La nouvelle a fait l'effet d'une bombe. En plein pic de tensions au Moyen-Orient avec l'Iran, les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils réduisaient leur dispositif de défense de l'un de leurs principaux alliés dans la région : l'Arabie saoudite, rival de la République islamique. D'après le Wall Street Journal, Washington a entamé le retrait du pays deux batteries antimissiles Patriot, ainsi que de deux autres systèmes de défense antiaérienne stationnés dans la région en septembre dernier, au lendemain de l'attaque, imputée à Téhéran, qui a frappé le cœur du complexe pétrolier saoudien. Deux escadrons d'avions de chasse et 300 membres du personnel militaire américain font aussi partie du retrait, également évoqué par les agences de presse Bloomberg et Associated Press. Les Etats-Unis envisageraient aussi de réduire la présence navale américaine dans le Golfe persique, qui avait été augmentée l'an dernier de 14 000 soldats pour faire face à la menace accrue posée, selon Washington, par Téhéran. D'après plusieurs responsables américains cités sous le sceau de l'anonymat par le Wall Street Journal, les Etats-Unis estimeraient que le risque d'attaques iraniennes contre les intérêts américains aurait diminué, sous l'action combinée du renforcement militaire américain et de l'élimination par Washington début janvier du général iranien Qassem Soleimani, le chef de la branche extérieure des gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique. Surprise Une évaluation d'autant plus surprenante que les incidents entre les deux camps se sont multipliés au cours des derniers mois dans la région. Le 11 mars, deux soldats – américain et britannique – et un sous-traitant américain sont morts dans des tirs de roquette contre la base irakienne de Taji, au nord de Bagdad, dans des tirs attribués par Washington aux Brigades du Hezbollah, une milice chiite pro-iranienne. Un mois plus tard, la marine américaine a accusé des vedettes rapides appartenant aux gardiens de la Révolution de harceler ses navires dans le Golfe, ce qui a amené Donald Trump à menacer sur Twitter de « détruire » tout bateau iranien approchant trop près des bâtiments américains. Partisan de la « pression maximale » contre l'Iran, le président américain souhaite mettre la République islamique à genoux pour la contraindre à négocier un accord selon ses conditions. Or, depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien en mai 2018, et l'imposition par Washington contre Téhéran de lourdes sanctions contre ses secteurs pétrolier et financier, l'Iran a au contraire repris son programme nucléaire et a sensiblement accentué la pression contre les Etats-Unis et ses alliés dans la région. La République islamique est soupçonnée d'être derrière plusieurs incidents contre des pétroliers étrangers dans le Golfe persique depuis le printemps 2019, ainsi que le bombardement des installations pétrolières saoudiennes d'Abqaiq et de Khurais en septembre dernier. Retrait américain Revendiquée par les rebelles yéménites houthis, cette attaque avait mis en lumière la vulnérabilité de l'Arabie saoudite, elle aussi partisane de la « pression maximale » contre l'Iran, d'autant qu'elle n'avait pas provoqué de réponse de la part de son allié américain, qui s'était contenté d'envoyer sur place des batteries antimissile Patriot. Ce sont précisément ces systèmes de défense, visant à protéger les champs pétroliers saoudiens, qui sont aujourd'hui retirés du pays. Deux autres batteries Patriot, positionnées sur la base aérienne Prince Sultan, dans le centre du pays, restent en place.