* Quels symboles se cachent dans les préparations alimentaires du Ras El Am? Décodage Ras El Am est à nos portes. Marquant le premier jour de l'année hégirienne, cette célébration intervient une vingtaine de jours après l'Aïd El Idha et constitue un repère fondamental dans le calendrier hégirien. En Tunisie, Ras El Am s'accompagne de plusieurs coutumes ayant trait à l'alimentation et se caractérisant par leur haute teneur symbolique. C'est ainsi que chaque famille confectionne un couscous rituel dont la composition recèle plusieurs significations.
Les symboles de l'abondance Traditionnellement, on mélange dans ce couscous des graines de la "oula" de l'année passée avec d'autres grains préparés durant l'année précédente. Cet usage de deux différentes récoltes de couscous symbolisait dans l'esprit des familles l'absence de rupture alimentaire, l'existence des stocks de grains qui se chevauchent au fil des ans. De plus, le couscous du nouvel an est garni de "kadid" (lamères de viande boucanée puis séchée) provenant du dernier aïd une symbolique de la continuité. En outre, ce couscous rituel est confectionné avec la "louha" l'épaule droite du mouton sacrifié lors de l'Aïd. On aura , en effet, pris soin de préserver intacte cette pièce de viande pour le couscous du nouvel an. Selon une croyance populaire, cette "louha" symbolise le pouvoir et la destinée du chef de famille. Ainsi, on prendra soin de ne pas la rompre et on attendra le nouvel an pour s'en servir dans la confection de ce fameux couscous. En outre, cette préparation culinaire est abondamment garnie de fèves qui elles sont un symbole de fertilité. Bien sûr, cette forte identité paysanne du couscous du nouvel an s'accommode, aujourd'hui, de l'urbanisation connue par notre société. Toutefois, les symboles demeurent et leur signification reste comprise de tous.
A la recherche des bons augures D'autres coutumes culinaires accompagnent l'événement de l'année hégirienne. Elles ont trait à la Mloukhia qu'on déguste la veille ou le jour même selon les régions afin que l'année soit verte et propice. Certaines familles font cuire dans cette mloukhia des œufs dont la coque deviendra verte et augurera ainsi du bonheur à venir. Ces rites propitiatoires prennent aussi la forme de la dégustation de gâteaux pour que l'année soit douce. Citons le particularisme nabeulien selon lequel on crée et déguste à l'occasion du nouvel an des poupées et figurines en sucre. Pour que l'année soit douce et légère, on confectionne aussi le jour du nouvel an des soupes auxquelles on n'ajoutera pas d'harissa. Par ailleurs, dans certaines familles, l'usage veut que l'on fasse circuler dans la maisonnée des bijoux que tous les membres de la famille toucheront pour que la nouvelle année soit placée sous le signe de la réussite matérielle. Dans certains cas, on choisira ce premier jour de l'année pour laver son domicile à grande eau. En ce sens existent plusieurs coutumes qui varient selon les régions tout en demeurant des plus vivaces. Peu ou prou respectées, ces traditions sont révélatrices d'un état d'esprit qui souhaite une année d'abondance à toute la communauté et tente de conjurer par ces symboles alimentaires les difficultés qui pourraient surgir.