Walid Zidi, Antoine de Saint-Exupéry avait écrit dans «Le petit prince» : «On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux». Vous, votre hésitation à accepter le poste de ministre des Affaires culturelles peut se résumer à cette citation de deux phrases. Votre nomination est apparue, pour beaucoup, comme une bonne chose, parce que les personnes souffrant d'un déficient physique ont toujours été écartées des responsabilités gouvernementales. Pour les esprits étroits, elles ne seraient pas capables, à cause de leur handicap, d'assumer leur devoir. En obtenant votre doctorat et en enseignant, vous avez cloué le bec à certains d'entre eux. Avec ce que je vais écrire par la suite, je pourrais vous paraître cynique, effrontée, impudente, insolente ; mais il en est rien. Au contraire, j'admire votre hésitation à accepter la lourde responsabilité d'un ministère. Et contrairement à ce qu'a dit le chef du gouvernement, vous êtes patriote dans votre hésitation et vous êtes, pour moi, clairvoyant. Quand Hichem Mechichi fait déclarer dans un communiqué qu'il n'y a pas de place à l'hésitation et l'abstention lorsqu'il s'agit de servir la Tunisie et de répondre au devoir national, on a l'impression que vous avez été désigné pour aller guerroyer. Hésiter ce n'est pas ne pas vouloir servir son pays. Hésiter, c'est être assez intelligent et mature pour montrer qu'on se remet en question et ne pas être pédant. Hésiter, c'est aussi servir son pays, malgré ce qu'a dit le chef du gouvernement ; il faudrait, peut-être, lui rappeler qu'enseigner est plus patriote que d'occuper la place de ministre ! Puis hésiter c'est tout un mécanisme du pour et du contre dans lequel des connues et des inconnues entrent en jeu ; c'est du patriotisme aussi ! Et vous avez eu raison d'hésiter, parce que le ministère des Affaires culturelles est un véritable nid de guêpes, un harem de complots. Vous avez eu raison d'hésiter car si vous aviez foncé tête baissée vous entriez à coup sûr dans la «gueule des loups». Ces loups qui profiteront de votre déficience visuelle pour faire en sorte que leurs mafias doublent, voire triplent, de volume. Oui, parce que, Walid Zidi, il n'y a pas qu'une seule mafia au ministère des Affaires culturelles ; il y a des mafias, composées de clans... Et ces mafias, comme toutes les mafias du monde d'ailleurs, n'ont aucune pitié. Et on veut vous lancer dedans comme un trapéziste sans filet!? Je pense que vous avez assez fréquenté les milieux culturels et artistiques pour vous rendre compte que ce sont des milieux pourris, régentés, pour la plupart, par des personnes incultes, corrompues, et malsaines, plus préoccupées par leur zone de confort que par «servir la Tunisie» et «répondre au devoir national». Ces milieux et le ministère des Affaires culturelles ont besoin -c'est malheureux à écrire, mais je le fais quand même !- d'un dictateur. Un dictateur juste. Vous allez me dire qu'il n'y a pas de dictateur juste et qu'un dictateur est un dictateur. Pour moi, un dictateur juste, c'est une personne qui impose sa loi dans la justesse et pour le bien de tous, sans laisser personne, comme le dit une expression tunisienne, «sortir ses cornes». Ayant une expérience d'un peu plus de 22 ans dans le journalisme, surtout culturel, et ayant travaillé sur quelques festivals, je crois savoir de quoi je parle. Entre nous, je suis dégoûtée de la Culture en Tunisie. Je suis dégoûtée de la stagnation et de l'ankylose de l'évolution culturelle chez nous, quand je vois ce qui se passe ailleurs -et je ne parle pas de l'Occident, mais de notre continent- pour avoir assisté à certains événements culturels dans des pays. Alors, Walid Zidi, vous avez été clairvoyant dans votre hésitation. Que vous deveniez ministre des Affaires culturelles ou pas, sachez que je vous tire mon chapeau bien bas !