«Restez chez vous !» C'est le message martelé par le gouvernement depuis le début du confinement total le 22 mars pour éviter une propagation rapide du coronavirus et une surcharge de malades dans les hôpitaux. Mais au bout de deux semaines de confinement, force est de constater que de nombreux Tunisiens ont décidé de de passer outre les consignes de confinement. Portés par la douceur des températures, plusieurs citoyens sortent pour se dégourdir les jambes ou faire des courses plusieurs fois par jour ! Mais là où le bât blesse, ce sont les hordes de gens agglutinés devant les bureaux de poste pour percevoir une aide sociale de 200 dinars. Des files d'attente phénoménales se sont formés un peu partout dans les diverses villes du pays. Au niveau de ces masses d'hommes et de femmes, on se bouscule et on se chamaille. Et Au diable les consignes de distanciation sociale distillées à longueur de journée par des professionnels de la santé via les médias de masse ou les réseaux sociaux. Il est impossible de raisonner ou même de discuter avec un des ouvriers de chantiers, des petits artisans, des mécaniciens, maçons, des femmes de ménage, des vendeurs ambulants tiraillés par la faim. Ces sont en effet ces petites gens gagnant leur pain au jour le jour qui souffrent le plus du confinement. Ventre affamé n'a pas d'oreilles, dit le dicton. Les scènes loufoques de gens agglutinés dans l'anarchie la plus totale devant les bureaux des omdas pour présenter des demandes d'aide sociale sont également perceptibles dans plusieurs régions. Là aussi, on se chamaille jusqu'à en venir aux mains, on insulte un Omda véreux qui sert en premier lieu, avant de servir les proches, les copains et les coquins en toute impunité ! L'instance nationale de lutte contre la corruption a en effet reçu plusieurs signalements dénonçant un abus de pouvoir orchestré par certains délégués qui monopolisent des denrées alimentaires, dont la semoule, pour les redistribuer à leurs proches, augmentent illégalement les prix et attribuent des aides financières à ceux qui n'en ont pas besoin. Une courbe qui repart à la hausse Les interminables queues désordonnées devant les sièges des délégations et des omdas dans plusieurs régions ont poussé le ministre des Affaires sociales, Habib Kchaou, à déclarer que les délégations n'accordent pas directement les aides sociales. Il a également fait savoir que les commerçants disposant d'une patente ne sont pas concernés par les déplacements aux sièges des délégations et que ces derniers doivent remplir un formulaire sur le site web «batinda.gov.tn». La Poste tunisienne a, quant à elle, tenté de réduire les attroupements devant ces bureaux en mettant en place une organisation spéciale pour la distribution des aides. Mais les files d'attente monstres n'ont pas pour autant disparu, et la distribution de l'aide sociale risque de tourner au désastre. D'autant plus que le confinement, qui est pourtant l'arme la plus efficace pour ralentir la propagation du virus, et surtout éviter une saturation de nos hôpitaux qui disposent de moins de 300 lits de réanimation concentrés essentiellement dans les régions côtières. Les ministres de la Santé, Abdellatif Mekki, a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme lors d'une conférence de presse tenue mardi conjointement avec le ministre de l'Intérieur, Hichem Méchichi, face à l'accélération de l'épidémie du Coronavirus en Tunisie, avec « une courbe qui repart à la hausse», malgré les mesures liées au confinement total et au couvre-feu ». «Après les mesures de confinement et de couvre-feu, la courbe ne doit pas remonter, or c'est ce qui s'est passé, preuve de l'échec de l'auto-isolement et d'un relâchement dans le respect du confinement », a-t-il déclaré. Sur un ton menaçant, le ministre de l'Intérieur a, quant à lui, souligné mardi que les personnes malades du Covid-19 pourraient être poursuivies pénalement si elles ne se pliaient pas aux exigences du ministère de la Santé, et contaminaient ainsi d'autres personnes. «"Si un malade ne respecte pas l'isolement exigé et les instructions du ministère de la Santé, et qu'il contamine ainsi une autre personne, nous pourrons le poursuivre en vertu du code pénal, et si la contamination entraîne la mort, il pourra être poursuivi pour homicide involontaire », a-t-il dit. Le ministre de l'Intérieur a également annoncé plus de 600 arrestations, 70 assignations à résidence de personnes ayant violé le confinement général et l'arrestation de plus d'un millier de personnes pour violation du couvre-feu nocturne.