur les seules mauvaises habitudes de vie : alimentation, tabac, alcool, sédentarité, etc. Ces facteurs ont été considérés jusqu'ici comme les causes principales sinon exclusives de maladies. Or cette optique induit implicitement l'idée selon laquelle les gens sont largement responsables de ce qui leur arrive alors que bon nombre d'études menées à ce propos démontrent que si on admet que toute la population d'un pays adopte le même genre de vie « raisonnable », l'espérance de vie sera probablement allongée pour tous mais avec des différences selon que l'on appartienne ou non à certaines catégories socioprofessionnelles ou classes sociales.
En fait, la position dans la hiérarchie socio-économique constitue un déterminant capital de l'état de santé : « plus on est élevé dans la hiérarchie des revenus, moins grande est la mortalité, plus longue est l'espérance de vie et plus longue est l'espérance de vie en bonne santé ». Cette observation a été relevée dans nombre de pays, avec une amplitude qui varie selon l'écart des revenus. Cela suggère que c'est dans l'environnement social, économique et culturel qu'il faut chercher les secrets de la longévité et de la bonne santé dans la mesure où cet environnement a un impact sur les moyens utilisés pour faire face au stress par exemple. En effet, ceux-ci varient selon le sentiment que l'individu a de pouvoir contrôler sa vie, lequel est lui-même dépendant non seulement de la position hiérarchique et du support social, mais aussi du modèle de société. Il en résulte qu'une société ne peut plus prétendre bien s'occuper de la santé de sa population simplement en lui fournissant des soins de santé, fussent-ils de la meilleure qualité technique possible.
C'est ainsi que les populations des pays égalitaires s'avèrent en meilleure santé que les populations des pays inégalitaires. Cuba, la Hongrie ou les pays scandinaves, pays réputés égalitaires, ont, selon l'OMS, de meilleurs indicateurs de santé que nombre de pays à niveau de développement comparable. Cela est mis en évidence à partir de données agrégées une corrélation entre inégalités de revenu et espérance de vie.
En 2004, d'après le rapport de l'OMS de 2006

Cuba
Hongrie
Norvège
France
USA
Brésil
Tunisie
Haïti
Espérance de vie Hommes
75,0
69,0
77,0
76,0
75,0
67,0
70,0
53,0
Espérance de vie Femmes
80,0
77,0
82,0
80,0
80,0
74,0
74,0
56,0
Espérance de vie en bonne santé Hommes
67,1
61,5
70,4
69,3
67,2
57,2
61,3
43,5
Espérance de vie en bonne santé Femmes
69,5
68,2
73,6
74,7
71,3
62,4
63,6
44,1
Mortalité infantile Hommes pour 1000
8
9
4
5
8
38
29
122
Mortalité infantile Femmes pour 1000
7
7
4
4
7
31
22
112
Mortalité adulte Hommes pour 1000
131
249
93
132
137
237
166
417
Mortalité adulte Femmes pour 1000
85
108
57
60
81
127
110
358
Dépenses santé/ PIB en %
7,3
8,4
10,3
10,1
15,2
7,6
5,4
7,5
Dès 1975, Preston a mis en évidence à partir de comparaisons internationales le fait que l'espérance de vie n'augmentait pas continûment avec le revenu par tête. Alors que dans les pays en développement, la richesse moyenne explique largement l'état de santé moyen des populations, cette relation disparaît parmi les pays riches. En revanche l'espérance de vie est partout négativement corrélée avec le niveau des inégalités (Rodgers, 1979).
Ce constat réhabilite l'indicateur de la répartition égalitaire des revenus dans l'appréciation des incidences réelles des politiques de santé par rapport à d'autres indicateurs comme la part des dépenses de santé dans le PIB par exemple. En consacrant 15,2% de son PIB aux dépenses de santé, les USA se placent moins bien au niveau de quelques indicateurs de santé que la France qui ne consacre à la santé que 10,1% de son PIB ou la Norvège (10,3%). Certes, on pourrait lier le phénomène américain aux performances relatives des systèmes d'assurances sociales, fort différents d'un pays aux deux autres, on pourrait le lier aussi aux modes de vie ou aux habitudes alimentaires tout aussi différents, mais en réalité la disparité des résultats incombe principalement au caractère inégalitaire de la répartition des revenus aux USA comme on l'a indiqué plus haut. Sur une autre échelle, le Brésil et Cuba qui consacrent à peu près la même part du PIB aux dépenses de santé ont des résultats sur la mortalité sensiblement différents. Là encore, les disparités des revenus pourraient expliquer les bons résultats d'un pays égalitaire (Cuba) par rapport aux moins bons résultats des pays inégalitaires (Brésil et Haïti).
En France, l'espérance de vie à 35 ans des cadres supérieurs et professions libérales est supérieure en 1991 de 9 ans à celle d'un manœuvre : 44 années pour les premiers, 35.8 années pour les seconds.
Loin de se réduire, les écarts de mortalité entre catégories socioprofessionnelles se sont même accrus entre 1980 et 1991. En effet, alors que la mortalité des ouvriers et employés entre 25 et 54 ans est restée stable durant cette période, la mortalité des cadres supérieurs et professions libérales diminuait de près de 20%. De tels écarts entre groupes sociaux peuvent naturellement s'expliquer par la pénibilité et les conditions du travail effectué, le risque d'accidents, les conditions de vie et les comportements sociaux. Il se trouve que les inégalités de revenu en France se sont sensiblement accrues aussi au cours de la même période
La Tunisie: une baisse spectaculaire de la mortalité
En ce qui concerne la Tunisie, force est de constater que, malgré la performance bien reconnue de l'appareil statistique national, l'on ne dispose pas encore de données détaillées nous permettant de juger équitablement de l'efficience des deux corrélations signalées plus haut. Cette absence s'explique par le manque d'informations sur le revenu dans les bases de données démographiques utilisées pour étudier la mortalité, et par l'impossibilité d'étudier la mortalité à partir des enquêtes économiques disponibles à ce jour. Ainsi, le lien entre mortalité et revenu n'a pas pu être établi dans notre pays. Il faut dire que l'introduction directe du revenu dans l'analyse économétrique pose un problème méthodologie dans la mesure où l'on distingue mal ce qui doit être considéré comme endogène ou exogène car la relation entre santé et revenu est duale.
Outre l'effet positif du revenu disponible sur la santé par l'accès aux soins, l'état de santé a un effet inverse sur les revenus du travail. Dans les modèles de capital santé (Grossman, 1972, Erlich et Chuma, 1990), l'état de santé détermine le temps de travail de l'individu puisque son niveau de capital santé définit le temps en bonne santé disponible pour le travail, la consommation de biens ou l'investissement dans le capital santé. Dans le cadre d'un arbitrage travail-loisir, l'offre de travail est en partie déterminée par l'état de santé, en ce sens qu'un état de santé dégradé rend le travail plus pénible.
L'appréciation des paramètres classiques de santé par catégorie socioprofessionnelle et par niveau de revenu en Tunisie fait donc défaut. En tout cas, les données chiffrées sur la mortalité par gouvernorat ne renseignent guère sur l'effet revenu ou l'effet catégorielle. Tout ce qu'on pourrait dire à ce sujet se résume en fin de compte à des supputations dérivant d'analyses analogiques et à des extrapolations résultant de données fragmentaires sur les années effectives de jouissance d'une pension de retraite par montant ou par grande catégorie socioprofessionnelle. Toujours est-il que la baisse de la mortalité en Tunisie a été spectaculaire.
En effet, le taux de mortalité générale est passé de 25 à 6 %o entre 1956 et 2004, grâce à l'amélioration des conditions de vie (hygiène, alimentation, logement, etc.), grâce aussi à l'efficience du système de santé et de soins érigé dès l'indépendance. Mais cette baisse n'est pas propre à la Tunisie. En effet, le taux brut de mortalité pour 1000 habitants se situait en 2002 à 4,4 pour la Libye, à près de 5 pour l'Algérie, à 5,8 pour le Maroc.
En ce qui concerne le taux de mortalité infantile (laquelle est indépendante des effets de structure de la population, contrairement au taux brut de mortalité), son niveau se situe en 2002, respectivement à 21%o en Tunisie, 16%o en Libye, 39%o en Algérie, 39%o au Maroc (à titre d'exemple, ce taux est de 2,8%o en Suède). En fait, pour les deux dernières décennies en tout cas, il semblerait que la baisse de la mortalité générale en Tunisie résulte essentiellement d'une baisse plus prononcée de la mortalité infantile dont le taux a été divisé par dix en cinquante ans.
Evolution TBM et EVN en Tunisie

1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
District de Tunis
4,8
4,7
4,6
4,5
5,1
4,5
4,6
Nord-Est
5,4
5,6
5,5
5,4
5,8
6,3
6,4
Nord-Ouest
6,3
7,0
6,8
6,7
6,9
8,2
7,3
Centre-Ouest
5,6
6,0
5,8
5,7
5,8
5,5
5,7
Centre-Est
5,5
5,7
5,6
5,4
5,8
6,6
5,8
Sud-Ouest
5,6
5,7
5,6
5,5
5,7
6,0
7,2
Sud-Est
6,3
6,3
6,2
6,0
6,1
6,6
6,8
Tunisie entière
5,6
5,7
5,6
5,5
5,8
6,1
6,0
Source:Institut National de la Statistique
Sur les taux de mortalité par gouvernorat, le recensement de 2004 indique que si la moyenne nationale se situe à 6,0%o, le taux de mortalité est de 10,0%o dans le Gouvernorat de Béja (taux le plus élevé) contre 4,1%o dans le Gouvernorat de Kasserine (taux le plus faible). On ne peut s'empêcher d'ailleurs de s'interroger sur cette « distorsion » concernant Kasserine.. En fait, les données sur le niveau des dépenses de consommation des ménages et le taux de mortalité par gouvernorat ne se recoupent pas tout à fait même si globalement la région qui passe pour « la plus riche » (District de Tunis) a le taux de mortalité le plus faible (4,6%o) et la région qui passe parmi « les plus pauvres » (Nord-Ouest) le taux de mortalité le plus élevé (7,3%o). L'UNICEF note à ce sujet qu'en dépit des remarquables résultats enregistrés par la Tunisie depuis l'indépendance « des disparités persistent encore entre régions et milieux en matière de morbidité et de retard de croissance, d'analphabétisme, d'abandon et de redoublement scolaire ».
Taux brut de mortalité par gouvernorat de domicile

1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
District de Tunis
4,8
4,7
4,6
4,5
5,1
4,5
4,6
Nord-Est
5,4
5,6
5,5
5,4
5,8
6,3
6,4
Nord-Ouest
6,3
7,0
6,8
6,7
6,9
8,2
7,3
Centre-Ouest
5,6
6,0
5,8
5,7
5,8
5,5
5,7
Centre-Est
5,5
5,7
5,6
5,4
5,8
6,6
5,8
Sud-Ouest
5,6
5,7
5,6
5,5
5,7
6,0
7,2
Sud-Est
6,3
6,3
6,2
6,0
6,1
6,6
6,8
Tunisie entière
5,6
5,7
5,6
5,5
5,8
6,1
6,0

Source:Institut National de la Statistique
L'inégalité devant la mort est incontestablement le résultat synthétique des inégalités sociales. A l'heure actuelle, ce constat prévaut dans tous les pays. En fait, dès le XVIIIe siècle, les premiers travaux démographiques avaient déjà mis en évidence des différences de mortalité entre groupes sociaux. Ces inégalités restent aujourd'hui encore très élevées, pire, elles s'accroissent sur une longue période, le risque de décès des cadres ayant diminué plus vite que celui des ouvriers par exemple.
L'écart est encore plus marqué entre les professions intellectuelles et les autres. L'explication de ces écarts par le seul système de santé (couverture, accès) semble insuffisante car même dans les systèmes propo¬sant un accès égalitaire formel aux soins (c'est le cas en Tunisie), des différences d'accès réel aux soins subsistent. C'est d'ailleurs là qu'interviennent les considérations spécifiques au revenu et au positionnement social. Les deux paramètres peuvent rendre cet accès facile ou difficile, préventif ou tardif, etc. Au demeurant, les conséquences des différences sociales de consommation de soins sont aggravées par le progrès technique, dans la mesure où ce progrès a un coût plus à la portée des catégories les plus favorisées que des catégories les moins favorisées.
Cette situation et les perspectives qu'elles dessinent rendent urgente une révision complète de l'articulation et du financement des systèmes de protection sociale. Car il devient trop choquant et par conséquent illégitime de continuer à croire encore dans l'exemplarité de la Sécurité Sociale telle qu'elle est dès lors que certaines catégories sociales arrivent plus tard sur le marché du travail (en raison d'un cursus universitaire plus long), cotisent moins en nombre d'années et jouissent plus longtemps d'une pension de retraite (en raison d'une espérance de vie plus grande).
Le recul de l'âge de retraite pour certaines catégories sociales s'imposent donc, ne serait-ce que pour gommer une injustice qui cadre mal avec les aspirations fondatrices de la Sécurité Sociale. Par ailleurs, aucune réforme de l'assurance maladie n'a vocation de mettre à mal le principe de la couverture socialisée, générale et intégrale du risque maladie. Aucune réforme de l'assurance maladie n'est en droit de réintroduire le critère du revenu dans l'appréciation des soins à donner à chaque individu. Il s'agit là des limites à ne pas franchir et que l'instauration d'un système à remboursement franchit invariablement, en dépit de tous les garde-fous que l'on voudra bien mettre en place.
Indépendamment des corrélations qui existent entre le type de couverture maladie et la capacité à maîtriser l'accroissement des dépenses nationales de santé, corrélations qui mettent en valeur l'efficience relative des systèmes de soins directs par rapport aux systèmes à remboursement, le choix du système de couverture est donc un choix politique et éthique et non, comme les libéraux le proclament, un choix d'ordre financier et technique. Quant à la perte d'emploi ou l'aggravation de la précarité, nul ne peut affirmer aujourd'hui que le train de la mondialisation qui les charrie ne produira pas davantage de dégâts économiques et sociaux qu'il ne procure de bénéfices collectifs ou individuels.


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