L'Instance Vérité et Dignité (IVD) bouclera le 15 décembre 2018 ses travaux. A cette occasion, une conférence sera organisée aujourd'hui et demain, en présence de représentants du gouvernement et d'organisations de la société civile nationales et internationales. Cette conférence sera ponctuée par la présentation du rapport final de l'Instance Vérité et Dignité qui dresse les défis du processus de la justice transitionnelle après la fin du mandat d'exercice de l'Instance et définit les responsabilités dans la mise en œuvre des recommandations issues du rapport. Qualifiée par certains d' " hyper-institution au service de la justice transitionnelle en Tunisie ou encore d' "institution inclassable dotée de très larges pouvoirs", l'IVD avait, à maintes reprises, provoqué des remous, particulièrement au sujet de la prolongation du mandat de son exercice qui devait initialement se terminer le 31 mai 2018. Conscient de l'incapacité de l'Instance de mener à terme ses activités fin mai 2018, le Conseil de l'IVD avait décidé en février 2018 la prolongation d'une année du mandat d'exercice de l'Instance, conformément à l'article 18 de la Loi organique sur la justice transitionnelle. Le manque de collaboration de plusieurs institutions de l'Etat notamment en ce qui concerne l'accès aux archives publiques et privées, particulièrement celles de la police politique conformément aux dispositions de la Constitution, était selon l'IVD à l'origine de sa décision de prolonger son mandat d'exercice. Le Parlement avait voté, le 26 mars 2018, contre une prolongation du mandat d'exercice de l'Instance Vérité et Dignité (68 contre et 2 abstentions). Plusieurs députés notamment du bloc du Mouvement Ennahdha et du bloc démocratique avaient boycotté le vote. Alors que plusieurs blocs parlementaires ont protesté contre la poursuite par cette Instance de ses activités malgré l'expiration de son mandat d'exercice, d'autres ont estimé que le parlement devait annuler sa décision de non-prolongation du mandat de l'IVD pour lui permettre de mener à terme ses enquêtes sur les graves violations des droits de l'homme. En vertu de l'article 18 de la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, " la durée d'activité de l'instance est fixée à quatre (4) années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une année, et ce, par décision motivée de l'Instance qui sera soumise à l'Assemblée chargée de législation, trois mois avant l'achèvement de son activité ". Réhabiliter les "victimes" : à quel prix ? Une autre controverse liée au processus de la justice transitionnelle a éclaté lors de la discussion en commission du projet de la loi de finances. Il s'agit d'une proposition d'amendement qui prévoit la suppression du Fonds de la Dignité et de réhabilitation des victimes de la tyrannie et son remplacement par un Fonds dédié aux familles défavorisées. Avancée par le Mouvement Nidaa Tounès, cette proposition a été rejetée, le 4 décembre 2018, par la commission de finances et invalidée par l'ARP lors de la discussion, le 8 décembre 2018, du projet de la loi de finances pour l'exercice 2019. Opposé à ce Fonds, le bloc du Mouvement Nidaa Tounès a formulé un pourvoi devant le Tribunal administratif au sujet du Fonds de la Dignité et de la réhabilitation des victimes de la tyrannie créé en vertu de la loi de finances pour l'exercice 2014 et qui prévoit l'indemnisation des victimes des violations et de la dictature. Conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique sur la justice transitionnelle, l'IVD est appelée à soumettre les dossiers des violations graves des droits de l'Homme aux chambres judiciaires spécialisées et à définir les critères de réparation des victimes et du mode de versement des indemnités par le Fonds de la dignité et de la réhabilitation, avant la mise en place d'une commission de gestion de ce fonds et l'octroi des indemnités. Un décret gouvernemental n° 2018-211 fixant les modalités d'organisation, de fonctionnement et de financement du Fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de la tyrannie a été publié dans le 18e numéro du Journal officiel de la République tunisienne. Créé conformément aux dispositions de l'article 41 de la loi organique n° 2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l'instauration de la justice transitionnelle et son organisation, le Fonds prévoit l'indemnisation des victimes des violations et de la dictature, conformément aux dispositions des articles 10, 11, 12 et 13 de la loi organique sur la justice transitionnelle. Le budget du Fonds est composé en partie des recettes du Budget de l'Etat provenant des décisions établies par la commission d'arbitrage et de réconciliation de l'Instance Vérité et Dignité (IVD).