Bourguiba de retour de Djerba, fit la déclaration suivante à l'aéroport de Tunis-Carthage: "Cette journée est historique, la "République Arabe Islamique" étant appelée à avoir un poids considérable. Nous exprimons l'espoir de voir l'Algérie, la Mauritanie et le Maroc se joindre à nous. Nous avons décidé au début, d'organiser un référendum pour le 18 janvier 1974. Cependant, étant donné que la procédure du référendum exige un délai, y compris pour amender la constitution, il a été décidé de fixer le référendum pour le 20 mars date anniversaire de l'Indépendance. ... Nous émettons le vœu de voir les peuples de Machrek suivre notre exemple. Bourguiba était sans aucun doute bien enthousiaste à cette union. Il était content voire fasciné d'être le Président de deux pays du Maghreb à la fois. Dans son euphorie, il appela Boumedienne pour lui demander d'adhérer à l'union mais il s'opposa à un refus net et catégorique. Le Chef d'Etat algérien se formalisa qu'il n'en fut pas préalablement invité à faire partie du projet de l'union et de n'avoir pas été parmi les signataires de la Déclaration. Il considéra en effet qu'il était écarté du projet et que l'invitation de Bourguiba à s'y joindre n'était qu'à titre diplomatique. Mais en réalité le leader Bourguiba était interloqué par la réaction de Boumedienne. Les réactions des observateurs et des médias étaient mitigées. Alors que certains journaux occidentaux qualifiaient cette union de négative la situation étant différente entre les deux pays tant sur le plan social, qu'économique et politique, d'autres estimaient au contraire qu'elle pourrait éviter les conflits à travers le monde arabe. Cependant aucun parmi les journaux arabes n'en avait vu un seul côté positif. Bien plus les journaux algériens l'avait qualifiée d'éphémère et de factice. Boumedienne déclara au nom du Conseil de la révolution algérienne, dont il était le président, que cette union hâtive et artificielle ne pouvait prospérer ni même survivre. Cette réaction négative du reste des pays du Maghreb était-elle due au fait de n'avoir pas participé à la discussion préalable du projet d'union qui réunit seulement le colonel et le leader Bourguiba. L'on est tenté de répondre à la question par l'affirmative. Cependant , par un raisonnement à contrario, c'est-à-dire si tous les pays du Maghreb avaient été à l'époque consultés pour une telle union, cela aurait-il pu changer grand chose à la situation? Ce n'était pas certain car à l'époque chacun de ses pays avait des problèmes spécifiques, rendant de la sorte une union entre eux, difficilement réalisable. En fait, c'était également le cas entre la Tunisie et la Libye à cette période où notre pays venait de passer par une mauvaise période due à l'échec de l'expérience collective de Ben Salah et entamait une nouvelle phase de libéralisme économique à l'avènement de Hédi Nouira à la tête du gouvernement. Celui-ci pour un décollage économique encourageait des investissements étrangers. Plusieurs entreprises étrangères s'étaient implantées en Tunisie en vertu de la loi de 1972 leur facilitait les formalités à cet effet, tant sur le plan juridique, que fiscal et douanier. Des exonérations importantes étaient dans le but de mieux les encourager à investir en Tunisie. L'union avec la Libye en l'occurrence allait-elle constituer un obstacle à ces investissements? Ce fut ce que pensait Hédi Nouira lui même qui d'ailleurs s'était opposé à l'union, dont la déclaration a été signée en son absence. Il était,, en effet, à Paris le 12 janvier, et en apprenant la nouvelle par les journaux, il fut si stupéfait qu'il faillit démissionner. A son arrivée à Tunis, il fit part de sa désapprobation en déclarant qu'il lui était impossible de rester en tant que Premier ministre dans une structure qu'il n'approuvait pas. Bourguiba, auquel Nouira essaya d'expliquer qu'il avait agi à la hâte en signant la déclaration de l'union était déçu. Masmoudi , considéré en tant que principal instigateur finit par être limogé et invité à s'expliquer devant les membres du gouvernement. Afin de surseoir à la concrétisation de l'union, ce fut le motif juridique qui fut invoqué: le projet d'union doit soumis à l'avis du peuple par voie de référendum. Or, la constitution tunisienne ne prévoyait pas à l'époque de procédure référendaire. Il fallait donc procéder d'abord à l'amendement de la constitution. Au ministre libyen de l'Intérieur venu en Tunisie avec les bulletins de vote du référendum, on explique cet imbroglio juridique nécessitant au moins six mois pour sa mise en application. Cependant que Masmoudi insistant sur la nécessité de conclure l'union, déclarait que si la constitution ne prévoyait pas de référendum , elle ne l'excluait pas pour autant. Le spécimen du référendum comportait les photos de Khadhafi et Bourguiba avec les questions suivantes: - Acceptez-vous l'union? - Acceptez-vous que Bourguiba soit le Président de la République Arabe Islamique et que Kadhafi soit son vice-Président . (A suivre)