Présenté au président de la République, il y a quelques jours, le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) a fait couler beaucoup d'encre. La présidente de la Commission, Bochra Bel Hadj Hamida, a assuré, dans une déclaration antérieure au Temps, que le rapport en question représente une révolution dans la continuité pour la Tunisie. Une révolution dans la continuité sur le plan législatif puisque le rapport en question évoque des points considérés jusqu'à pas très longtemps comme tabous pour la société tunisienne ; de la question de l'égalité successorale à la peine capitale en passant par la loi qui criminalise l'homosexualité, la COLIBE a osé et ses membres sont justement en train de payer leur audace. Cela a commencé par un post publié par le prédicateur controversé Adel Almi qui a appelé clairement et directement à la lapidation des membres de la COLIBE sur la place publique pour qu'ils soient donnés en exemple. Face au silence assourdissant des autorités et à leur tête le ministère public, les menaces et les dénigrements ont redoublé et c'est l'ancien ministre des Affaires religieuses au gouvernement de la Troïka, Noureddine El Khademi, qui s'en est personnellement chargé en déclarant que le contenu du rapport de la COLIBE représente une contradiction aux préceptes de l'islam et à quelques articles de la constitution de 2014. Quelques heures après la déclaration de l'intéressé, une pétition, initiée par un collectif d'associations religieuses, a été lancée pour bloquer les travaux de la COLIBE. Si certains diraient qu'il est du droit de tout citoyen de s'opposer à un projet ou à des idées en employant des moyens pacifiques, d'autres rappelleront que les initiateurs de cette même pétition nous ont déjà témoigné leur agressivité, leur violence et leur folie démesurée. Avant le 6 février 2013, cet argument aurait pu être recevable mais, depuis que les menaces ont été traduites en actes avec l'assassinat de ChokriBelaïd, plus personne n'a le droit de banaliser ou de prendre à la légère ce genre de campagnes de menaces... Contactée par Le Temps, la membre de la COLIBE, Salwa Hamrouni, a déclaré qu'elle ne compte pas porter plainte contre Adel Almi, mais s'est toutefois étonnée du silence des autorités : « Les membres de la COLIBE travaillent pour l'Etat et la moindre des choses c'est que ce dernier prenne leur sécurité, comme celle de tous les citoyens, au sérieux. Il est vrai que l'on s'attendait à une réaction pareille mais je suis quand même étonnée du silence des autorités compétentes devant la gravité de la campagneà laquelle nous faisons face et devant l'appel au meurtre dont nous faisons l'objet. Nous sommes préparés pour ce genre de harcèlement et t'intimidation et nous assumons nos choix. C'est à l'Etat maintenant que reviens la responsabilité d'appliquer la loi ni plus ni moins ».