Il est devenu presque inutile de rappeler, à chaque occasion, l'importance de la liberté de presse surtout dans l'état actuel du pays qui connait des difficultés économiques, des menaces sécuritaires, la bassesse politique et la croissance dangereuse de la corruption et de ses barons. Si certains expliquent aujourd'hui que le ‘peuple' ne s'intéresse plus aux plateaux et aux interviews musclées qui ratent l'essentiel, il faut rappeler, encore une fois, que personne ne peut avancer ce genre de ‘vérité absolue' parce que personne ne peut connaître ce que ce même peuple veut ou ne veut pas. Abstraction faite de ce genre de remarque toute aussi faussée qu'absurde, la liberté de la presse demeure une bouée de sauvetage pour ceux et celles qui cherchent encore à trouver des issues pour cette patrie. Malheureusement, le monde réel nous réveille brusquement de nos rêves et nous rappelle que les menaces deviennent aujourd'hui de plus en plus virulentes. Ainsi, et en seule semaine, un journal, très bas par ailleurs, et une émission de télévision ont été censurés. Il s'agit du controversé hebdomadaire Al Thawra News dont le directeur vient tout juste de quitter la prison. Al Thawra News, connu pour sa ligne éditoriale loin de toute éthique, vient d'être interdit par une décision du ministère de l'Intérieur. Oui, vous avez bien lu. Monsieur le ministre de l'Intérieur, et en vertu de l'état d'urgence, a décidé de suspendre le journal. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Nous nous retrouvons dans l'obligation de dire non à la suspension à Al Thawra News qui n'a épargné que ceux qui le lui ont bien rendu. Un journal ayant joué avec la réputation de plusieurs personnalités en faisant de la pression son unique outil de travail. Al Thawra News et son directeur sont sujets de plusieurs affaires judiciaires qui s'entassent depuis des années sur les bureaux des juges et, du jour au lendemain, on décide de suspendre le jour via un communiqué inodore, incolore et insipide. S'il est devenu urgent aujourd'hui d'interdire ce journal, et on ne peut être plus d'accord, il aurait fallu passer par les tribunaux civils où un vrai procès aurait été proprement intenté contre les concernés. Aujourd'hui Al Thawra News, demain n'importe qui d'entre nous... A peine remis de cette nouvelle, une autre information est venue perturber la scène ; le journaliste et animateur Néji Zaïri a annoncé que son émission ‘Le rendez-vous', diffusée sur la chaîne privée Hannibal TV, a été victime de censure. Les invités de l'émission qui devait être diffusée dimanche dernier étaient l'ancien directeur du cabinet présidentiel, Ridha Belhadj, le député Mustapha Ben Ahmed et le journaliste Mondher Bedhiafi. Le lendemain de l'incident, Ridha Belhadj a directement accusé le directeur actuel du cabinet présidentiel, Slim Azzebi, d'être dernière la censure. La présidence de la République, à travers son porte-parole Ridha Bouguezzi, a nié les faits sur un ton frôlant le sarcasme. Ce dernier a en effet estimé que depuis qu'il a quitté son poste de directeur du cabinet présidentiel et celui du président du comité politique du mouvement de Nidaa Tounes, Ridha Belhadj n'a plus, pour s'imposer sur la scène médiatique, que les diffamations qu'il porte contre la présidence de la République. Ila également affirmé que le palais de Carthage n'intervient dans aucune ligne éditoriale de n'importe quel organe médiatique et qu'il appelle même à ce que le nom de toute personne qui ose le faire soit révélé au grand public. Une réponse peu convaincante d'autant plus qu'il ne s'agit pas de la première fois où la présidence de la République est évoquée dans un incident pareil. A l'ère de la révolution et de la transition démocratique, beaucoup de journalistes commencent à sentir le poids de la censure et les efforts de ceux qui les poussent vers l'autocensure. De l'intimidation aux tentatives d'intimidation, la liberté de la presse est réellement menacée !