Ecarté de l'UGTT en 1956, Ahmed Ben Salah qui aura quitté définitivement le monde syndical, saura, après avoir été récupéré en 1957, pour se voir confier par Bourguiba, le ministère de la Santé Publique et les Affaires sociales, user de son tact pour faire passer son programme socialiste, qu'il avait déjà proposé alors qu'il était à la tête de l'UGTT, dans un rapport qu'il présenta à Bourguiba. Il y réussit d'autant plus efficacement que la situation économique avait besoin d'être remise sur pied à cette période où le pays venait à peine de sortir du carcan du colonialisme. Aussi, Ahmed Ben Salah était-il arrivé à convaincre Bourguiba que le meilleur moyen pour réussir à vaincre le sous-développement était le socialisme économique, en faisant prévaloir l'intérêt collectif sur les intérêts individuels ou particuliers. L'intérêt collectif cela sous entendait l'intérêt du peuple dont les plus démunis, les sans emplois et les indigents. Cela permettrait de pouvoir résorber le chômage et à long terme assurer le plein emploi, avec la priorité aux jeunes. Ce programme approuvé par Bourguiba devait être appliqué selon une planification. Ahmed Ben Salah était alors nommé en 1961, ministre de la Planification et des Finances. Il institua un plan biennal, destiné à mettre en place les structures nouvelles, et un plan décennal pour l'application du programme économique. Bourguiba était de plus en plus convaincu, voire enthousiaste de la nécessité de la mise en application du programme socialiste en y engageant, également, le parti. Au Bureau politique, il appuya Ben Salah en 1961, dans son discours où il se montra très motivé pour le socialisme seul moyen de combattre le sous-développement. Ahmed Ben Salah allait de l'avant et avait le vent en poupe. Son programme, bien que faisant l'objet de quelques réticences de la part des défenseurs du capitalisme et du libéralisme économique (aux quels l'histoire finira par donner raison) Dans un discours en février 1963, Bourguiba déclarait “ que la lutte contre le sous-développement est pour la dignité de l'homme et la gloire de la patrie. La restriction des libertés et des privilèges de la propriété s'impose lorsqu'il convient d'en faire usage plus productif et plus rentable pour la collectivité “. La politique socialiste était, désormais, à l'honneur. Ben Salah était réconforté que son programme finissait par passer malgré des résistances manifestées par des riches propriétaires immobiliers ou terriens qui s'érigeaient en défenseurs de libertés individuelles du secteur privé. A ce propos, Bourguiba, rétorquait qu'il s'agissait de réformer les mentalités afin de donner naissance à des structures économiques nouvelles en vue de réaliser une société harmonieuse, sans classes sociales, toutes les institutions de l'Etat étaient impliquées. Ben Salah, appuyé par Bourguiba, qui lui faisait de plus en plus confiance, engageait toute la structure politique dans la voie du socialisme. “ Le parti unique, déclarait-t-il, n'est un frein ni à la construction du socialisme, ni à l'épanouissement de la démocratie “. En 1963, le secteur commercial changeait de conception. L'expérience collectivisme était entamée. Les petits commerçants étaient réunis dans un réseau centraliste où ils étaient contraints à s'intégrer. En 1964, Ahmed Ben Salah a entamé, suite à la nationalisation des terres qui étaient entre les mains des colons, la collectivisation en les transformant en coopératives étatiques. Puis, Ben Salah, invita les petits fellahs à s'intégrer au sein de ces coopératives. Il estimait que c'était le meilleur moyen pour assurer un meilleur rendement, par le travail collectif des terres et résorber le chômage par le plein emploi. Dans une déclaration au Monde, Bourguiba déclarait : “Si le chemin qui doit nous mener au développement est le chemin du socialisme ou même celui du collectivisme, eh bien ! je n'y vois aucun inconvénient “. Ben Salah devint l'homme de la collectivisation que tous les membres du gouvernement approuvaient. Il sera à un moment donné, l'homme fort du régime, le réformiste idoine perspicace et efficace. Le Premier ministreà l'époque,M. Bahi Ladgham déclarait, en effet : “ Les structures de la coopération sont aussi importantes pour le mouvement coopératif que furent celles du parti pour le mouvement national “. En 1967, il lui sera confié, également, le portefeuille de l'Education nationale et de l'Agriculture. Il était considéré en tant que l'homme des miracles, et était cautionné par Bourguiba qui lui donnait carte blanche. (A suivre)