La cour d'appel militaire a condamné dernièrement le député Yassine Ayari à 3 mois de prison. Il avait été condamné en première instance dans cette affaire à 16 jours de prison. Par ailleurs le Tribunal militaire a reporté au 6 décembre prochain l'examen d'une autre affaire intentée à son encontre pour « destruction du moral de l'armée nationale «, conformément à l'article 61 du Code pénal. Selon lui, le Tribunal l'a déjà condamné en première instance dans cette affaire à 3 mois de prison. Cela dit l'intéressé n'a pas l'intention de se dérober, est il a déclaré avoir contacté le président de l'Assemblée des représentants du peuple au sujet du verdict rendu à son encontre ainsi que le chef de cabinet du ministère de l'Intérieur pour leur dire qu'il est prêt à purger sa peine malgré tout, ajoutant qu'il avait abandonné volontairement son immunité parlementaire pour assumer sa totale responsabilité. Toutefois, l'immunité n'est pas une question de volonté, mais de loi. La procédure judicaire en la matière ne varie pas donc selon la personne concernée ou la conjoncture du moment. Elle s'applique pour tout le monde de la même façon quelle qu'en soit la personne concernée, sauf si le pays est menacé par un péril imminent, obligeant les autorités à prendre les mesures d'urgence qui s'imposent. Procédure Certes nous sommes en état d'urgence a été prorogé, mais cela n'a pas d'incidence sur les institutions du pays. Les lois régissant le pays restent toujours en vigueur. C'est dans leur application, qu'on se heurte parfois à des obstacles, non pas à cause de leur teneur ou des carences qu'ils peuvent contenir, mais de la volonté de certains à s'y conformer. Or quel est l'intérêt d'un droit dont on ne peut jouir, à cause de la non-application de la loi à bon escient. La procédure de levée de l'immunité en est un exemple concret, étant soit appliquée tardivement, soit après coup, ou pas du tout, mais jamais dans les normes exigées par la loi. Les exemples se multiplient mais ne se ressemblent pas. Dans le cas de l'ex ministre de l'intérieur et haut magistrat de son état, la procédure de levée de l'immunité judiciaire dont il bénéficiait a mis du temps à être mise en application, le temps que l'intéressé a pu prendre la fuite pour se dérober à la justice. C'est un précédent très grave dans la mesure où il ya suspicion de complaisance de la part de ceux-là même qui devaient œuvrer à sa mise en application à temps. Or elle a été appliquée après coup. Il y a également la levée qui devait intervenir pour certains députés, nommément impliqués dans des dossiers de corruption, et pour lesquels le Pôle judiciaire a demandé au président de l'Assemblée des représentants du peuple(ARP) de procéder aux formalités nécessaires à cet effet, mais qui sont restées lettre morte. Concernant Yassine Ayari aucune procédure de levée d'immunité à son encontre n'a été demandée. Certes il n'a pas l'intention, de se dérober, mais la peine à laquelle il est condamné ne peut être appliquée, sans la levée d'immunité parlementaire à son encontre. Interviendra-t-elle après-coup, qu'elle sera considérée comme un vice de procédure sur le plan juridique. Toujours est-il, et au-delà du cas d'espèce, la plupart des observateurs, parmi la société civile dans toutes ses composantes, se posent des questions concernant cette pratique de levée d'immunité qui n'est pas appliquée d'une manière systématique et de la même façon dans tous les cas. C'est la pratique des deux poids deux mesures qu'on redoute fort, et qui dénote d'un malaise inquiétant dans tous les secteurs et contre lequel il est urgent d'y remédier pour parvenir à un Etat de droit et une justice pour tous, en vertu de laquelle personne n'est au-dessus de la loi. Yassine Ayari a déclaré ; » je ne me cacherai pas derrière l'immunité parlementaire, mais la bataille est longue et nous finirons par mettre fin à ces pratiques en Tunisie ». Faut-il imaginer Sisyphe heureux ? L'espoir est permis.