Le pouvoir judiciaire se retrouve, une nouvelle fois, au milieu de la tourmente suite à la polémique créée par les blocages empêchant la tenue de la première réunion du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) dont l'élection a laissé entrevoir l'émergence d'un espoir réel en vue d'une magistrature libre et indépendante. Or, depuis cette élection, un silence lourd plane sur la situation et l'avenir de ce Conseil, censé, réguler les activités et la gestion des affaires de ce pouvoir. Mais il n'en fut rien. Au contraire, on a assisté, crescendo, à l'émergence de complications d'ordre procédural, juridique, voire constitutionnel. Aussi avons-nous l'impression de tourner en rond. Tout d'abord, rien n'a été fait pour procéder à la prestation de serment par les membres du Conseil devant le président de la République, condition sine qua non pour passer à la convocation dudit Conseil à se réunir par le président de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, présidée par Khaled Ayari en sa qualité de premier président de la Cour de Cassation. Ce qui n'a pas eu lieu. L'explication fournie par Khaled Ayari se résume au fait qu'il ne pouvait pas le faire tant qu'il existe des vacations au sein du CSM, car, selon lui, la première réunion est appelée à élire son président parmi ceux ayant les plus hauts grades dans la magistrature. Donc, étant donné que les postes vacants au sein du Conseil sont concernés par les plus hauts gradés, susceptibles pour l'un d'eux de postuler au poste de président du CSM, la convocation de ladite réunion serait illogique, voire illégale. Les observateurs expriment leur étonnement de cette lenteur alors que pour d'autres désignations, il n'avait pas fallu plus de cinq jours, sachant que les propositions pour la nomination d'un nouveau premier président de la Cour de Cassation par l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire, n'a pas encore été entérinée par le président de la République. Le bouquet dans cet imbroglio est que Khaled Ayari, vient de partir à la retraite, le 1erdécembre 2016. Un départ qui a été accompagné d'un clash inédit entre le haut magistrat intéressé et le ministre de la Justice, Ghazi Jeribi, et ce en direct sur antenne à la Radio Mosaïque Fm, le mercredi dernier, soit son dernier jour en fonction à la tête de la Cour de Cassation. En effet, Khaled Ayari assure avoir tenu à éclaircir certains points concernant notamment la non prorogation de son bail et le fonctionnement de l'instance provisoire après le départ de son président. C'est ainsi qu'il a révélé que le ministre de la Justice l'avait informé d'une proposition de le faire maintenir en fonction après son départ légal à la retraite, avant d'ajouter que les formalités pour activer la procédure avaient démarré. Or, précise-t-il encore, le 4 novembre 2016, le ministre de la Justice lui a indiqué que « la prolongation a été annulée à cause de l'opposition d'une partie importante et influente dans le pays... » Il n'en fallait pas plus pour que le ministre de la Justice en personne, pourtant aux apparitions rarissimes dans les médias, est intervenu par téléphone pour démentir les propos du haut magistrat tout en précisant que c'est Khaled Ayari qui avait réclamé et insisté, verbalement, pour obtenir la prolongation. Les deux intervenants, aussi bien le ministre que le haut magistrat ont maintenu, chacun, ses positions et le démenti des propos de l'autre. M. Ayari a même souhaité que le ministre ait le courage de reconnaître ses propos concernant l'intervention d'une partie importante dans le pays alors que le ministre a dit préférer ne pas entrer dans ce genre de discussions. «Je suis intervenu juste pour démentir les paroles de M. Ayari. Point à la ligne », a conclu Ghazi Jeribi en substance. C'est dire la complexité de la situation où l'impasse paraît totale surtout avec la nouvelle vacation entraînée par le départ à la retraite de Khaled Ayari laissant un vide à la tête de la Cour de Cassation et à la tête de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire. D'après des observateurs avertis dans le milieu judiciaire dont le juge au Tribunal administratif, Ahmed Souab, la situation est, certes très complexe, mais pour s'en sortir et afin de ne pas laisser perdurer le blocage, il est possible de recourir à des moyens pratiques dans le sens où le vice-président de l'Instance provisoire de l'ordre judiciaire peut assurer et assumer les mêmes fonctions du, désormais, retraité, M. Ayari. En tout état de cause, et avec l'orientation prise par les événements au sein du pouvoir judiciaire, force est de constater que des considérations étrangères à la justice semblent être à l'origine de cet imbroglio, des considérations que le dernier clash virulent susmentionné illustre parfaitement. Il s'agit, d'ailleurs, de clivages et de tiraillements parfaitement visibles rien qu'au vu des rapports tendus entre l'Association de magistrats tunisiens (AMT) et le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) qui n'ont jamais pu s'entendre depuis 2011 alors que les deux associations sont censées défendre, uniquement, les intérêts d'ordre professionnel et matériel des juges.