Le Premier ministre britannique Boris Johnson voit le scandale provoqué par les déplacements de son conseiller Dominic Cummings en plein confinement saper la popularité de son camp conservateur, au moment où il devait affronter hier les députés sur ce sujet brûlant. A la une des journaux depuis cinq jours, la tempête provoquée par Dominic Cummings, considéré comme le cerveau de la campagne du référendum de 2016 qui a abouti au Brexit, fait des ravages dans l'opinion. Un sondage YouGov pour le quotidien The Times montre que le soutien du public au Parti conservateur de Boris Johnson a chuté de neuf points en une semaine, atteignant désormais 44%. Le principal parti d'opposition, le Labour, a gagné cinq points à 38% sur la même période. Au sein même du camp conservateur, près d'une quarantaine de députés demandent le départ de M. Cummings et un secrétaire d'Etat a démissionné mardi. Confronté à cette fronde sans précédent depuis son triomphe électoral de décembre, Boris Johnson doit apparaître par vidéo conférence devant le comité de liaison de la Chambre des Communes à 15H00 GMT pour une heure et demi de questions. "L'affaire Cummings semble avoir vraiment atteint l'opinion publique et a eu rapidement des conséquences négatives sur le soutien au gouvernement en général et au Premier ministre en particulier", a indiqué Tim Bale, professeur en politique à l'université Queen Mary de Londres. "Le danger est que cela déclenche et renforce une inquiétude partagée de longue date par les électeurs britanniques que le Parti conservateur se soucie plus de ses riches amis que des gens ordinaires". L'affaire est loin de se résumer à un retour des antagonismes entre pro et anti-Brexit selon M. Bale: "Un grand nombre de partisans du "Leave" (et d'électeurs conservateurs) pensent que tout cela est vraiment très mauvais". Les explications de Dominic Cummings, qui a assuré s'être rendu chez ses parents à Durham (nord), à 400 kilomètres de Londres, parce qu'il craignait d'être contaminé par le coronavirus et cherchait une solution de garde pour son enfant, n'ont pas convaincu. Son absence d'excuses et de regrets a été particulièrement mal vue, ainsi qu'un second déplacement d'une quarantaine de kilomètres en voiture, censé vérifier qu'il pouvait conduire en toute sécurité car sa vue avait été affectée par le virus. Le très influent et controversé conseiller a reçu le soutien de Boris Johnson, venu deux fois devant la presse pour le défendre. Après ces explications, "il est temps de passer à autre chose", a plaidé hier le ministre du Logement, Robert Jenrick, sur la BBC. Mais les sondages montrent qu'une très large majorité des Britanniques estiment que le conseiller a enfreint les règles du confinement et qu'il devrait quitter son poste. Même la soeur du Premier ministre, Rachel Johnson, s'en est mêlée, affirmant hier à ITV qu'à la place de M. Cummings, elle aurait reconnu avoir "déconné". L'affaire donne "le sentiment qu'il y a deux types de règles, pour ceux au pouvoir et le reste d'entre nous", a déclaré mercredi à la BBC un pasteur qui a demandé, sans succès, au gouvernement d'annuler les amendes infligées aux personnes n'ayant pas respecté le confinement pour des motifs de garde d'enfant. Elle montre aussi le poids du conseiller auprès de Boris Johnson, au moment où le dirigeant opère un assouplissement du confinement mis en place fin mars. Un tournant délicat pour le chef du gouvernement, auparavant accusé d'avoir tardé à réaliser l'ampleur de la pandémie et à instaurer des mesures pour empêcher sa propagation. "Il est clair que le Premier ministre a besoin de M. Cummings à ses côtés, pendant cette crise", note le Times. Au total, plus de 37.000 personnes testées positives à la maladie Covid-19 sont décédées dans le pays, selon le dernier bilan du ministère de la Santé, mardi, mais le décompte dépasse les 46.000 décès si on inclut les cas non confirmés mais suspectés, selon le Bureau national des statistiques.