A environ deux mois du démarrage du prochain round des négociations sociales, les esprits commencent à s'échauffer. Et le dialogue entre l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) et l'Union Tunisienne du commerce et de l'Industrie (UTICA) ne sera pas de tout repos, bien au contraire. Le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, a déjà donné le ton en annonçant, jeudi, que la centrale syndicale ne se laissera pas marcher sur les pieds. «Le prochain round de négociations sociales ne sera pas de tout repos au regard du caractère sectoriel de ce dialogue et de la situation générale qui prévaut dans le pays», a-t-il lancé, appelant les syndicalistes à bien se préparer pour ce rendez-vous crucial. «Nous souhaitons que le démarrage des négociations salariales aura lieu avant les délais prévus dans les accords conclus avec le patronat et le gouvernement, en l'occurrence le mois de mars pour le secteur privé et le mois d'avril pour le secteur public, et ce afin d'améliorer le pouvoir d'achat des salariés qui s'est sensiblement détérioré», a-t-il ajouté. Plaçant la barre très haut, le responsable syndical a également appelé à des négociations spécifiques dans certains secteurs qui emploient les élites du pays à l'instar des professeurs d'enseignement secondaire et des médecins hospitalo-universitaires. Il a, d'autre part, rappelé dans ce cadre que toutes les crises sociales qu'a connues la Tunisie en 1965, 1978 et 1984 avaient découlé de la détérioration du pouvoir d'achat des salariés et de la dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux devises fortes. «Nous devons retenir les leçons et œuvrer pour éviter les tension sociales surtout que la situation politique et sécuritaire demeure fragile », a-t-il fait remarquer. Selon M. Taboubi, le salaire minimum ne doit pas être inférieur à 866 dinars vu le taux d'inflation élevé, la détérioration du pouvoir d'achat, la dépréciation du dinar de 21% par rapport à l'euro et de 7% par rapport au dollar. Les déclarations de l'homme fort de l'UGTT ont visiblement irrité les patrons. Ainsi, Taoufik Laâribi, membre du Bureau exécutif de l'UTICA issu du 16è congrès national de l'organisation patronale tenu le 17 janvier, a fait savoir que l'UGTT n'a pas le droit de déterminer unilatéralement le délai du démarrage des négociations sociales dans le secteur privé, insistant sur la nécessité d'un accord entre les deux organisations sur ce point. «Nous sommes encore dans la phase de la mise en place de nos structures, et la commission chargée des négociations sociales n'a pas été encore mise sur pied », a-t-il déclaré, tout en mettant l'accent sur la dégradation de la conjoncture économique, le recul de la productivité et la baisse de la compétitivité des produits tunisiens, le poids considérable du marché parallèle et la concurrence déloyale. Sur un autre plan, certains observateurs estiment que le nouveau patron des patrons, Samir Majoul, est l'un des partisans de la ligne dure et de la confrontation avec les syndicats, ce qui pourrait laisser présager de tiraillements lors des futures négociations sociales. Par ailleurs, rien n'a filtré sur les intentions de l'exécutif même si les fortes pressions sur les finances publiques devraient inciter les gouvernants à contenir, autant que faire se peut, la hausse de la masse salariale dans la fonction publique. Une hausse conséquente des salaires des fonctionnaires risque de rendre les résultats des programmes d'allègement des effectifs de la fonction publique semblables à un coup d'effet dans l'eau. Du côté de l'UGTT, on estime cependant que la revalorisation des salaires dans le secteur public constitue une nécessité absolue et que le gouvernement est plus que jamais appelé à chercher d'autres alternatives pour renflouer les caisses de l'Etat à l'instar de la lutte contre l'évasion fiscale et du recouvrement des créances douanières.