Le Temps-Agences - Le dépouillement a commencé hier au Pakistan au terme d'une journée électorale bien moins violente que redouté, qui pourrait voir émerger un parlement hostile au président Pervez Musharraf. L'ancien chef des armées a lancé un appel à la réconciliation nationale en déposant son bulletin de vote dans une école de Rawalpindi, où la chef de file de l'opposition Benazir Bhutto a été assassinée le 27 décembre. La disparition brutale de l'ancien Premier ministre avait conduit au report de ces élections législatives et provinciales, d'abord programmées le 8 janvier. En plus de la police, 80.000 militaires avaient été mobilisés pour assurer la sécurité. Les premiers résultats partiels devraient commencer à tomber autour de minuit hier et les grandes tendances à être connues ce matin. D'après les témoignages recueillis à travers le pays, le vote n'a guère mobilisé la population, échaudée par la vague de violences pré-électorales. Mohammad Farooq, un responsable électoral, a évalué à 35% la participation dans son bureau de vote de Rawalpindi. "Etant donné la situation en termes de sécurité, c'est un bon résultat", a-t-il dit. Selon un responsable des services de renseignement, onze personnes ont été tuées, dont sept dans la province de Pendjab, et 70 ont été blessées depuis l'ouverture des bureaux de vote. Dans la province du Sind, le fief de la dynastie Bhutto, le ministre local de l'Intérieur a déclaré que deux personnes avaient été tuées et 50 autres blessées dans des incidents liés au scrutin. "C'est presque insignifiant", a ajouté Arif Ali Khan, non sans exprimer sa tristesse pour les victimes. Sept bureaux de vote encore fermés ont été visés par des attentats à la bombe dans le Nord-Ouest et dans la vallée de Swat, sans faire de victimes. Aucun attentat majeur n'a ensanglanté le scrutin, comme samedi à Parachinar, dans le Nord-ouest du pays, où 47 personnes avaient péri dans un attentat suicide visant un rassemblement du Parti du peuple pakistanais (PPP), la formation de Bhutto. Musharraf ne remet pas en jeu son mandat, mais son impopularité pourrait être l'un des facteurs décisifs de l'élection. Après avoir déposé son bulletin dans une école de Rawalpindi, il a dit vouloir sortir de la "démarche de confrontation" et rester "engagé dans une politique de réconciliation avec tout le monde". "Quel que soit le parti qui l'emportera (...), je le félicite et coopérerai pleinement avec lui en tant que président", a-t-il dit. Un parlement hostile à Musharraf pourrait remettre en question la constitutionnalité de sa réélection pour cinq ans par la chambre sortante, en octobre dernier. Les deux principales forces de l'opposition - le PPP et la Ligue musulmane fidèle à Nawaz Sharif - sont largement en tête des sondages mais redoutent des fraudes massives. "Il est plus que clair qu'un plan massif de truquage est à l'œuvre", a lancé à Lahore Nawaz Sharif, ancien Premier ministre chassé du pouvoir par le putsch de Musharraf en 1999. Sharif et le PPP ont annoncé qu'ils manifesteraient si on les prive de la victoire électorale, mais les observateurs s'interrogent sur la réaction de l'armée dans cette éventualité. Outre l'impopularité de Musharraf, l'autre déterminant principal du vote semble être la vague d'émotion provoquée par la mort de Benazir Bhutto qui pourrait profiter à son parti. Mais ni le PPP ni les deux autres grandes formations politiques - les deux ailes rivales pro-Musharraf et pro-Sharif de la Ligue musulmane du Pakistan - ne semblent en mesure d'emporter la majorité et une coalition semble inéluctable au sein de l'Assemblée nationale de 342 sièges. Plusieurs centaines d'observateurs étrangers veillaient au bon déroulement du scrutin, pour lequel la moitié des 160 millions de Pakistanais étaient appelés aux urnes.