La Tunisie compte entre 100 et 150 barons de contrebande de carburants implantés notamment, dans les régions de sud et du centre du pays où ils gèrent une chaine de contrebandiers d'environ 20 mille personnes, dont plusieurs ont le double emploi, selon une étude sur le marché parallèle du carburant en Tunisie, réalisée par Sigma Conseil. Présentant cette étude lors d'une conférence sur «le commerce parallèle du carburant et son impact désastreux sur l'économie tunisienne, Hassen Zargouni, directeur général du cabinet Sigma Conseil a rappelé que ce phénomène entraîne un manque à gagner fiscal de l'ordre de 400 millions de dinars (MD) ajoutant que 64% des consommateurs de carburants de contrebande recourent à ce produit pour des raisons financières étant donnée que son prix est moins élevé par rapport au carburant vendus dans les stations de services (différence entre 600 et 700 millimes/ litre). «34% des consommateurs choisissent le carburant de contrebande par conviction» a-t-il noté, soulignant que ces personnes préfèrent toujours le circuit informel dans tous leurs achats. Il a fait savoir que les contrebandiers font preuve d'agressivité estimant que «le territoire, notamment dans les régions frontalières, est envahi, voire colonisé par ces barons, qui mènent des activités de contrebande, touchant une multitude de produits, particulièrement le tabac, l'électroménager, les drogues et les armes «. Concernant les causes de la propagation de ce phénomène, ces dernières années, Zargouni a pointé du doigt la passivité de l'Etat, la détérioration du pouvoir d'achat du consommateur et la banalisation de la corruption et de la prise de risque en Tunisie. Pour lui «l'Etat doit être présent dans les régions frontalières avec force. Il doit agir et combattre ce fléau» tout en œuvrant à sensibiliser les citoyens aux risques des produits de contrebande et à intégrer progressivement les contrebandiers dans le circuit formel. Les contrebandiers accaparent 30% du total des ventes Les contrebandiers de carburant accaparent, à eux seuls, 30% du total de ventes du secteur, a annoncé, hier, Lotfi Hamrouni, membre du bureau exécutif de l'UTICA et président de la Fédération nationale de la Chimie, soulignant que ce phénomène ne se limite plus aux régions du sud et du centre, mais touche toutes les régions du pays. Intervenant à une conférence sur «le commerce parallèle du carburant et son impact désastreux sur l'économie tunisienne», organisée hier, au siège de la centrale patronale, Hamrouni a fait état des pertes énormes enregistrées par les professionnels du secteur (les sociétés de distribution et les propriétaires de stations de services), lesquels ont subi une chute de leurs chiffres d'affaires atteignant les 80%, dans les régions du sud et du nord-ouest. Partageant le même point de vue, Hamadi Khemir, membre de la Chambre syndicale des sociétés de distribution de carburants (relevant de l'UTICA), a fait état de la fermeture de plusieurs stations de service et de la perte d'un grand nombre de postes d'emploi. «Aujourd'hui, nous avons des stations qui embauchent 3 ou 4 personnes uniquement, alors qu'elles comptaient auparavant une dizaine d'employés, et ce, en raison des difficultés financières auxquelles ils font face». Une corporation en pleine crise De son côté, Matthieu Langeron, président de la Chambre syndicale des sociétés de distribution de carburants, a fait savoir que près d'un million de m3 de carburants de contrebande est vendu annuellement sur le marché local, et ce, au détriment des professionnels du secteur. «Les stations de service sont pénalisées à cause de ce commerce très déloyal», a dit le responsable, réitérant «nous sommes les vrais créateurs d'emplois formels dans cette filière d'activité, nous payons des cotisations salariales, nous formons les salariés et nous nous acquittons de l'impôt, envers l'Etat, ce qui n'est pas le cas pour le marché informel. Toutefois, nous avons beaucoup de mal à maintenir notre activité et à investir, notre corporation est en plein crise». Dans ce cadre, il a appelé l'Etat à jouer pleinement son rôle et à protéger les intérêts des professionnels du secteur et aussi des citoyens, à travers notamment la mise en place d'une stratégie efficace qui permet d'éradiquer ce fléau. Mohamed Chaabouni, directeur général de «Vivo Energy», a rappelé qu'une station de service emploie en moyenne 15 personnes et s'acquitte de son devoir fiscal, alors que les contrebandiers ne participent ni à la création d'emplois ni à l'effort fiscal. Toutefois, il a fait état de la volonté des professionnels de continuer à investir dans ce domaine, annonçant : «nous projetons de mobiliser de nouveaux investissements dans les années à venir de l'ordre de 500 millions de dinars (MD) et de créer entre 3000 et 4000 nouveaux postes d'emplois». Cette rencontre a été organisée par la Chambre syndicale des sociétés de distribution de carburants et la chambre syndicale nationale des gérants et des propriétaires des stations de service, toutes les deux affiliées à la Fédération nationale de la Chimie.