Russie : forte éruption du volcan Klioutchevskoï dans l'Extrême-Orient    Photo du jour - Ahmed Jaouadi, le repos du guerrier    Tunisie : Peut-on se baigner à partir de demain ?    BH Assurance lance "NEXT" : un challenge technologique étudiant placé sous le signe de l'innovation et de l'Intelligence Artificielle    Docteurs au chômage : les coordinations réclament cinq mille postes pour sortir de la crise    Ces deux ministres que Kaïs Saïed refuse de limoger    Fin du sit-in devant l'ambassade américaine à Tunis    Orientation universitaire : ouverture d'une enquête sur des soupçons de falsification au Kef    La Chambre nationale des Photographes Professionnels met en garde contre les imposteurs dans les festivals    Soldes d'été: elles ont perdu leur attrait auprès de la clientèle et des commerçants    La flottille "Al Soumoud" partira de Tunisie et d'Espagne pour Gaza en septembre    Kairouan : un adolescent agressé, dénudé et filmé… sa mère réclame justice    Incendies, accidents, secours... 488 interventions en un seul jour !    Tunisie : 84 % de la dette extérieure couverte par le tourisme, affirme le ministre    À quelques jours de l'ultimatum, Trump déploie ses sous-marins et envoie son émissaire à Moscou    La souffrance du peuple serbe pendant l'opération « Oluja » (« Tempête »)    Production de clinker suspendue : les difficultés s'accumulent pour Les Ciments de Bizerte    Ahmed Jaouadi champion du monde à nouveau à Singapour dans la catégorie 1500 m NL (vidéo)    Tunisie : l'encours des Bons du Trésor grimpe à plus de trente milliards de dinars    Microcred SA opère une baisse historique de 8 points sur ses taux d'intérêt et lance plus de 50 nouvelles offres de crédit    Soupçons de manipulation de l'orientation universitaire : le service des crimes informatiques chargé de l'enquête    Elles ont osé : Portraits de tunisiennes qui ont fait trembler le patriarcat    Les « guerriers » du parlement    Adel Hentati : la décharge de Borj Chakir est devenue une catastrophe naturelle    La Nuit des Chefs au Festival Carthage 2025 : la magie de la musique classique a fait vibrer les cœurs    JCC 2025 : hommage posthume à l'artiste libanais Ziad Rahbani    Houssem Ben Azouz : des indicateurs positifs pour le tourisme    Omra 2025-2026 : Attention aux arnaques ! Voici ce que les Tunisiens doivent absolument savoir    Interdiction de baignade imposée face à une mer agitée aujourd'hui    Séisme de magnitude 5,1 au large des îles Salomon    L'indien Tata Motors lance une OPA sur Iveco pour 3,8 milliards d'euros    À Oudhna : Walid Tounsi signe son retour sur scène lors de la première édition du Festival International des Arts Populaires    Chokri Khatoui dénonce l'arbitrage après la défaite du stade tunisien en Supercoupe    Supercoupe : Maher Kanzari salue un titre mérité malgré des lacunes à corriger    Robyn Bennett enflamme Hammamet dans une soirée entre jazz, soul et humanité    Chantal Goya enchante Carthage avec son univers féerique    Supercoupe de Tunisie – EST-ST (1-0) : Le métier des «Sang et Or»    Ahmed Jaouadi, Abir Moussi, Brahim Boudebala…Les 5 infos du week-end    Fatma Mseddi veut encadrer le fonctionnement des boîtes de nuit    Moez Echargui remporte le tournoi de Porto    Fierté tunisienne : Jaouadi champion du monde !    Au Tribunal administratif de Tunis    Najet Brahmi - La loi n°2025/14 portant réforme de quelques articles du code pénal: Jeu et enjeux?    Lotfi Bouchnak au festival Hammamet : Tarab et musique populaire avec l'icône de la musique arabe    Ces réfugiés espagnols en Tunisie très peu connus    « Transculturalisme et francophonie » de Hédi Bouraoui : la quintessence d'une vie    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



7 - David Courtailler: de la Haute-Savoie aux hauteurs de Tora Bora
Notre feuilleton - Le jihad des convertis
Publié dans Le Temps le 20 - 01 - 2007

Ils sont américains, australiens, jamaïcains, français, allemands, belges… Nés de parents chrétiens, juifs ou athées… Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant.
Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice. Dans ce septième article de la série, nous présentons David Courtailler, ancien toxicomane devenu membre actif des réseaux jihadistes afghans en Europe.
David Courtailler, alias «Daoud», et son frère cadet Jérôme, alias «Souleiman», sont, comme leur nom l'indique, des Français de souche. Fils d'un boucher-charcutier de la petite localité de La Roche-sur-Foron, près d'Annecy, en Haute-Savoie (France), leurs noms figurent sur la liste des Français convertis à l'islam qui se sont engagés dans le jihad international.
Les deux frères vivaient dans un environnement arabo-musulman, et personne ne leur a mis le couteau sous la gorge pour se convertir à l'islam. Ils ont, en réalité, subi l'influence d'anciens «Afghans français», notamment Kamel Daoudi, mis en examen pour la tentative d'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis en France, aujourd'hui incarcéré à la prison de Fresnes (Val-de-Marne, France). Jérôme, le cadet, a été arrêté à Rotterdam. Chez lui, les inspecteurs de l'AlV (les services néerlandais) ont découvert de faux papiers et une machine à fabriquer des cartes de crédit.
L'aîné, David, comptable de formation, lui aussi converti à l'islam durant un séjour à Londres, figurait sur une liste de suspects transmise par la CIA, l'agence de renseignement américaine, à la DST (le service de contre-espionnage français), après les attentats d'août 1998 contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, qui avaient fait 257 morts et 5 000 blessés. Arrêté en 1999 en France à son retour d'Afghanistan, David a été interné pendant six mois, avant d'être remis en liberté sous contrôle judiciaire. Son itinéraire a largement été évoqué devant le tribunal de grande instance de Paris, où il a comparu en mars 2004 pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste».

Un ancien toxicomane sauvé par l'islam
Au cours de son procès, ce Savoyard aujourd'hui âgé de 30 ans a condamné les attentats de Madrid. «A chaque fois qu'il y a un problème depuis le 11 septembre, on sort mon nom. Je reconnais les faits en Afghanistan, ça s'arrête là», a lancé David à ses juges. Il cru devoir souligner aussi que les attentats de «Casablanca, Madrid, le 11 septembre, ont été condamnés par les imams». Mais l'accusation n'a pas eu de mal à démontrer qu'il a fréquenté de très près les réseaux terroristes marocains et espagnols, qui ont perpétré cet attentat. Ils ont démontré aussi qu'il projetait lui-même de perpétrer des attentats en France et/ou en Europe.
David «a tutoyé la ligne jaune mais ne l'a pas franchie», a plaidé son avocat Philibert Lepy. «Il était toxicomane, en recherche de quelque chose. Il s'est élevé vers la nature divine, grâce à l'islam», a-t-il ajouté, évoquant la conversion du jeune homme à l'été 1997, juste avant de partir pour le Pakistan.
«Au début des années 1990, ce jeune catholique mal dans sa peau veut prendre ses distances avec la drogue. Il part en Grande-Bretagne », a écrit, de son côté, Mohamed Sifaoui, dans ‘‘Marianne'' du 6 novembre 2004. Avant d'ajouter: «L'escale de Brighton va changer son destin. Là-bas, il se lie d'amitié avec des Pakistanais qui l'initient à l'islam. Ou plus exactement à l'islamisme. Il fréquente la mosquée avec assiduité, tente d'apprendre l'arabe et se convertit officiellement à l'islam. Ses nouveaux amis le persuadent de se rendre au Pakistan et en Afghanistan. Ils lui payent le voyage, lui donnent de l'argent et des adresses. A Islamabad et à Peshawar, des ‘‘contacts'' le prennent entièrement en charge. Nourri, logé, blanchi, David Courtailler a cessé d'être un paumé. Traité en invité d'honneur, il est impressionné par la ‘‘générosité'' débordante de ses hôtes. Lesquels lui proposent d'aller suivre un entraînement paramilitaire dans les camps d'Oussama Ben Laden. Entre 1997 et 1998, Courtailler passera près de neuf mois au sein des légions d'Al-Qaida. Puis, il se rend à plusieurs reprises en Espagne. Il y rencontrera Djamel Zougam, ce Marocain qui est aujourd'hui le principal accusé dans les attentats de Madrid...».
Le périple de David l'a donc conduit de Peshawar à Djalalabad, puis à Kaboul, avant de joindre le fameux camp d'entraînement Khost, où le jeune apprenti jihadiste a appris le maniement des armes.
David a évoqué sa formation afghane dans une interview au ‘‘Nouvel Observateur'' (mars 2004): «Au début c'était sympa, mais après c'est devenu lassant. (...)», a-t-il dit. Et d'ajouter : «Moi, je considérais cet entraînement comme une sorte de service militaire. On apprend le maniement des armes, on s'entraîne, il n'y a rien d'extraordinaire. Je n'ai rencontré personne d'important et surtout pas Ben Laden, ni l'un de ses adjoints comme on le dit. Franchement, je ne savais pas ce qu'ils attendaient de moi. J'y suis resté quelques mois, entre septembre 1997 et avril 1998, et puis je suis rentré chez moi».
A propos de la conversion soudaine de David et de ses accointances afghanes, ‘‘Le Figaro'' a reproduit, de son côté, le 31 mars 2004, cet échange entre le président du tribunal Jean-Claude Kross et jeune homme durant le procès.
«Vos parents sont catholiques ?
– Oui, mais je ne pratiquais pas; je trouve les églises froides et lugubres.
– Pourquoi l'islam?
– J'avais beaucoup de problèmes avec l'alcool et la drogue, j'avais besoin de religion.
– Vous vous êtes converti et à peine trois jours plus tard on vous envoie au Pakistan avec mille livres en poche. »
Un peu plus loin, le président revient à la charge :
«Pourquoi Kaboul ?
– Pour apprendre le Coran (…).
– En réalité, vous avez reconnu que vous aviez suivi un entraînement militaire pendant six mois, notamment le maniement d'une kalachnikov, d'un Uzi ou d'un mortier. Vous vouliez faire un stage sur les explosifs mais on vous l'a refusé.
– Parce que je ne parlais pas arabe.
– Ce camp était sous l'autorité de Ben Laden.
– C'est ce qu'on m'avait dit, mais je ne savais pas à l'époque qui était Ben Laden (…).
– En somme, c'était plutôt une conversion militaire (...) C'est curieux, vous rencontrez partout des gens très importants.»
Le président a cité ensuite Zoubeida, un proche de Ben Laden croisé au Pakistan, Abdullah, vétéran de Bosnie rencontré en Espagne ou encore deux autres leaders islamistes à Londres, Abou Dahah et Omar Deghayes, auquel le prévenu servira de chauffeur.
Repéré par les services français dès son retour d'Afghanistan
De retour en Angleterre, à Brighton, David s'est lié avec un vétéran du combat en Bosnie qui lui a donné des adresses pour être hébergé. La solidarité des frères de combat a joué à plein. Au Maroc, tout d'abord, le Français a suivi pendant quelques mois les cours d'une école coranique proche du cheikh Ahmed Yassine, un fondamentaliste religieux, leader du mouvement Al-Âdl Wal-Ihsane (Justice et Bienfaisance). Mais, la discipline lui semblant trop stricte, il a pris ensuite le chemin de l'Espagne. Là, il a été reçu chez un Syrien, lui aussi ancien combattant de Bosnie.
C'est en novembre 1998 que David a rencontré, dans une mosquée de Madrid, Jamal Zougam, le suspect des attentats du 11 mars 2004 dans la capitale espagnole. La justice française, qui a repéré le jeune Savoyard dès son retour d'Afghanistan, a demandé aux Espagnols d'identifier ses contacts locaux. C'est ainsi que Zougam a été entendu, en 2001, par le juge antiterroriste espagnol José Garzon, en présence de son homologue français Jean-Louis Bruguière. Le Marocain n'ayant commis aucun délit, la justice ne pouvait rien lui reprocher. Il a donc été relâché.
Arrêté le 13 septembre 2003 aux Pays-Bas, David a été accusé de s'être entraîné avec des extrémistes en Afghanistan et d'avoir organisé dans les années 1990 les stages d'autres militants islamistes dans les camps de ce pays. Le prévenu a cependant comparu libre, avec d'autres membres de la «filière afghane», devant le tribunal correctionnel de Paris, qui l'a condamné, le 26 mai 2004, à quatre ans de prison, dont deux avec sursis, et cinq ans de privation de droits civils et de famille. Il peut cependant s'estimer heureux de s'en être sorti physiquement indemne. Car d'autres apprentis jihadistes, comme Hervé-Djamel Loiseau présenté dans notre édition d'hier, n'ont pas eu cette chance.

Demain 8 : David Hicks: «le Taliban australien».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.