Les réserves en devises ont atteint le 10 février 2017 les 11,867 milliards de dinars, soit l'équivalent de 100 jours d'importation .Le déficit commercial a atteint 12,62 milliards de dinars en 2016 .L'endettement dépasse actuellement 60% du PIB et pourrait atteindre le seuil critique de 70%du PIB d'ici deux ans .Le taux de croissance en 2016 a été de 1,3% selon le FMI et la BCT et de 1,2% selon Fitch Ratings contre une moyenne de 4,5% avant la Révolution Dans les rapports qu'ils publient régulièrement sur la situation économique en Tunisie, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont rompu depuis quelques mois avec leurs habituelles recommandations ambitieuses et mises en garde très diplomatiques. Naguère qualifié de «Dragon de la Méditerranée» et de «pays pré-émergent» par ces mêmes institutions de Bretton Woods, ce pays d'Afrique du Nord aux portes de l'Europe est désormais rabroué en termes très crus. Ainsi, dans son communiqué publié le 10 février à l'issue d'une mission d'experts dépêchée à Tunis, le FMI a utilisé un ton très sévère. Il fait état de «redoutables défis macroéconomiques», d'une «dette publique qui continue à s'alourdir», d' «une croissance faible », de «dérapages de la politique budgétaire», de «masse salariale de la fonction publique parmi les plus élevées au monde», de «déficit des transactions courantes considérable» etc...Et en conséquence le FMI ne décaissera pas la première tranche du crédit élargi convenu, pas avant une revue en 2017 disent-ils ! D'où la dernière sortie sur le marché financier international qui a rapporté moins que prévu initialement et aux conditions que l'on sait. Ce communiqué intervient moins d'une semaine après celui de l'agence de notation Fitch dégradant la note souveraine du pays et de sa dette publique. Là aussi le ton était aigre et cassant. Même si certains membres du gouvernement se sont hasardés à laisser entendre que ces alertes relèvent d'un complot international cherchant à dégrader les conditions d'accès de la Tunisie aux marchés internationaux de la dette, les indicateurs qui témoignent de la forte dégradation de la situation économique et financière sont légion. Les données du gouvernement de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), tout comme ceux du FMI, de la Banque mondiale et des agences de notation qui passent à la paille de verre tous les comptes de l'l'Etat tunisien dressent unanimement un constat amer. Forte dégradation des comptes publics D'abord la croissance économique est en berne. Dans son dernier rapport sur la Tunisie, l'agence Fitch Ratings estime à 1,2% le taux de croissance pour 2016 contre une moyenne de 4,5% avant la Révolution et une moyenne de 4,0% dans les pays comparables notés «B» et 3,5% pour ceux notés «BB». La BCT et le FMI estiment, quant à eux, le taux de croissance enregistré en 2016 à 1,3%. D'autre part, le déficit budgétaire s'est creusé en 2016. Fitch l'estime au taux de 6,4% du PIB, soit deux points de plus que l'objectif budgétaire initial et environ un point de plus que le taux de 5,2 % enregistré en 2015. Le FMI a quant à lui, fait état d'un déficit budgétaire de 6% l'an dernier. Pour sa part, la BCT a annoncé le 15 février que le déficit budgétaire a atteint 4,05 milliards de dinars au cours des dix premiers mois de 2016 contre 1,86 milliard durant la même période de l'année 2015, en raison de l'accélération des dépenses hors principal de la dette à un rythme plus élevé que celui des recettes propres. S'agissant du déficit du compte courant, il s'est établi à 8,9% du PIB en 2016 contre 8,8% une année auparavant, selon Fitch Ratings. Les réserves en devises du pays ne cessent, par ailleurs de baisser. A fin décembre 2016, elles couvraient 114 jours d'importation contre 127 jours un an plus tôt, selon les données de la BCT. Ces réserves se sont dégradées davantage en ce début d'année 2017. Elles ont atteint le 10 février 2017 un montant de 11,867 milliards de dinars, soit l'équivalent de 100 jours d'importation. L'endettement pourrait tutoyer les 70 % d'ici deux ans Selon la BCT, le taux de change du dinar a poursuivi sa dépréciation vis-à-vis des principales devises à cause notamment de la persistance du déséquilibre entre l'offre et la demande sur ce marché. En termes de moyennes annuelles, le dinar a enregistré, pour toute l'année 2016, des dépréciations de 8,6%, 8,3% et 18% respectivement vis-à-vis du dollar américain, de l'euro et du yen japonais. Et il faut s'attendre à une nouvelle dévaluation en cours d'année. Sur un autre plan, le déficit commercial s'est situé à 12,62 milliards de dinars en 2016 contre 12,05 milliards de dinars en 2015, selon les données de l'Institut national de la statistique (INS).Le taux de couverture des importations par les exportations a enregistré une quasi-stabilisation, s'établissant à 69,8%, contre 69,6% en 2015. Les pays avec lesquels la Tunisie enregistre le déficit commercial le plus important sont la Chine (-3,84 milliards de dinars), la Turquie (-1,48 milliard) et la Russie (-1,37 milliard). L'endettement poursuit aussi sa glissade. L'agence de notation Moody's l'estime à 63,2% du PIB à la fin de 2016 contre 54,9% en 2015. Le FMI note, quant à lui, que cet endettement qui dépasse aujourd'hui 60% du PIB devrait tutoyer le seuil critique de 70% du PIB d'ici deux ans alors qu'il n'était que de 52% du PIB en 2010. Face à autant t de chiffres peu reluisants, nos gouvernants devraient prendre rapidement le taureau par les cornes pour remettre les comptes publics à flot et conjurer le risque d'un défaut de l'Etat qui s'approche à grands pas, au lieu de fantasmer stupidement sur un hypothétique complot international.