Le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui ne s'est pas débarrassé de son costume de président du mouvement islamiste Ennahdha, a habitué les citoyens excédés à ses lubies, et voilà qu'il fait, encore, des siennes, avec un revirement à 180°, dans sa condamnation des violences commises par la Coalition al-Karama. Maintenant, ce sont les victimes qu'il condamne, après avoir laissé passer la tempête. Pour fêter sa victoire, après le vote de confiance au gouvernement, Rached Ghannouchi a condamné vivement "la violence verbale tangible" exercée par les députés du bloc démocratique Anouar Ben Chahed et Mounira Ayari contre plusieurs députés de la coalition al-Karama lors "des incidents regrettables" survenus le 7 décembre dernier au parlement. Tout le monde est habitué aux coups tordus du Cheikh, mais de là à condamner pour violence quelqu'un qui avait eu le visage ensanglanté, par les sbires d'al-Karama, il faut avoir beaucoup de culot. Et il a choisi le bon moment. Dans une déclaration publiée tard dans la nuit du mardi à l'issue de la séance plénière consacrée au vote de confiance aux ministres proposés dans le remaniement dernier, il est précisé que cette condamnation "se réfère au rapport d'enquête de l'équipe dont la création a été ordonnée pour déterminer les responsabilités ainsi que sur la base des enregistrements et témoignages disponibles". De tels incidents ne doivent pas se reproduire, a souligné le président de l'ARP dans la déclaration, appelant les députés à se conformer au règlement intérieur et à s'en tenir aux principes de l'action parlementaire et à la déontologie à l'Assemblée. Rappelons que le président de l'ARP avait condamné dans une déclaration publiée le 15 janvier courant, "la violence physique" exercée par des députés de la coalition al-Karama contre des élus du bloc démocratique. Cette agression est "une première grave qui ne devrait pas se répéter", avait-il dit. A la suite de la déclaration du président de l'ARP, les grévistes de la faim du bloc démocratique ont décidé de suspendre leur grève. Le 10 janvier 2021, la députée Samia Abbou a entamé une grève de la faim pour appeler le président de l'ARP à assumer ses responsabilités et à publier une déclaration dénonçant la violence et ses auteurs. Elle a ensuite été rejointe, dans sa grève de la faim, par d'autres élus du bloc démocratique (Amal Saïdi, Zied Ghanney et Mounira Ayadi). Le bloc démocratique a décidé le 8 décembre 2020 d'observer un sit-in ouvert au parlement, en signe de protestation contre la non-inscription, à l'ordre du jour des travaux de la plénière, le même jour, de la déclaration du bloc condamnant la violence au sein du parlement. Bien sûr, l'enquête de Ghannouchi a abouti à des résultats sur mesures qui lui ont permis de « se réconcilier » avec Seifeddine Makhlouf et ses sbires. On doit s'attendre à pire, à l'avenir, parce que Ghannouchi veut démontrer, comme toujours, qu'il est le seul maître à bord.