Le secrétaire général de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et ses lieutenants ont prouvé, encore une fois, qu'ils sont des dignes héritiers du leader national feu Farhat Hached. Alors que le pays connaît une nouvelle poussée de fièvre sociale, la puissante centrale syndicale dont les capacités à encadrer les manifestations ne sont plus à démontrer continue à faire preuve d'un patriotisme hors pair. Forte de plus de 800.000 adhérents, l'organisation n'a pas perdu la boussole pour apporter un soutien sans faille à des protestations souvent nocturnes et émaillées de violences et d'actes de vandalisme, et ce malgré l'engagement politique de la plupart de ses dirigeants et cadres moyens. Plaçant l'intérêt du pays au dessus de toutes les considérations, l'homme fort de l'UGTT, Noureddine Taboubi, a dénoncé les actes de violence et de pillage qui ciblent les institutions publiques et privées, se prononçant en faveur des mouvements pacifiques et encadrés. «Nous n'acceptons, sous aucun prétexte, qu'en pleine nuit les manifestants se transforment en pilleurs des biens de l'Etat. On ne peut qualifier ces actes de militantisme social ou de revendications légitimes», a-t-il déclaré à l'ouverture du 11ème congrès ordinaire de l'Union régionale du travail de Monastir. Estimant que les protestations nocturnes sont «douteuses», le responsable syndical a vertement critiqué les partis politiques qui ont appelé à manifester. «Ceux qui le font doivent au moins encadrer les manifestants, lesquels doivent s'exprimer de manière pacifique », a-t-il lancé. En fin équilibriste, M. Taboubi a reconnu que les augmentations des prix de plusieurs produits de consommation ont donné du fil à retordre aux couches sociales démunies et aux classes moyennes, appelant à une augmentation exceptionnelle du montant des allocations accordées aux familles nécessiteuses dans un délai n'excédant pas une semaine. Il a également plaidé pour l'augmentation du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et des salaires des ouvriers des chantiers et de toutes les couches socio-professionnelles défavorisés. Le secrétaire général de la centrale syndicale historique a, d'autre part, appelé à ouvrir les dossiers brûlants tels que la réforme de la Caisse de la compensation afin que les subventions des produits alimentaires et énergétiques soient orientées vers les catégories sociales les plus nécessiteuses, indiquant au passage que les deux tiers des recettes fiscales de l'Etat proviennent des retenues sur les revenus des salariés. Il a rappelé dans ce cadre que la situation des travailleurs opérant dans le cadre des mécanismes 16 et 20 ainsi que celle des travailleurs des chantiers sera régularisée. M. Taboubi a, par ailleurs, réaffirmé que le nouveau round des négociations sociales dans le secteur public et la fonction publique démarreront en avril 2018. «Ce même mois sera marqué par le parachèvement de la loi sur la réforme de la fonction publique », a-t-il ajouté. Le responsable syndical tente ainsi de jouer les pompiers pour éteindre les braises incandescentes sur lesquelles soufflent certains partis politiques qui se soucient comme d'une guigne de l'intérêt suprême du pays, tout en insistant sur le droit des couches démunies et des jeunes marginalisés à une vie digne. Il s'inscrit ainsi dans le droit fil de la doctrine de Farhat Hached, qui a placé l'UGTT comme défenseur du peuple entier, dans son ensemble et non pas de la seule classe ouvrière conformément à son fameux testament politique :« Ouhebouka ya chaâb » (Oh peuple, je vous aime). Marchant sur les pas du fondateur de l'UGTT, M. Taboubi s'emploie ainsi à jouer un rôle essentiel dans la préservation de l'Etat et de la cohésion sociale. Depuis sa fondation en 1946, l'UGTT a toujours joué un rôle politique central, en sus de ses activités syndicales. Partenaire du Néo-Destour de Habib Bourguiba durant la lutte pour l'indépendance, elle a été associée à la construction des nouvelles institutions du pays. L'organisation ouvrière a en effet formé une coalition électorale avec le Néo-Destour dans le cadre d'un «Front national» regroupant aussi l'UTICA (patronat) et l'UNA (Union nationale des agriculteurs) pour rafler la totalité des sièges à l'Assemblée constituante chargée d'instituer la première République. Plusieurs personnalités issues de l'UGTT sont ainsi devenues ministres. Presque tous les gouvernements Bourguiba étaient truffés de syndicalistes comme feu Ahmed Tlili, Mahmoud Messaâdi et Abdallah Farhat. Après l'accession de Ben Ali au pouvoir, la direction de l'UGTT s'est progressivement inféodée au pouvoir mais la base a continué à manifester des velléités d'indépendance. C'est ce qui explique que l'UGTT était la seule organisation nationale, avec l'Ordre national des avocats, à ne pas soutenir la candidature de Ben Ali aux présidentielles. Cette tendance s'est poursuivie jusqu'aux derniers jours avant la fuite de Ben Ali. L'UGTT a encore accru son importance au moment des soulèvements de décembre 2010-janvier 2011. Au début des manifestations contre le chômage et la marginalisation à Sidi Bouzid, l'organisation avait soutenu timidement le mouvement avant d'appeler, sous la pression de ses cadres radicaux, à des grèves générales qui ont précipité la chute de Ben Ali. Cela a permis à la centrale syndicale de sortir auréolée de sa participation à la révolution.