Les économistes les plus en vue, les penseurs attitrés et une foule de politiciens de par le monde, se torturent les méninges pour essayer de voir un peu plus clair dans le monde de demain, celui d'après le Covid-19. Il faudrait que nous y pensions aussi et vite… Il faut dire que le gouvernement d'Elyès Fakhfakh n'a pas eu de chance ! A peine installée qu'elle s'est trouvée en pleine bataille contre la pandémie du coronavirus. Ainsi, pour les députés qui commencent déjà à aiguiser leurs couteaux pour les 100 premiers jours du gouvernement, il n'y aura que le bilan du Covid-19 à se mettre sous la dent ! Cependant, il faut bien à l'équipe de M. Fakhfakh de faire face quand même à cette grande inconnue de l'après le Covid-19 sur l'avenir du monde et du pays et de son économie. La prospection en la matière est nécessaire mais elle a ses limites et de toute manière elle ne fera pas l'économie d'une sérieuse réflexion de l'état des choses dans le pays à la date de fin décembre 2019, quelques jours avant que le virus ne se propage. Lors d'un Webinar organisé par L'ATUGE le 7 mai 2020, l'expert international et l'ancien ministre tunisien Elyès Jouini a proposé une « mise en perspective socio-économique du choc du Covid en Tunisie » très intéressante par sa profondeur et par les pistes de réflexion qu'elle offre. D'abord M. Jouini a présenté la situation actuelle de l'économie du pays. Elle se caractérise, selon lui, par un Etat affaiblit, un secteur informel devenu dominant et par l'absence de contrôle de financement politique qui a conduit au renforcement du clientélisme et de rentes qui préexistaient déjà. Il faut ajouter l'explosion de la dette, l'émergence de nouvelles formes de protestations sociales et enfin le Covid-19 et son lot de tensions sociales qui peuvent exploser à tout moment. Pour Elyes Jouini, la Tunisie peut et doit profiter de l'instant mondial par une série d'actions qui profitent au pays. Il préconise évidement de s'attaquer aux situations de rentes qui accablent l'économie du pays et qui barrent la route à la jeunesse et aux initiatives créatrices. M. Jouini rappelle que les situations de rente induisent directement la corruption. M. Jouini n'est pas le seul à faire ce diagnostic. L'ambassadeur de l'Union Européenne et plusieurs autres économistes avaient déjà mis à l'index une oligarchie d'une ou deux centaines de familles qui détiennent de vraies situations de rente et qui bloquent le système et le verrouillent. Avant d'aller chercher les solutions ailleurs il faudrait d'abord qu'on commence par balayer devant notre porte. Même aux Etats-Unis, pays libéral s'il en est, il y a des lois anti-trust très efficaces et qui ne ménagent personne. D'autre part, Jouini rappelle qu'il faut se repositionner dans les chaines de valeurs internationales qui sont appelées à être remise en question après la pandémie. Il est devenu clair que le positionnement de la Tunisie sur un axe de proximité avec l'Europe sera encore plus « vendable » dans des nouveaux domaines comme la santé, l'enseignement supérieur, la recherche, en plus du tourisme et du numérique. L'expert indique dans son analyse à juste titre l'importance d'être au cœur d'un axe Europe -Méditerranée -Afrique. Ce travail de réflexion, qui s'apparente à une nouvelle épopée de la nation, doit commencer aujourd'hui, avec l'appareil de communication externe nécessaire, avec l'appel aux compétences tunisiennes à l'étranger qui ne demandent qu'à aider leur patrie, et surtout avec la mise en place à l'intérieur d'une accalmie dans cette surenchère absurde du « politique » qui accapare tout l'espace public depuis 9 ans.