Jusqu'en 1944, on ne pouvait parler de syndicat tunisien, l'organisation à laquelle adhéraient tous les travailleurs étant à cette époque où le colonialisme battait son plein, la CGT d'obédience communiste. D'ailleurs, le syndicalisme qui assurait la défense des droits des travailleurs était comme marginalisé par la plupart des militants au parti, qui considéraient que le problème ouvrier était secondaire par rapport au problème politique à savoir l'occupation du pays par le colonisateur qui spoliait les droits de tous les autochtones . Ce fut pour cette raison que M'hamed Ali, n'avait pas été soutenu en 1924 par les membres du Destour à l'époque, et on trouva tous les prétextes pour le contrarier , y compris en le taxant de communiste et donc de mécréant tout comme d'ailleurs son camarade et bras droit Tahar Haddad. En 1945 avec l'évolution du mouvement national, les choses ne se présentaient plus de la même façon et les militants avaient de plus en plus pris conscience que le mouvement ouvrier n'était qu'une partie intégrante de la lutte contre le colonialisme. Les syndicalistes qui suivirent les pas de leurs prédécesseurs, avaient désormais des revendications qui étaient dans l'ensemble conformes à celles de leurs camarades au parti du Néo Destour. Farhat Hached ainsi que Habib Achour qui étaient à la CGT , éprouvaient la nécessité de s'en détacher pour constituer un syndicat ouvrier purement tunisien, un syndicat qui devrait aller plus loin dans ses revendications et affronter les autorités coloniales en cessant de le ménager comme ce fut le cas au sein de la CGT. Cette organisation qui n'était qu'une filiale de l'organisation mère à Paris, ne s'intéressait pas au problème ouvrier sous le même angle que celui vu par les travailleurs tunisiens. Ceux-ci étaient défavorisés par rapport à leur collègues français et de ce fait doublement exploités. Farhat Hached avait ainsi suggéré l'idée à Habib Achour, de constituer une organisation syndicale autonome. Un statut fut élaboré et un bureau provisoire a été formé dès la fin de l'année 1945 réunissant entre autres, et outre les deux militants syndicaux précités Béchir Bellagha, Nouri Boudali. Le 20 janvier 1946 se réunissaient à la Khaldounia des délégués syndicaux et des militants politiques pour la formation d'une organisation syndicale tunisienne. Ce fut donc pour la première fois que militants syndicalistes et militants politiques se réunissaient et se soutenaient. Il y avait entre autres le Cheikh Fadhel Ben Achour, Sadok Chaibi, Abdelaziz Bouraoui, Hachemi Belkadi, Farhat Hached, Habib Achour. C'est ainsi que fut créée l'Union Générale des Syndicalistes Tunisiens (UGTT) une organisation syndicale purement tunisienne qui prêtera de plus en plus main fortes aux militants du Néo-Destour. Par ses revendications dans ce sens Farhat Hached devint de plus en plus un militant gênant pour les autorités coloniales, notamment à cause de son élan nationaliste. Aussi la cause ouvrière, était-elle pour lui une cause nationale: l'amélioration de la situation des travailleurs tunisiens ne pouvait se réaliser tant que le pays était sous domination étrangère. Loin de vouloir faire de l'organisation syndicale, la courroie de transmission du parti, Farhat Hached avait cependant la conviction que le salut des travailleurs tunisiens était dans celui du pays. Ce fut pour cet idéal qu'il a mené une lutte acharnée, contre les colonisateurs, mais toujours en tant que militant syndicaliste et en resserrant toutefois les liens avec des militants politiques. Et ce fut pour cette raison que les colonisateurs , le trouvant redoutable, l'avait sauvagement abattu un 5 décembre 1952.