Israël commence à relâcher les prisonniers dont le nombre a atteint hier les 400 personnes. Le gouvernement essaye ainsi de montrer sa bonne foi quant à la concrétisation des initiatives de paix. Ces libérations sont-elles alors un vrai signe de progression ou est-ce juste une mise en scène ? Ces libérations ont-elles été accueillies avec joie ou insatisfaction ? Et surtout, cette initiative, a-t-elle réussi à instaurer un climat de confiance entre Palestiniens et Israéliens ou alors la méfiance règne-t-elle toujours ? Il est aussi à noter que le grand nombre des prisonniers libérés appartiennent à Fatah et que le mouvement de Hamas ne semble pas bénéficier de cette « grâce ». Nous avons alors essayé de collecter le témoignage de deux prisonniers libérés hier, mais nous avons aussi parlé au ministre des prisonniers et libérateurs palestiniens et à un membre de Hamas au parlement. Tous se rencontrent sur un point : ce n'est pas assez...
Mohamed Elâajla, prisonnier libéré hier, en direct de la Cisjordanie Mohamed Elâajla est âgé de 29 ans. Le 14 février 2006, il a été arrêté pour fusillade contre les Israéliens et participation à la branche militaire du mouvement Fatah, accusations qu'il nie, étant simplement un policier à Beit Lahm. Il a croupit deux ans en prison dont une longue période à l'hôpital de la prison à Ramallah et à Al Qods. Il fut blessé à la jambe lors de son arrestation et même ses jours prolongés à hôpital n'ont pas permis sa guérison, simplement parce qu'il n'a pas reçu les soins nécessaires. Il témoigne avoir souffert de mauvais traitements et qu'il en paye le prix jusqu'à aujourd'hui. « Ce n'est que politique » assure-t-il concernant sa libération ainsi que celle d'autres palestiniens. N'y croit-il pas vraiment ? Cela dit, il n'entrevoit guère de perspective vu son état de santé qui ne lui permet plus de travailler. « Je vais essayer de quitter le pays pour me soigner » avance-t-il « je ne vois rien d'autre à faire, je dois guérir d'abord puis attendre que les conditions actuelles s'éclaircissent ! », conclut-il...
Faouzi Barhoum, prisonnier libéré hier, en direct de la bande de Gaza Agé de 39ans, Faouzi Barhoum a passé 6 ans en prison. Sa peine étant de 12 ans et demi, le voilà libéré depuis hier. Marié et père de nombreux enfants il témoigne : « j'ai été arrêté pour implication dans des cellules anti-israéliennes, mais je clame mon innocence ! J'étais chauffeur du journal « El Ayam » en Israël. » Quant au traitement dans les prisons israéliennes, Faouzi Barhoum n'en garde que des mauvais souvenirs ! Qu'en est-il de cette libération, lui avons-nous demandé, « le simple fait de nous laisser 60 autres prisonniers et moi sous une tente durant 13 jours en attendant de nous libérer depuis que la décision a été prise, témoigne d'un mauvais traitement et de « mépris » à notre égard ! » Néanmoins, Faouzi regarde dorénavant vers l'avenir, il a envie d'oublier le cauchemar et de reconstruire sa vie...
Ashraf El Ajrami, ministre des prisonniers et des libérateurs palestiniens, en direct de la Cisjordanie « Ces libérations n'arrangent pas totalement les choses » Le Temps : Que pensez-vous de ces libérations ? Est-ce vraiment un signe de progression dans le processus de paix ? Ashraf El Ajrami : Il ne s'agit là que d'un petit nombre par rapport aux 11000 prisonniers. D'autant qu'une grande part d'entre eux sont sur le point de purger leur peine ; il ne leur restait plus que quelques jours ou quelques mois. On ne peut donc pas considérer cela comme une vraie initiative. Ce mouvement de libération ainsi que les conditions des prisonniers doivent être traités dans le cadre d'une collaboration israélo-palestinienne. Il ne faut pas que cela reste unilatéral. Rappelons que ce dossier est l'un des plus importants que nous avons à traiter avec Israël. Ces libérations peuvent donner une lueur d'espoir, mais cela n'arrange pas totalement les choses.
Ismaël El Achkar, membre du Hamas au parlement, en direct de la bande de Gaza « C'est de la marginalisation de la cause palestinienne » Le Temps : Que pensez-vous du fait que peu de personnes du Hamas ont été libérées ?
Ismaël El Achkar : Il va de soi que nous sommes contents pour n'importe quel citoyen palestinien libéré, quelles que soient son appartenance ou ses croyances. Nous sommes un seul peuple qui souffre de l'injustice et de l'oppression d'un même colonisateur. Néanmoins, ces libérations ne sont que marginalisation de la cause ! Ce n'est qu'une mise en scène... Quelques centaines de prisonniers sont libérés, d'autres se font aussitôt arrêtés ! Israël n'arrête pas d'infliger des états de siège et d'emprisonner les gens. Elle récupère aussitôt qu'elle libère et comme preuve : 42 personnes ont été arrêtées dans la nuit du dimanche au lundi et 250 durant le mois dernier. On libère quelques personnes sur les 11000 : ce n'est qu'une goutte dans un océan d'autant que les prisonniers continuent de subir les pires traitements, voire de la torture quotidienne !