Comment réunir et confronter plasticiens et calligraphes pour discuter ensemble de la présence de la lettre dans nos paysages artistiques contemporains? Telle est la démarche choisie par le club Tahar Haddad et l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie pour relancer un débat toujours actuel. A suivre une table-ronde qui réunira les tenants de ces deux expressions mardi 13 décembre dans le cadre de l'exposition des collections islamiques de l'Université néerlandaise de Leyden... Le club culturel Tahar Haddad et l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie organisent prochainement une rencontre culturelle à maints égards inédite. Intitulée "Artistes et calligraphes à la recherche de la lettre arabe", cette rencontre permettra en effet de mettre en regard les opinions et les travaux des calligraphes traditionnels et modernes avec ceux des artistes tentés par des aventures au coeur de la lettre. De Nja Mahdaoui à Yasser Jradi: la lettre dans tous ses états Imaginée à l'initiative de l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie, cette rencontre entre dans le cadre des actions d'accompagnement de la grande exposition des oeuvres relatives au monde islamique de l'Université de Leyden. Cette exposition se tiendra durant le mois de décembre alors que le débat entre calligraphes et artistes plasticiens se déroulera le mardi 13 décembre toujours au club Tahar Haddad. Cette rencontre est une première car il est rare que calligraphes et artistes discutent ensemble de leur démarches. Il existe en Tunisie une école calligraphique maghrébine des plus réputées et des plus actives. D'ailleurs, les calligraphes tunisiens excellent dans tous les domaines du travail sur la lettre que ce soit dans le style farsi, diwani ou coufique. De nombreux calligraphes sont ainsi organisés au sein d'une association qui permet de poursuivre l'apprentissage et attire de nombreux jeunes que cet art inspire beaucoup. Installée dans la médina, cette association des calligraphes tunisiens anime également des ateliers hors les murs et installe ses activités au sein de maisons de la culture et autres espaces pour la jeunesse. L'école tunisienne de calligraphie continue ainsi sa progression et recèle de plus en plus d'innovateurs à l'image d'un Yassine Mtir ou bien d'un Yasser Jradi dont l'oeuvre musicale majeure fait oublier qu'il est un plasticien et un calligraphe accompli. De même, le regretté Taoufik Rais conjuguait son travail de cinéaste avec l'art de la calligraphie dont il a été l'un des maitres contemporains. Chez les plasticiens, la lettre est souvent au coeur de leur démarche. Il suffit de songer aux travaux de Abdelmajid Bekri, Amel Zaiem ou Raouf Gara pour retrouver les germes d'une réflexion sur la lettre et l'image. En ce sens, sur ces mêmes colonnes, les analyses de Houcine Tlili ont maintes fois démontré la présence structurelle de la lettre dans l'espace plastique tunisien et ses fonctions symboliques. L'art monumental investit la lettre des sculpteurs Dans cette optique, Nja Mahdaoui est l'un de ceux qui ont révolutionné le rapport des artistes à la lettre. L'oeuvre de cet artiste, tout en s'inspirant d'une confluence entre la lettre et l'arabesque, débouche sur un univers particulier qui est aussi celui de certains calligraphes innovateurs à l'image d'un Messaoudi ou d'un Naceur Khmir. De même, Sleh Hamzaoui est l'un de ceux qui, dans la foulée des Autodidactes des années 1970, a investi ce champ artistique, produisant un ouvrage de référence intitulé "Alif, le banquet des Lettres". Ce livre est un travail de distorsion de la lettre ainsi qu'une ouverture vers la plasticité pure et simple de l'alphabet arabe. En ce sens, il est remarquable de constater que les sculpteurs aussi se sont emparés de la lettre arabe pour lui donner une troisième dimension tout en l'utilisant pour motif ornemental dans un art monumental contemporain qui cherche son inspiration du côté du patrimoine. Au-delà, la question récurrente de la représentation en Islam se posera naturellement dans ce débat qui devrait être passionnant et ouvrir des perspectives alternatives dans le rapport entre calligraphes et artistes plasticiens. La tradition des calligraphes arabes dans les collections de Leyden Une lecture paresseuse de l'oeuvre des calligraphes les confine aux frontières de l'art. Pourtant, leur fonction artistique et leurs recherches novatrices les placent à la pointe des univers plastiques. Par contre, trop souvent, les calligraphes se contentent de reproduire, imiter, fixer selon des canons immuables. C'est cette attitude qui est source de malentendu sur leur vocation artistique. En effet, certains artistes voient en eux seulement les tenants d'une tradition figée et considèrent que seule la pratique plastique est à même de donner de nouveaux champs à une calligraphie en mal de modernité. Cette rencontre aura de plus pour cadre une exposition néerlandaise qui met en valeur la longue tradition des calligraphes arabes et la centralité de la calligraphie dans cet héritage, offrant ainsi u contrepoint idéal. A ce titre, plusieurs animations mises en place par le club Tahar Haddad auront lieu au sein de cette exposition qui est en elle-même un événement de tout premier plan.