Une rencontre réunira aujourd'hui au club Tahar Haddad des calligraphes tunisiens et des artistes contemporains de plusieurs traditions pour débattre de l'actualité de la lettre arabe. En prélude aux échanges, le qanoun de Safa Araar et des lectures de poésie des "Mualaqates"... L'exposition des manuscrits islamiques de l'université de Leiden se poursuit jusqu'à la fin du mois de décembre au club Tahar Haddad. Sous l'intitulé "La beauté de l'Orient en reproductions", cette exposition propose de découvrir quelques manuscrits du fonds de l'université de Leiden aux Pays-Bas, qui en compte plus de six mille spécimens entre langue arabe, turque et persane. Echappées stylistiques et esthétiques Cette admirable collection permet de se retremper dans l'univers des calligraphes de la tradition islamique tout en offrant de suivre la trace des premiers illustrateurs dans les livres de science ou de littérature du monde islamique. En contrepoint à cette exposition, un programme culturel a été planifié par Mouaouia Gharbi, directeur du club Tahar Haddad, avec l'appui de l'ambassade des Pays-Bas en Tunisie. Ce programme débutera aujourd'hui mardi 13 décembre 2016 à 15h avec une rencontre intitulée "Artistes et calligraphes à la recherche de la lettre arabe". Plusieurs plasticiens tunisiens ainsi que des membres de l'Association des calligraphes participeront à cette rencontre qui promet d'être passionnante, tellement la question est complexe et le débat inédit. En effet, depuis de longues années, les calligraphes tunisiens sont les gardiens d'une tradition séculaire dont les origines en Tunisie remontent aux manuscrits de Kairouan. Les calligraphes qui se ressentent comme les dépositaires d'un savoir unique maintiennent cette tradition et se contentent d'imiter avec excellence les styles hérités du passé. Par contre, les plasticiens font preuve de plus d'audace dans la mesure où ils tentent depuis une quarantaine d'années de décloisonner les disciplines tout en s'emparant de la lettre arabe dans leurs oeuvres. C'est par exemple le cas de Nja Mahdaoui qui a théorisé cette approche avec la notion d'art-calligraphie qu'il a répandu à travers le monde. En ce sens, les artistes tunisiens ont beaucoup travaillé sur la lettre arabe et les modules d'arabesques. On retrouve cette démarche aussi bien chez un Néjib Belkhodja que chez un Abdelmajid Bekri. Plusieurs autres artistes, comme par exemple Amel Ben Salah Zaiem ou Othman Babba, ont également donné à la lettre des échappées stylistiques et esthétiques remarquables. Notons aussi les approches récentes de Salvatore Lombardo et plusieurs néo-calligraphes réunis au sein de la galerie Roubtzoff à la Marsa. Un débat profondément contemporain Les plasticiens du signe auront ainsi rendez-vous pour tenter de définir leurs points de convergence et voir en quoi la lettre peut être libératrice du sens, en quoi la tradition des calligraphes est un nouvel horizon à investir par les artistes modernes. En effet, les comparaisons et similitudes dans la création artistique et l'oeuvre calligraphiée méritent d'être analysées de plus près voire déboucher sur un concept de transformation de l'espace pictural au sein de la longue tradition arabo-musulmane. Toutes ces questions animeront le débat abrité aujourd'hui par le club Tahar Haddad. En prélude à la discussion, la musique et la poésie seront à l'ordre du jour avec Safa Araar qui interprétera des solos de qanoun puis des lecteurs qui feront revivre en arabe et en français des extraits des fameuses "Mouallaquates", les odes poétiques de la langue arabe. Quant au débat proprement dit, il associera la parole des calligraphes et des artistes contemporains. Abdesslem Bejaoui, président de l'Association des calligraphes, prendra la parole pour établir un état des lieux de la calligraphie en Tunisie. Des points de vue sur la démarche de Nja Mahdaoui seront développés aussi bien au niveau théorique qu'au niveau artistique grâce à des textes de cet artiste et des oeuvres en reproduction. Plusieurs autres artistes et calligraphes participeront à cette rencontre qui, rappelons-le, se tient dans le cadre de l'exposition des manuscrits islamiques de l'université de Leiden. Cette exposition a été inaugurée le 5 décembre 2016 par Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais, et Mohamed Zinelabidine, ministre de la Culture. Elle comprend de nombreuses reproductions de manuscrits dont certains remontent au sixième siècle.