Le député et ancien ministre Mabrouk Korchid a dû regretter sérieusement son initiative de modification de certains articles du Code de Procédures Pénales (art. 245 et 247) devant la levée de bouclier qui l'a accueilli en ces mauvais temps de Coronavirus ! Même en temps normal, les politiques ont appris à composer avec le poids formidable des réseaux sociaux, et du Facebook particulièrement en Tunisie. Il faut savoir que plus de la moitié des tunisiens ont un compte Facebook et qu'un grand nombre y croit dur comme fer et croit tout ce qui est publié dedans sans aucune restriction. D'ailleurs à en croire le député Korchid, c'est pour lutter contre les fake-news et autres mauvais usage que l'idée de nouvelles sanctions est venue ! Cependant, nos valeureux députés ne sont pas à leur premier essai dans des domaines où des fois il faut y regarder à deux, sinon à trois fois, avant de s'aventurer ! Les plus avertis des internautes du pays, comme partout dans le monde, sont vigilant vis-à-vis des fake-news, fléau universel surtout en temps de crise. Mais aucun pays « démocratique » n'ose associer des peines de prisons lourdes (2 ans et 20 mille dinars d'amende) à ces délits, considérés quand même comme délits d'opinion. En plus, le député Korchid et ses acolytes se sont trompés aussi de calendrier. Venir en pleine crise de la pandémie de Coronavirus, parler de fake news et sanctions contre les internautes a été un mauvais choix ! Ce n'est malheureusement pas une première au Bardo ! Déjà, quelques semaines avant cet épisode, nous avons eu droit à un autre projet de loi-mascarade voulant imposer au Président de la République de délivrer un passeport diplomatique à tous les députés. Une première mondiale et combien futile puisque même les novices savent qu'une pareille loi n'a aucune valeur en dehors de nos frontières et que le concept de passeport diplomatique est régi par des traités internationaux clairs sur le principe de réciprocité totale ! Devant la formidable mobilisation des internautes et la prise de position ferme de l'Ordre des Avocats Tunisiens et de l'UGTT, les députés ont d'abord commencé à se désolidariser de l'initiative en prétextant qu'ils n'ont lu que partiellement de quoi il s'agit. Mabrouk Korchid lui-même s'est rétracté et a publié un post annonçant qu'il retire son initiative malheureuse ! Mabrouk Korchid dit clairement dans son post qu'il n'abandonne pas totalement l'initiative mais qu'il la travaillera plus et mieux après la fin de la pandémie. Il faut le croire, car l'appareil juridique actuel de la régulation de l'information et des médias, tous supports confondus, laisse à désirer et là tout le monde est d'accord pour dire que notre législation, qui a été en partie amendée après la révolution, a besoin d'être revue et corrigée ! Le scandale de l'émission du présentateur Ala Chebbi la semaine dernière est dans tous les esprits et les fausses nouvelles sur les réseaux sociaux ne s'arrêtent pas. Mais pour un lifting réussi de notre législation, ce ne sont pas des initiatives personnelles ou bâclées qui peuvent résoudre les différents problèmes. Il faudrait, pour se faire, associer les praticiens (les journalistes), les sociologues et les juristes chevronnés dans le domaine pour repenser, dans un esprit démocratique et libéral le plus marge possible, tout l'appareil juridique existant, le réviser et le confronter aux meilleurs pratiques dans les pays démocratiques afin de couper court à toute volonté de retour en arrière et à toute initiative liberticide !