Le tourisme est à l'arrêt en Tunisie. Plages désertes, hôtels vides, le secteur du tourisme se morfond. La Tunisie a perdu ses foules de visiteurs qui faisaient le bonheur des hôtels, des restaurants et des échoppes de produits artisanaux. Pour l'OMT, la crise de la Covid-19 « est de loin la crise la plus grave à laquelle le tourisme international ait été confronté depuis le début des relevés » en 1950. L'enjeu actuellement pour ce secteur fortement sinistré, gros pourvoyeur de devises est de contenir les pertes et sauver des centaines de milliers d'emplois directs comme l'a souligné la nouvelle Présidente de la Fédération tunisienne d'hôtellerie, Dora Miled, qui grâce, à son expertise et à son professionnalisme, essaiera de bien défendre la profession et répondre aux défis d'aujourd'hui et de demain. Le Temps : Tout d'abord, pensez-vous que le tourisme tunisien puisse se relever, après la crise du coronavirus ? Dora Miled : Contrairement aux crises précédentes, la crise actuelle concerne le monde entier du fait de la propagation de la Covid-19 qui n'a épargné presque aucun pays au monde. Le tourisme est à l'arrêt et il n'y aurait pas de saison touristique comme en témoigne la baisse des nuitées de 80% et des recettes de 60% durant les 9 premiers mois de 2020. Les effets collatéraux du coronavirus ont plongé le secteur dans la plus grave crise de son histoire. Cette pandémie a touché plusieurs secteurs et surtout le secteur du tourisme qui a connu une décroissance de 50%. L'impact de la crise s'annonce particulièrement lourd pour ce secteur qui compte plus de 400 mille emplois et contribue à concurrence de 14% au PIB national. Le secteur a vécu durant cette dernière décade au rythme des bonnes performances qui ont animé les pronostics de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) qui tablait sur une croissance oscillant entre 3% à 4% pour l'année 2020. Toutefois, cette euphorie a été brusquement et sévèrement interrompue suite au déclenchement de la crise pandémique de la Covid-19 qui a chamboulé le secteur et obligé l'OMT à revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour l'année en cours. Ainsi, une croissance négative située entre 1% et 3% se profile désormais à l'horizon. L'évolution de la pandémie à l'échelle mondiale conjuguée aux mesures drastiques prises par les autorités publiques a mis le secteur en quarantaine. Les professionnels, contraints de suspendre toutes leurs activités depuis la mi-mars, se sont vite trouvés face à des trésoreries déficitaires, les rendant incapables d'honorer leurs engagements. La situation risque de se prolonger jusqu'à 2023 voire 2024. Pensez-vous que les mesures gouvernementales ont été suffisantes pour faire face à la crise ? L'impact de la crise sanitaire sur l'économie est important, en témoignent l'arrêt des activités de plusieurs unités. Les mesures gouvernementales annoncées, depuis le mois de mai dernier concernant, essentiellement, la mise en place d'une ligne de crédit de 500 millions de dinars n'ont pas été suffisantes, pour permettre aux établissements hôteliers touchés par la pandémie de la Covid-19 de payer les salaires de leurs employés. Nous comprenons les restrictions budgétaires de l'Etat et la pression exercée par d'autres activités économiques. Quel est l'impact social de cette crise ? Cette situation a provoqué des réductions de la main d'œuvre. L'impact social est important et on risque de perdre 27 mille emplois si aucune mesure n'est prise. Les familles vivant du tourisme seront les plus touchées puisque 6 sur 10 risquent d'entrer dans la pauvreté. L'annonce du plan de sauvetage ne doit pas tarder davantage, au risque de voir des milliers d'opérateurs contraints de mettre la clé sous la porte. A situation exceptionnelle, quelles sont les mesures exceptionnelles que vous préconisez ? A situation exceptionnelle, il faudrait des mesures exceptionnelles. Notre Fédération a appuyé les efforts de l'autorité de tutelle auprès du gouvernement pour obtenir des mesures de soutien exceptionnelles face à la situation. Nous continuons à sensibiliser le gouvernement et les députés sur la situation difficile du secteur tout en appelant à satisfaire les revendications du secteur touristique et qui sont principalement, l'annulation des charges fiscales et sociales exigées durant l'exercice 2020, la clarification des conditions d'octroi des crédits avec garantie de l'Etat, tout en accélérant les délais d'octroi, le rééchelonnement sans pénalités de retard des échéances bancaires et de celles des sociétés de leasing. Nous voudrions que la responsabilité sociale soit partagée entre l'Etat et les professionnels. Mais, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas de réponse. Il faudrait surtout amortir le choc social de cette crise ; des milliers d'emplois sont en jeu, surtout que de nombreuses entreprises sont menacées d'asphyxie financière. L'heure est assurément à la solidarité nationale entre tous. Bien que le gouvernement soit conscient de la gravité de la situation. S'il est vrai que nous vivons aujourd'hui l'une des crises les plus aigües qu'a connues le secteur dans l'Histoire, je reste intimement persuadée que les lendemains seront meilleurs. Il faudrait des solutions innovantes pour accompagner cette période transitoire, surmonter la crise et donner à nouvel élan au tourisme tunisien. Cette crise est une occasion de repenser le secteur du tourisme et la contribution qu'il apporte à notre économie, et de faire mieux en prenant le virage d'un tourisme plus durable, plus inclusif et plus résilient. K.B.