Alors que la Tunisie patauge déjà dans la fange et s'enfonce jusqu'au cou dans les ordures, une entreprise tunisienne, aussi louche que visiblement « fantôme », fait décidément ses orges avec une « consœur » italienne, en introduisant dans le territoire tunisien –et contre de grosses sommes d'argent- d'énormes quantités de déchets ménagers, éminemment dangereux pour la santé et l'environnement, et dont le sort demeure évidemment inconnu. Démasquée par la Douane nationale, puis révélée au grand jour par « les quatre vérités » de Hamza Balloumi, la transaction, aussi juteuse qu'illicite, fait actuellement l'objet d'un scandale. Un scandale qui prend désormais des proportions d'Etat. Bien qu'elle n'ait éclaté au grand jour que dernièrement, cette sale affaire d'importation de déchets domestiques en provenance de l'Italie remonte, en réalité, au mois de juin dernier. Vigilants et appliqués, les services de la douane tunisienne avaient confisqué pas moins de 70 conteneurs transportant environ 120 tonnes d'ordures ménagères, introduites à des fins non connues par une société spécialisée, sur le papier, dans le recyclage des déchets plastiques. Plus de 200 autres conteneurs devaient encore accoster au port de Sousse, ultérieurement. Commerce dégueulasse... Selon le « contrat » liant l'entreprise en question avec son homologue italienne, le montant de la transaction s'élève à un total d'environ 18 millions de dinars tunisiens, annuels, moyennant une somme de 48 euros pour chaque tonne de déchets importée. Selon ce même contrat, il n'est nullement question, bien évidemment de recyclage, d'autant plus qu'il s'agit visiblement –images et photos à l'appui- de divers types de déchets ménagers, dits « collectés », dont des déchets hospitaliers, éminemment dangereux pour la santé et l'environnement, et dont l'importation n'est aucunement conforme aux normes nationales et internationales. Force est de rappeler, d'ailleurs, que la Tunisie a signé bon nombre de conventions internationales qui concernent justement les déchets. D'une part, la Convention de Bâle de 1989, officiellement nommée « Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination », qui est un traité international conçu pour réduire la circulation des déchets dangereux entre les pays. D'autre part, la Convention de Bamako, entrée en vigueur à partir de 1998, interdisant l'importation vers l'Afrique de tout type de déchet dangereux. Cela est sans compter les différentes lois et divers décrets dans la législation tunisienne, qui réglementent la collecte, le traitement et le recyclage des déchets. Sur le plan national, les activités de collecte, de transport et de gestion des déchets en Tunisie sont soumis à un cahier des charges que les promoteurs et sociétés doivent déposer auprès de l'Agence Nationale de gestion des déchets pour approbation. Ils sont tenus, par ailleurs, d'élaborer une étude d'impact sur l'environnement et la déposer auprès de l'Agence nationale de protection de l'environnement. D'où, d'ailleurs, les suspicions qui planent aujourd'hui sur ces deux institutions, concernant la transaction en question. Politique de l'Autruche et soupçons de corruption Devant l'absence inquiétante de réaction aussi bien de la part de la l'Agence nationale de protection de l'environnement que de l'Agence nationale de gestion des déchets, conjugué au silence assourdissant du ministère du Commerce, concernant cette louche affaire d'importation de déchets, il y a lieu de se demander effectivement si l'Etat qui adopte une assez douteuse politique de l'autruche, du moins pour l'instant, ne serait-il pas impliqué, d'une manière ou d'une autre, dans ce sale business des ordures. A défaut d'une position claire et faute d'appliquer la loi sans concessions, suspicions, accusations et autres soupçons de corruption et de malversation vont actuellement bon train. Pour simple réaction à l'affaire des déchets importés d'Italie, le ministère des Affaires locales et de l'Environnement s'est contenté de « narrer » longuement les faits dans un communiqué publié mardi, entendez le lendemain de la diffusion de l'enquête en question dans l'émission « les quatre vérités ». Le ministère n'a pas démenti la transaction, mais, il a précisé qu'il n'a accordé aucune licence à cette entreprise, ou à d'autres, pour importer des déchets de l'étranger. Le département a « ordonné », fait-il encore savoir, l'ouverture d'une enquête sur un marché conclu par une société tunisienne pour l'importation de déchets de l'Italie. Pour faire son beurre, une société tunisienne importe les déchets d'Italie. Une fois démasquée, l'affaire ne manquera pas de provoquer un effet de boule de neige sur bon nombre d'institutions de l'Etat. Outre certains compartiments au sein du ministère du Commerce, et celui de l'Environnement, l'Agence nationale de protection de l'environnement et de l'Agence nationale de gestion des déchets se trouvent aujourd'hui au cœur de la tempête. Dans le cas d'une implication, directe ou indirecte, il est question, bien évidemment, de corruption. Dans le cas d'une simple « omission » ou d'une erreur professionnelle, on parlera donc d'incompétence. Et dans les deux cas, il y a vraiment anguille sous roche. Avant de nettoyer les avenues, rues et ruelles du pays, on devrait plutôt commencer par les rouages profonds de l'Administration tunisienne. Mais c'est tout comme nettoyer les écuries d'Augias. Alors... S.B.Y.