A 72 ans, Ahmed Néjib Chebbi s'apprête à faire un retour tonitruant sur la scène politique nationale. Selon son entourage, cet ancien militant de gauche et opposant aux régimes de Bourguiba et de Ben Ali devrait annoncer prochainement le lancement d'un nouveau parti politique en capitalisant sur sa longue expérience et son combat pour les libertés et la démocratie. L'annonce officielle devrait intervenir début 2018, a-t-on précisé de même source. S'agissant de la dénomination du nouveau parti, M. Chebbi hésite encore entre «Le Parti démocrate» et «Le Mouvement Démocratique». Il s'agira d'un parti centriste qui s'inscrit dans la tendance du libéralisme social. Outre certaines figures marquantes du défunt Parti Démocratique Progressiste (PDP), devenu Al-Jomhouri après la révolution, Ahmed Néjib Chebbi s'est entouré de plusieurs visages plus ou moins connus du grand public, dont le destourien Yadh Elloumi qui a claqué récemment la porte de Harak Tounes Al-Irada (Mouvement Tunisie Volonté) de l'ancien président Moncef Marzouki, et Lazher Bali, le chef du petit parti El Amen. L'équipe des fondateurs du nouveau parti a été présenté début septembre par Ahmed Néjib Chebbi au chef du MoDem et Maire de Pau, François Bayrou, lors de sa visite à Tunis. Ahmed Néjib Chebbi avait annoncé sa retraite politique peu après les élections générales de 2014 qui ont porté au pouvoir le mouvement Nidâa Tounes et son fondateur Béji Caïd Essebsi. «Son retour s'explique par le rendement peu satisfaisant des partis vainqueurs des élections législatives et présidentielle de 2014. Une personnalité nationale comme Ahmed Néjib Chebbi ne peut en aucun cas rester les bras croisés et jouer le rôle de spectateur désintéressé en pareille situation», assure l'un de ses fidèles et anciens compagnons de route. Avocat de formation, Ahmed Néjib Chebbi a un parcours politique riche et varié. Militant d'extrême-gauche durant ses premières années d'engagement en faveur du nationalisme arabe en 1968, il a été condamné pour sa participation aux contestations étudiantes par la cour de sûreté de l'Etat et fui en Algérie, avant d'être gracié en 1981. Il a ensuite fondé le Rassemblement socialiste progressiste (RSP) en 1983. Cinq ans plus tard, il a signé le «Pacte national», charte censée définir les règles du jeu démocratique après l'accession de Ben Ali au pouvoir. Bien que le Pacte national ait été signé par plusieurs formations d'opposition, dont le parti islamiste Ennahdha, cette position, jugée comme un deal passé avec le régime de Ben Ali, est mal perçue par une partie de l'opposition. Après échecs électoraux durant les années 90, Néjib Chebbi décide de prendre ses distances avec le pouvoir et d'incarner l'opposition radicale au régime de Ben Ali. Au début des années 2000, le RSP devient Parti démocratique progressiste (PDP) et s'oppose farouchement à l'amendement de l'article 39 de la Constitution, qui autorise Ben Ali à briguer un quatrième mandat en 2004. En 2005, Néjib Chebbi a été l'un des artisans du «comité du 18 octobre pour les droits et les libertés» qui regroupe plusieurs personnalités de l'opposition, dont le leader du Parti communiste des ouvriers tunisien (PCOT) et dirigeants du mouvement Ennahdha. En 2008 puis en 2010, l'opposant a observé des grèves de la faim très médiatisées pour dénoncer les intimidations dont son parti et son organe de presse sont la cible. Après la révolution, Ahmed Néjib Chebbi a été un éphémère ministre du développement régional dans le gouvernement dirigé par Mohamed Ghannouchi. Durant les élections de l'Assemblée nationale constituante tenues le 23 octobre 2011, il s'était opposé farouchement aux islamistes d'Ennahdha qui remportèrent le scrutin. Après son échec aux élections de 2014, il a annoncé son retrait de la vie politique qui n'a finalement été qu'un simple repos de guerrier.