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«Je viens, je suis Africain, Arabe et Méditerranéen»
Entretien avec Nja Mahdaoui
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 03 - 2018

Nja Mhadaoui organise ces jours-ci une exposition à la galerie El Marsa, Rétrospective de 1966 à 2018. L'événement, qu'il qualifie de station, relate une partie importante du parcours du créateur. C'est aussi un prétexte pour nous de remonter le temps avec lui pour observer le jeune Nja à la croisée des chemins, en proie aux doutes. Après avoir médité, longuement réfléchi, Nja, prédestiné par le prénom qu'il porte, est sauvé en trouvant sa voie. Il s'est affranchi de «l'autre» pour créer non «imiter». Prenant pour munition la lettre arabe, l'artiste se lance au gré du geste, au fil des années, approchant cette lettre dans sa rythmique, son aspect architectural, sa forme et non par le sens qu'elle produit. Nja a creusé son sillon, imprégné sa marque, l'œuvre recueillie est impressionnante. Il nous en parle avec une humble fierté.
Un événement important dans votre vie et vie d'artiste se tient en ce moment. C'est une expo-rétrospective, voulez-vous nous en parler ?
Qui dit rétrospective, dit regard porté sur une partie de l'itinéraire d'un créateur, notamment dans les Arts plastiques. Matériellement, il y a des œuvres à montrer. Etant donné que je n'ai pas exposé depuis quatorze ans à Tunis, parallèlement je n'ai pas arrêté de travailler, de participer aux colloques, aux expositions internationales dans les musées et les foires de l'art, je m'étais promis d'organiser une petite rétrospective. En principe, ce n'est pas à moi de l'organiser, en temps normal c'est le rôle des musées. La magnifique galerie El Marsa avec laquelle je travaille habituellement a été agrandie et j'ai pu y exposer des pièces, bornes, repères que j'ai toujours gardés chez moi. Cette exposition représente aussi un point d'arrêt pour répondre à la question fréquemment posée par les nouvelles générations portant sur mes activités. Mais les étudiants en arts n'ont aucune idée ni sur moi ni sur les autres, étant donné que l'œuvre des artistes tunisiens n'est pas enseignée. J'ai eu le plaisir de parler à l'Ecole nationale d'architecture récemment, je me suis trouvé en face d'étudiants de troisième année qui ignorent tout des artistes tunisiens, ils ne connaissent ni Khaled Ben Slimane ni moi ni les autres. C'est triste de le dire. C'est aux créateurs de remédier à cela ainsi qu'aux responsables des écoles.
En quoi ces tableaux repères sont-ils importants ?
Dans chaque période de changement de travail ou de glissement dans un nouveau style, il faut qu'il y ait des pièces qui indiquent cette mutation. J'avais commencé depuis les années 60, à l'époque on faisait des rencontres avec les gens de la culture de tous bords. Des sculpteurs, peintres, poètes ; je cite Taoufik Baccar, Salah Garmadi, Samir Ayadi, Fraj Chouchane...Ce n'était pas un groupe scellé, mais on se voyait régulièrement pour écouter des fragments de la pièce de théâtre de Mohamed Aziza, par exemple. Nous étions présents à chaque manifestation culturelle et artistique. Par la suite, des groupes et des associations d'écrivains, de poètes, de peintres ont commencé à voir le jour. Je crois que nous avons perdu cet esprit de complémentarité qui régnait chez les créateurs par le fait du cloisonnement.
Ce sont des métiers différents, il est normal qu'ils s'organisent, ne pensez-vous pas ?
Le mot métier est terriblement important. Mais il s'agit de concertations, d'échanges et de complémentarité. Comment imaginer une pièce de théâtre qui se joue dans une salle où il y a un ou deux artistes plasticiens seulement présents. Alors que les objets, les couleurs et le décor devraient les interpeller et les impliquer. La fameuse synergie entres les différentes expressions artistiques est désormais absente.
Parlez-nous de votre parcours et du changement de style dans vos œuvres ?
Mon parcours a démarré spontanément, presque naïvement, ici en Tunisie. Je n'ai pas fait l'itinéraire classique de ce qu'on appelle l'institution des beaux arts. Ensuite, je suis allé en Italie, poussé par la volonté d'apprendre et de comprendre. Ma formation au départ répondait au souci de réaliser un travail dans ce qui m'a le plus plu, l'art classique au sens occidental du terme. Ajouté à cela l'attrait qu'opérait sur moi l'art contemporain. On recevait les revues, on visitait les galeries, on voulait faire quelque chose. Mais on glissait facilement dans la répétition d'un style aimé. Or, à ce stade précis, le plus important pour moi est d'éviter cet écueil. J'ai commencé à peindre en prenant plusieurs directions, jusqu'au moment où j'ai rencontré le théoricien mondial de l'art, Michel Tapié de Céleyran qui s'intéresse à l'art informel. Il m'a mis dans une ambiance à laquelle je ne m'attendais pas du tout, m'a présenté à des artistes chinois, coréens, japonais et iraniens. C'était entre l'Italie et la France, dans les années 60. Par l'influence intelligente de Michel Tapié qui m'a fait rencontrer des artistes asiatiques et d'autres plus proches de nous comme les Iraniens, j'ai eu un choc qui n'est pas loin de la prise de conscience. La question qui s'était imposée alors à moi : va-t-on continuer à suivre ceux qu'on aime, dans la modernité —qui devient classique par l'effet de la répétition—, ou faire autre chose. C'était un moment-clé de conscientisation. Il était nécessaire pour moi de témoigner du monde d'où je viens ; je suis Africain, Arabe et Méditerranéen. J'ai longuement médité, réfléchi sur le phénomène oublié de la calligraphie. Un art majeur éludé par l'Occident pour des raisons qui ne nous concernent pas directement. Il fallait assumer cette responsabilité, se dégager du regard de l'autre et éviter une répétition dangereuse et stérile à la fois.
Est-ce une forme d'identification que de choisir la lettre arabe ?
Le terme identification a été le mot le plus dangereux pour moi. Lorsque je parlais de conscientisation, je m'étais trouvé comme beaucoup d'artistes du monde arabe en train de chercher, selon Jacques Berque, une identité : «Les Arabes sont en quête d'identité». Mais toute quête identitaire ne mène qu'au fourvoiement, à l'enfermement et au suicide. J'avais cela en tête comme péril à éviter.
Est-ce de l'affirmation alors ?
Affirmation du nous au sens de la globalité et de l'universalité. Ne pas se réduire à faire la répétition des œuvres faites par des femmes et des hommes d'une certaine époque. Il fallait innover et parler le langage d'aujourd'hui. Je m'étais révolté aussi contre le mimétisme de certains calligraphes qui ne font que répéter les mêmes gestes depuis des siècles. C'est une erreur fondamentale. Il fallait trouver des moyens qui pouvaient rappeler la rupture opérée par la ville de Kairouan avec les influences orientales. Une révolution de l'écriture avait eu lieu à Kairouan, au dixième siècle, dont on évite de parler dans les colloques internationaux des spécialistes de la calligraphie de la langue arabe.
La Lettre arabe incarne pour les arabes et les musulmans une certaine sacralité, qu'en pensez-vous ?
La sacralité appartient aux propos des savants qui ont perpétué ceux des prophètes. C'est une autre histoire. La calligraphie n'est pas née toute seule. Elle a ses voisinages et ses influences ; le cyrillique, l'hébreu et autres. Du moins dans la région proche de nous, la calligraphie a été composée et réfléchie dans chaque endroit de la partie orientale. Différentes écoles comme «Les six plumes» ont exercé leurs influences. Cet héritage, je l'ai observé comme je l'ai fait pour les œuvres de Michel Ange, de Léonard de Vinci et de Goya. Je me devais de quitter et non de rompre avec les influences occidentales. La réciprocité de l'échange avec les autres est toujours enrichissante. Mais je ne pouvais l'apprécier qu'à partir du moment où je rejette toute forme d'imitation et de suivisme dans un sens comme dans l'autre. J'ai commencé à les respecter en tant que forme de base, en écartant la répétition. J'ai choisi de travailler la forme de la lettre dans son aspect architectural, un concept qui rentre dans l'art et rejoint l'universalité. Et j'ai évité d'écrire des mots mais gardé la rythmique de la lettre.
Qu'appelez-vous rythmique de la lettre ?
Comme avec les groupes de chant, «Soulamiya», par exemple. Le rythme est présent mais on ne comprend pas souvent le sens des mots. C'est la cadence qui prime et qui m'a beaucoup intéressé. Je suis parti dans cette direction à travers la formulation de signes libres et non de signes qui portent un sens.
Vous ne cherchez pas à produire du sens à travers vos tableaux, à retranscrire un vers de poésie, un verset de Coran ?
Je ne suis pas écrivain, je ne suis pas poète. C'est de la création plastique au premier degré du geste libre. La décision de me dégager de tout ce qui est écrit a été prise de manière réfléchie dans le passé.
Les œuvres de Nja Mahdaoui sont exposées partout dans le monde, pouvez-vous nous parler de cet accueil et comment l'avez-vous perçu ?
Il y a une date à rappeler, j'espère ne pas me tromper, depuis 1765-70, il n'y a jamais eu une œuvre d'artiste du monde oriental et arabe exposée dans les musées internationaux. On ne trouvait que des bribes d'objets d'art de cultures et de civilisations anciennes. L'actualité est occultée complètement. Aujourd'hui, certains musées parmi les plus grands au monde ont commencé à ouvrir leurs portes et à proposer le dialogue. Parce que certains, je prends la responsabilisé de le dire et j'en fais partie, avions refusé de continuer à suivre et à imiter. Pourquoi le Smithsonian de Washington a ouvert ses portes, le British muséum et d'autres à Kuala Lumpur, à Tokyo, à Moscou. A chaque fois dans le cadre du dialogue. J'aime élargir le champ du dialogue et innover. A Sharjah, aux Emirats Arabes Unis, je suis président de Jury du musée de la rencontre de calligraphie arabe classique. J'ai ouvert une section officielle pour les recherches contemporaines modernes de la lettre.
Revenons en Tunisie, quel regard portez-vous sur la vie culturelle et artistique dans le pays ?
Il se passe quelque chose en Tunisie. Le théâtre qui a ses bases et son histoire, a toujours donné. A présent, il y a un phénomène extraordinaire auquel nous assistons et que j'applaudis mais dans le cinéma. Un déclic s'est opéré chez la nouvelle génération. Le cinéma à l'instar de l'art de la photographie communique dans l'immédiateté. La conscience du choc social et politique a libéré les initiatives des cinéastes qui rendent compte de la réalité tunisienne sans complexes, telle qu'elle est, et non une réalité figurative. Par ailleurs, le déséquilibre est palpable entre le cinéma et les autres disciplines. Lorsque les galeries dignes de ce nom ne dépassent pas une dizaine, alors que près de 1.200 artistes peintres sont inscrits, il y a un point d'interrogation. Nous n'avons pas encore pensé à un cadre qui expliquerait ce déséquilibre matériel et temporel entre le cinéma qui a explosé et les autres arts à la traîne. Par ailleurs, nous sommes en train de discuter du projet de loi portant sur le statut de l'artiste, il était temps. J'attends que les créateurs se rencontrent entre eux pour en débattre.


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