Qui de ceux qui ont passé le Baccalauréat ne se rappelle pas des mauvaises et interminables journées du mois de mai, avant les examens de juin, passées à réviser le long et fastidieux programme ? Le « bachotage » tant décrié reste quand même, et pour beaucoup, un passage initiatique pour inaugurer la vie d'adulte « majeur et vacciné » comme on dit. Mais, le Bac 2020 est une autre histoire qui sera marquée dans les annales. Depuis jeudi 28 mai les candidats au bac tunisiens sont revenus à leurs lycées et leurs professeurs afin de finir, en presque un mois, ce qui reste d'important dans le programme de la 7ème année. Ce retour, compliqué par presque deux mois d'interruption et par les risques de la pandémie du coronavirus, pose plus de questions qu'il n'en résout ! Le bac en question Comme l'ensemble du système éducatif tunisien, le baccalauréat est critiqué depuis des années dans notre pays. Ce n'est pas l'apanage de la Tunisie, même en France, pays qui a inventé cet examen, une grande réforme était en gestation et devait commencer cette année scolaire avant que la Covid-19 ne chamboule tout le programme. Mais en Tunisie, le bac est critiqué en tant que résultante de tout un cursus qui commence dès la première année du collège. Depuis l'époque de Ben Ali et sa réforme de l'éducation de 1992, les examens de mi-parcours, la sixième et la neuvième ne sont plus obligatoires. Ce qui fait que l'élève peut arriver en terminale, après 7 ans d'éducation, sans évaluation de niveau national et il est directement parachuté à l'examen du baccalauréat ! Les professionnels de l'éducation ne sont pas tous d'accord sur l'efficacité de cet examen et du système de bachotage qui vise à remplir la tête de l'élève aux dépens souvent d'une meilleure qualification des acquis. Mais force est de remarquer que sur le 15 dernières années une majorité de pays de l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), parmi le plus développé du monde, ont adopté le baccalauréat ou un examen national du même type avec des modalités différentes. Le Bac, répond à des demandes diverses qui viennent des parents, des universités et surtout des entreprises à la recherche de plus en plus de têtes « bien faites » comme on dit. Les lacunes du système Les faiblesses du système éducatifs tunisiens sont innombrables. Il faut savoir que notre classement dans le système PISA, le Programme international de suivi des acquis des élèves, organisé par l'OCDE -devenu presque une norme mondiale- est dans les toutes dernières places. Nos étudiants en partance à l'étranger sont soumis à de tests d'évaluation systématiques et souvent déclassés ! Nos bacheliers subissent un stress inouï de la part de leurs parents, de leurs professeurs et des universités, avec le système d'orientation dirigé. Ils sont handicapés d'abord par le cursus qu'ils ont suivi depuis le collège, par la longueur des programmes et l'abondance de matières, par l'incompétence de certains professeurs, ce qui les conduits à avoir recours aux cours particuliers, même dans des matières comme l'éducation physique. Ils sont ensuite débosselés par l'esprit de concurrence transmis par les parents qui veulent tous que leurs progénitures deviennent de médecins ou des ingénieurs et tant pis s'ils n'ont pas les moyens pour y arriver. Ces lacunes donnent des résultats catastrophiques surtout au niveau de l'université ou le taux de réussite reste très moyens par rapport aux sacrifices des étudiants et de leurs familles. En plus aujourd'hui, et depuis les dix dernières années, il faut ajouter le spectre du chômage qui guettent les diplômés du supérieur et qui se comptent par dizaines de milliers ! Un bac avec la Covid-19 Les milliers d'élèves qui ont regagné leurs classes le 28 mai dernier ne sont pas au meilleur de leur forme, loin s'en faut ! Ils ont quitté les bancs de l'école le 15 mars dernier pour se voir contraint à un confinement généralisé. La psychose de la pandémie aidant, ils se sont cloitrés chez eux depuis. La plupart ont continué évidement à se préparer comme ils peuvent. Il fait savoir que nos élèves, en majorité conditionnés par le système, ne savent plus apprendre qu'avec un professeur et de cours particuliers. Or, pas de cours pendant le confinement, et ensuite Ramadan est arrivé ! réviser quand on est à jeun c'est une corvée difficile. Réviser le soir quand toute la famille regarde Nouba2 à la télé c'est encore plus difficile ! Et voilà qu'on les rappelle maintenant, avec la chaleur et la pandémie du Coronavirus, avec le gel et les bavettes à l'entrée des lycées, pour finir le programme et se préparer à l'examen qui sera en juillet. Nous ne pouvons que leur souhaiter beaucoup de courage. Les bacheliers de 2020 entreront dans l'histoire !