Une plus forte présence de l'Etat aux frontières est nécessaire pour éviter la prolifération du commerce parallèle du carburant qui a gagné 30% de part du marché national. Les professionnels protestent contre le laisser-aller Le secteur du carburant se caractérise depuis des années par un désordre dû à la prolifération du commerce parallèle qui détient 30% de part de marché actuellement contre seulement 10% avant la révolution. Lors d'une table ronde sur « le commerce parallèle du carburant et son impact sur l'économie tunisienne », organisée hier au siège de l'Utica, les professionnels ont protesté contre la situation précaire du secteur et ont appelé les autorités compétentes à intervenir efficacement au niveau des frontières en vue de contrecarrer ce phénomène qui gagne du terrain jour après jour. Selon M. Lotfi Hamrouni, président de la Fédération nationale de la chimie relevant de l'Utica, «le secteur du carburant en Tunisie souffre de plusieurs problèmes à cause du développement du commerce parallèle sur tout le territoire. Les produits vendus ont des conséquences fâcheuses sur la santé et la sécurité et sont à l'origine de la pollution de l'environnement. Leur stockage porte atteinte à la nappe phréatique». En outre, les recettes des stations-services ont connu une régression à cause de ce phénomène. D'où la nécessité, recommande l'orateur, de renforcer le contrôle pour rappeler à l'ordre les contrebandiers aux frontières. Il est temps de traiter ce problème d'une façon sérieuse en appliquant la réglementation en vigueur. Une stratégie devrait être mise en place pour réduire les effets de ce commerce parallèle. Allègement de l'effectif des stations-services En 1996, le commerce parallèle du carburant était limité à certaines régions, dont Gafsa et Skhira. Aujourd'hui, les points de vente anarchiques sont sur l'ensemble du territoire. Certaines stations-services ont été amenées à fermer leurs portes alors que d'autres travaillent en veilleuse allégeant leur effectif qui est passé de 12 et 13 personnes à seulement 4 ou 5 ouvriers ! Les professionnels appellent les autorités compétentes à arrêter cette hémorragie en contrôlant plus efficacement les frontières en amont. De son côté, M. Hassan Zargouni (Sigma Conseil) a présenté une étude sur le commerce parallèle du carburant, qui a touché plusieurs régions dont le sud, le centre et le nord-ouest où ce type d'activité est florissant. Des personnes impliquées dans ce commerce ont été longuement interrogées sur ce phénomène, et ce, pour comprendre de près le fonctionnement du mécanisme en question. Quelque 1.000 familles vivent du commerce parallèle du carburant d'une façon directe ou indirecte. «C'est un phénomène complexe avec de multiples intervenants dont des facilitateurs et des acheteurs », explique l'orateur. La présence des autorités aux frontières avec force peut diminuer la prolifération de ce commerce qui, malgré tout, crée des postes d'emploi parallèles dont le chiffre est estimé à 20.000 (dont des enfants) basés essentiellement dans le sud et le centre-ouest. Ces personnes travaillent dans « la chaîne » du commerce parallèle. M. Zargouni a relevé, en outre, que les contrebandiers se caractérisent par leur agressivité et utilisent tous les moyens de marketing pour vendre leur produit. Ils ont envahi les territoires en l'absence des autorités. La crise économique que vit la Tunisie a favorisé cette activité illégale qui est très florissante. Les consommateurs dont le pouvoir d'achat s'est amoindri ont recours au carburant de contrebande compte tenu de son prix relativement réduit par rapport à celui pratiqué par les stations-services, soit une différence de 600 à 700 millimes par litre. Banalisation de la prise de risque La banalisation de la corruption et de la prise de risque a également encouragé le développement du phénomène, selon Sigma Conseil. C'est que les gens n'ont plus peur et sont disposés à stocker du carburant dans leur maison, même s'il y a un risque imminent d'incendie. L'étude a montré que les consommateurs répartis en trois catégories sont conscients du risque encouru en achetant du carburant des contrebandiers. La première catégorie (64%) achète le produit compte tenu de son prix réduit, alors que la deuxième catégorie (34%) encourage tout simplement la contrebande et achète le produit par principe. Quant à la troisième catégorie, qui représente 3 à 5%, elle achète le carburant de contrebande par nécessité. L'orateur recommande une plus forte présence de l'Etat aux frontières pour éviter l'amplification de ce phénomène. Il doit également assurer le recouvrement des taxes en vue d'améliorer les recettes de la Trésorerie publique. A noter que parmi les produits de contrebande, le carburant est celui le moins importé illégalement. Les cigarettes, les drogues et les armes transitent elles aussi par cette filière. L'étude a touché des acheteurs occasionnels et permanents du commerce parallèle. La crise économique et l'instabilité politique ont ouvert la porte à cette activité décriée par les professionnels. Les contrebandiers, divisés en trois catégories, ont des relations particulières avec leurs acheteurs fidèles et sont en mesure de leur consentir des facilités à l'achat. Les barons de la contrebande sont bien outillés, disposent de camions pour transporter leurs produits et font travailler des ouvriers. Il y a aussi les moyens contrebandiers qui marquent leur présence un peu partout. Enfin, les commerçants constituent une partie de cette filière en contact avec les consommateurs. Le président du Groupement professionnel des pétroliers (GPP) a, quant à lui, rappelé que le secteur fait travailler près de 12.000 personnes dans les stations-services. Il considère que la concurrence imposée par la contrebande est «très déloyale». Dans un contexte de crise économique aiguë, les contrebandiers ont trouvé un terrain balisé pour vendre leur produit même si le marché est structuré avec des prix homologués par l'Etat. Ils ont réussi à gagner de nouvelles parts de marché pour atteindre 30% de l'ensemble des ventes. Les consommateurs sont intéressés surtout par les prix bas pratiqués dans ce commerce hors norme.