Que nous reste-il de la politique sinon ses grands discours et ses plans de communication sans failles qui servent, généralement, à mener des campagnes électorales de rêve ? Alors que nous vivons dans une atmosphère de fin de règne où l'élite politique peine à concrétiser ne serait-ce que l'énième de ses promesses, son discours public ne cesse de se détériorer pour aller vers une vulgarité et une médiocrité jamais connues auparavant. Pour ne pas rompre avec nos nouvelles traditions politiciennes, le président de l'Union patriotique libre (UPL) et président du Club Africain (CA), Slim Riahi, vient de nous offrir une nouvelle tirade surréaliste. Lors d'une déclaration accordée à Mosaïque FM, il est revenu sur un incident survenu au sein de son Club – l'intéressé a en effet frappé l'un des joueurs de l'équipe après une querelle – en expliquant qu'il ne pouvait tolérer les erreurs graves de certains. Interrogé par le journaliste sur l'amalgame que cet incident pourrait provoquer, faisant référence à la casquette politique de Slim Riahi, ce dernier n'a pas hésité à déclarer qu'il pourrait très bien infliger le même sort à un ministre ou à un gouverneur si jamais il venait à commettre un grave dérapage. Assurant qu'il savait très bien ce qu'il faisait, Slim Riahi a affiché une attitude hautaine d'une violence apparente ne pouvant nullement être remise en cause. Ainsi, le président du troisième parti en Tunisie aux élections législatives de 2014 s'est permis d'annoncer publiquement ses tendances physiquement violentes et de déclarer, fièrement, qu'il serait capable de défier l'Etat et ceux qui le représentent en ayant recours à la violence. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une vraie nouveauté de style pour Slim Riahi qui nous a déjà fait une sortie des plus violentes lors de l'une des défaites du CA. Contestant la prestation de l'arbitre, il s'était directement attaqué au ministre de la Jeunesse et du sport, Maher Ben Dhia, en le traitant, ainsi que le chef du gouvernement, Habib Essid, de lâches. Maher Ben Dhia a été obligé, suite à cet incident, de présenter sa démission de l'UPL. Remontons deux partis plus haut du classement et allons voir du côté du mouvement majoritaire, le fameux mouvement de Nidaa Tounes. Touché par l'attaque terroriste survenue dans une mosquée à Québec, Nidaa Tounes a publié un communiqué, signé par son directeur exécutif Hafedh Caïd Essebsi, où il a exprimé sa compassion avec la « République du Canada ». Oui, oui, vous avez bien lu, pour Nidaa Tounes et son directeur, le Canada est une République et le Québec une région de cette même République. Déplorant la seule victime tunisienne du drame, l'auteur du texte n'a même pas pris la peine de citer son nom, nonchalance ou peur d'une autre erreur ? Cela reste à vérifier. Voulant démontrer sa volonté à combattre le terrorisme, Nidaa Tounes s'est dit aux côtés de toutes les forces mondiales qui s'inscrivent dans ce combat pour ‘arracher ce fléau du corps humain'. Une métaphore lourde et frôlant l'absurde. Il est triste de voir que ce tampon, cet entête et cette signature à cause desquels deux clans continuent aujourd'hui à sa chamailler – entre Ridha Belhadj et Hafedh Caïd Essebsi qui tentent, tous les deux, de les récupérer, pour légitimer leur autorité au sein du mouvement – finissent par servir à la publication d'un communiqué incarnant la médiocrité. Cette publication a valu une grande vague de moquerie sur les réseaux sociaux ce qui a amené l'administrateur de la page officielle de Nidaa Tounes à retirer le communiqué oubliant certainement que des centaines de sauvegardes en ont été faites...