A l'évidence, et dans un monde régi par le coronavirus, le prince Hamlet n'aurait pas pu trouver, forcément, meilleure question tragique pour son prologue « philosopheur » ! Toujours est-il qu'il a fallu, aujourd'hui, que deux ministres tunisiens se contrecarrent publiquement, parole contre parole et déclaration contre déclaration sur divers médias, au sujet de l'interdiction, ou pas, de la baignade en mer, en ces temps de corona-fléau. Si le ridicule ne tue pas, le sujet de controverse intéresse pourtant, et au plus haut point, les Tunisiennes et les Tunisiens, décidément impatients d'en connaitre rapidement l'issue, à l'heure où la saison du tourisme balnéaire approche à grands pas. En effet, c'est Abdellatif Mekki, ministre de la Santé, qui a ouvert le bal, il y a quelques jours, en affirmant que la baignade à la plage est bel et bien interdite, et ce, jusqu'à nouvel ordre. Il a précisé que cette problématique fait toujours l'objet d'examen et de suivi par le comité scientifique au sein de son cabinet, en assurant que des campagnes de contrôle seront effectuées par les forces sécuritaires notamment la police touristique au niveau des stations balnéaires pour appliquer rigoureusement la loi. Et Abdellatif Mekki de menacer que les contrevenantes et les contrevenants seront sévèrement punis. Ils ne nagent pas dans les mêmes eaux ! En face, et à peine quelques temps après, c'est au tour de Mohamed Ali Toumi, ministre du Tourisme, de monter, lui aussi au créneau, pour contredire carrément la déclaration de son « collègue », laquelle a suscité bien évidemment une large polémique et un débat ardent sur les réseaux sociaux, notamment à cause des menaces proférées publiquement par le ministre nahdhaoui, qui n'a pas manqué d'insister sur la question, toujours sur un ton menaçant, en effectuant plusieurs autres sorties médiatiques, notamment sur la chaîne Al Jazeera. Le ministre du Tourisme a assuré, dès lors, qu'aller se baigner à la plage n'est aucunement dangereux, et encore moins interdit par le gouvernement, et que les déclarations de son « collègue » ont dû forcément être mal interprétées. Argument irréfutable : la baignade en mer ou même dans les piscines est loin de constituer une menace pour la santé des individus, et encore moins un vecteur de contamination au coronavirus. Toumi a assuré, dans ce sens, que ce sont les eaux des lacs et des rivières qui présentent plutôt un danger de contamination. Il a ajouté, par ailleurs, que son département attend, de facto, une très grande affluence, cette année, des touristes étrangers, notamment européens, qui pourraient choisir la Tunisie comme destination, à cause de la réputation de ses plages, -cela va de soi-, mais aussi et surtout, grâce à la bonne gestion de la corona-crise dans notre pays. De son côté, Nissaf Ben Alaya, directrice de l'Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes, une personnalité très appréciée et surtout prise au sérieux par les Tunisiennes et les Tunisiens, n'a pas manqué de remettre une couche en déclarant que l'eau de la mer ne constitue aucun danger de contamination au coronavirus. Les Tunisiens, le bec dans l'eau Bien sûr, sur fond de clivages, tant latents que flagrants, entre les composantes du gouvernement actuel et au milieu de cette mésintelligence gouvernementale, il est fort à parier que la dernière réunion du Conseil des ministres semble remonter à bien très longtemps, compte tenu de ce désordre communicatif –et surtout décisionnel !- au sein du gouvernement. Plus étrange encore, la dernière allocution télévisée de Fakhfakh n'a pas aidé à élucider une fois pour toutes cette question, à l'heure où les Tunisiennes et les Tunisiens attendent que le président du gouvernement, lui-même, daigne trancher sur la question, en apportant plus de clarté mais aussi un peu d'ordre au sein de son équipe gouvernementale. Perplexes mais non moins amusés, après tout, par cette mésentente entre les deux ministres, les Tunisiennes et les Tunisiens, exaspérés depuis un temps déjà par la crise du coronavirus et carrément asphyxiés dans leur confinement, attendent avec impatience ne serait-ce qu'une occasion de pouvoir changer l'air... Et à l'évidence, quoi de plus vivifiant qu'une belle baignade en mer après toute cette période difficile. Gageons fort qu'entre Abdellatif Mekki et Mohamed Ali Toumi, ils ont, d'ores et déjà, choisi leur camp.