Les grèves générales se suivent et se ressemblent depuis quelques semaines dans les régions laissées au bord de la route du développement depuis l'indépendance. Après Béja et Kairouan, une grève générale a paralysé, hier, le gouvernorat de Jendouba. Cette grève générale a été décrétée par les antennes régionales de plusieurs organisations nationales (l'Union générale tunisienne du travail, l'Union régionale de l'agriculture et de la pêche, l'Union régionale de l'industrie, du commerce et de l'artisanat, l'Union régionale de la femme art l'Union des diplômés chômeurs) en signe de protestation contre la marginalisation du gouvernorat et le manque de développement ayant notamment conduit au décès du jeune médecin Badreddine Aloui à cause d'un ascenseur défectueux dans l'hôpital régional. Le mouvement de protestation a été très suivi. Institutions publiques, entreprises privées, écoles, espaces commerciaux, cafés et restaurants ont fermé leurs portes. Seules les entreprises et les établissements publics assurant des services de première nécessité comme les services des urgences au sein de l'hôpital régional de Jendouba ou encore les boulangeries, les pharmacies et les agences de la Société Tunisienne d'électricité et de gaz ont assuré un service minimum, et les transports à l'échelle du gouvernorat ont été complètement paralysés Environ 5 mille personnes, selon les estimations des forces de l'ordre et de l'Union régionale du travail, se sont d'autre part organisé un imposant rassemblement à la place du martyr Chokri Belaïd. Les protestataires ont notamment dénoncé le décès du jeune médecin Badreddine Aloui et la marginalisation du gouvernorat. Ils ont aussi appelé à l'activation des décisions prises lors d'une séance de travail tenue au siège du gouvernorat le 3 octobre 2020, ainsi que les décisions des conseils ministériels consacrés au gouvernorat de Jendouba qui s'étaient tenus le 25 avril 2015 et le 16 avril 2019. Les protestataires ont, par ailleurs, réclamé l'accélération de la transformation de l'hôpital régional de Jendouba en centre hospitalier universitaire (CHU), la construction de 3000 logements sociaux au profit des familles installées dans des logements rudimentaires, le rééchelonnement de la dette des agriculteurs et la création d'usines de transformation de sucres et de lait dans ce gouvernorat qui s'étend sur une plaine très fertile et dispose d'énormes ressources hydriques. Limogeage Les activistes de la société civile ayant participé à la marche de protestation ont également appelé au limogeage du gouverneur de la région et ont scandé le slogan «Dégage» à son endroit. «Le limogeage du gouverneur de Jendouba et des responsables du décès du jeune médecin Badreddine Aloui à l'hôpital régional est une obligation», a lancé le secrétaire général-adjoint de l'UGTT, Samir Cheffi, lors du rassemblement organisé devant le siège de l'union régionale du travail. Et d'ajouter : «La centrale syndicale va mobiliser toutes ses forces pour fermer les vannes de la corruption, de la contrebande et pour la désignation des responsables incompétents et du mépris d'un gouvernorat qui était à l'avant-garde de la lutte pour la libération nationale». La grève générale organisée à Jendouba est la troisième du genre d'une longue série de débrayages annoncés dans plusieurs régions déshéritées. Deux grèves ont été déjà observées à Béja et Kairouan alors que l'Union régionale du travail de Gafsa a lancé mercredi le mot d'ordre d'une grève générale dans la région durant la première semaine de janvier 2021. Les unions régionales du travail de Tozeur et de Siliana ont également brandi des menaces de grève pour réclamer les parts de ces régions du gâteau du développement. Alors que la contestation sociale enfle dans plusieurs régions marginalisées, l'UGTT voit d'un mauvais œil la naissance de coordinations régionales formées par des protestataires pour négocier avec les autorités régionales. De crainte de voir ces insalissables coordinations régionales lui couper l'herbe sous les pieds, la centrale syndicale historique encadre de plus en plus mouvements de protestation dans les régions. W.K.