Tanit d'or du documentaire long métrage aux Journées cinématographiques de Carthage, «Président Dia» d'Ousmane William Mbaye a été projeté lors des JCC 2018 pour le focus Sénégal. Une occasion pour ceux qui ne l'avaient pas vu de le voir. «Président Dia» du réalisateur sénégalais Ousmane William Mbaye aurait pu n'intéresser que les Sénégalais car ce documentaire qui fait office de document leur parle d'une partie de leur histoire contemporaine. Mais étrangement, il peut concerner les Tunisiens également tant que la relation des deux principaux personnages à savoir Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ressemble à la relation entre Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef, avec quand des différences, dont une de taille : Senghor n'a pas fait assassiner Dia, il l'a juste condamné à la prison à vie. Qui est ce président Dia qui a donné le titre à ce long métrage documentaire ? Mamadou Diaest un homme politique sénégalais qui fut le Président du Conseil du Sénégal de 1957 à 1962. Il est l'un de principaux protagonistes de la crise politique de décembre 1962 qui l'opposa à Léopold Sédar Senghor, pourtant un ami de 17 ans. Selon le documentaire, Senghor a eu peur que Dia ne fasse un coup d'Etat et c'est pour cela qu'il l'a fait destitué et emprisonné à vie. Mamadou Dia a toujours réfuté les dires de Léopold Sédar Senghor. En décembre 1992, soit 30 ans après les événements traités dans le documentaire, ce que l'on appelle «la crise politique de 1962», ungénéral nommé par Senghor au moment de cette crisea déclaré : «Mamadou Dia n'a jamais fait un coup d'état contre Senghor … l'histoire du coup d'état, c'est de la pure fabulation». Mamadou Dia ne sera libéré qu'en 1976. Mais en fait, qu'est-ce que cette crise de décembre 1962 ? Mamadou Dia était Président du Conseil dans un régime parlementaire bicéphale : la politique économique et intérieure lui revenant et la politique extérieur pour Senghor. Mamadou Dia s'est mis en travers des députés «affairistes» ayant commis de nombreux abus, leur demandant de rembourser leurs crédits et de rendre leurs actions. Cela a été un refus de leur part. Mais, Mamadou Dia ne s'en est pas pris uniquement à eux, il a mis à mal les intérêts de la France, même si le Sénégal est devenu indépendant le 4 avril 1960. Malgré ce que l'on a pu dire ou écrire sur Senghor, il était pro-français, profondément francophone et francophile. Il en profita donc pour demander «à ses amis députés de déposer une motion de censure contre le gouvernement», c'est-à-dire contre Mamadou Dia. S'ensuit alors des événements en chaîne qui aboutissent à l'arrestation de Dia mais également de quatre autres ministres: Valdiodio N'diaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall ; ces derniers seront condamnés à 20 ans d'emprisonnement. Il est à noter que Joseph Mbaye est l'oncle d'Ousmane William Mbaye, le réalisateur du documentaire «Président Dia». Au lendemain de l'arrestation de Mamadou Dia, la constitution est modifiée. Le Sénégal se retrouve sous un régime présidentiel donnant les pleins pouvoirs à Senghor. «Président Dia» (2012) est une mine de témoignages, dont celle de Mamadou Dia (interview datant de 1999, l'ancien chef du gouvernement étant décédé en 2009), du Français Roland Colin, ancien directeur de cabinet de Dia, de l'écrivain Cheikh Hamidou Kane, de l'ancien président sénégalais Abdou Diouf, et d'archives rares sur cette partie de l'histoire du Sénégal. Le documentaire a montré que Mamadou Dia était «le développeur de l'économie sénégalaise», et Léopold Sédar Senghor, «le poète, l'écrivain», comme l'a déclaré, dans son témoignage, l'ex-Premier ministre Moustapha Niasse.