– Agences- Aujourd'hui, s'ouvre devant le Sénat américain à Washington le deuxième procès en destitution contre Donald Trump. L'ancien président est accusé d'« incitation à l'insurrection ». Il sera jugé par les sénateurs pour son rôle supposé dans l'attaque du Capitole par ses partisans le 6 janvier 2020. Quelle sera la ligne de défense de Donald Trump ? Dans son argumentaire de 14 pages l'équipe juridique de l'ex-président emploie un argument principal : on ne peut pas destituer un président qui n'en est plus un. Or depuis le 20 janvier, Donald Trump est redevenu un simple citoyen. Les avocats contestent ainsi la légitimité même du procès en destitution contre leur client. Peut-on destituer un président qui n'en est plus un ? Sur ce point précis, l'interprétation de la Constitution américaine fait actuellement l'objet d'un vif débat aux Etats-Unis. Ceux qui considèrent que l'on peut mener ce procès contre Donald Trump estiment que « l'impeachment britannique, qui est à l'origine de l'impeachment américain, permettait de poursuivre les ministres qui étaient sortis de charge. Les pères fondateurs américains semblaient l'entendre de cette oreille et considérer qu'on pouvait poursuivre un officiel civil qui ne serait plus en fonction au moment de son procès », explique Julien Boudon, professeur de droit public à l'université Paris Saclay et spécialiste de la Constitution américaine. En face, il y a ceux qui estiment qu'« on ne peut pas destituer un président qui n'est plus en fonction », poursuit ce spécialiste de la constitution américaine qui met en avant les précédents : « à au moins à trois reprises, le Sénat américain a décidé de ne pas poursuivre et de ne même pas organiser un procès dès lors que l'officier civil poursuivi avait préventivement démissionné de son poste. Cela a été le cas avec le juge English en 1926 et très récemment, en 2009, cela a été le cas avec le juge Kent. Il y a un seul contre-exemple, de 1876, quand le secrétaire à la Guerre, Belknap a démissionné quelques heures avant d'être mis en accusation. Non seulement la Chambre des représentants a voté des articles d'impeachment mais le Sénat a également organisé un procès contre Belknap pour finalement l'acquitter ». La liberté d'expression Ils invoquent le premier amendement qui garantit la liberté d'expression. Au nom de cette liberté, Donald Trump aurait eu le droit de dire ce qu'il voulait lors du rassemblement à Washington qui a précédé l'assaut du Capitole. Pourtant, « ce premier amendement a été très souvent réinterprété par la Cour suprême », fait remarquer Jean-Eric Branaa. « Notamment dans les années 1960 quand les juges ont statué que si les paroles qui ont été prononcées amènent à des actions qui peuvent entraîner des morts ou des blessés, le principe de la liberté de parole ne prévaut pas. Ces paroles prononcées peuvent alors être poursuivies en justice. Et on se trouverait bien dans ce cas de figure avec Donald Trump ». Le casse-tête des sénateurs républicains Après la mise en accusation de Donald Trump par les élus de la Chambre des représentants, les sénateurs jouent à la fois le rôle de jurés et de juges durant le procès en destitution. Sauf coup de théâtre, la très grande majorité des sénateurs républicains devraient s'aligner sur les arguments de défense avancés par Donald Trump. Les conservateurs évitent ainsi à devoir se prononcer sur le fond : Donald Trump a-t-il incité ses partisans à attaquer le temple de la démocratie américaine? Cette question est plus qu'inconfortable alors que le parti républicain est « au bord de l'implosion », estime Jean-Eric Branaa, et que les élections de mi-mandat 2022 approchent à grands pas. Dans ce contexte il est donc plus qu'improbable qu'un nombre suffisant de sénateurs républicains votera en faveur de la destitution de Donald Trump. Il en faudrait 17 pour arriver aux deux tiers requis.