La politique pacifiste qu'avaient préconisée certains membres du Néo-Destour dont notamment Salah Ben Youssef, constituait-elle une stratégie pour temporiser la situation et mettre en confiance les autorités coloniales afin d'obtenir certaines revendications que refusaient celles-ci d'accorder par la force, en redoublant de vigilance pour une répression allant crescendo ? A l'époque Bourguiba se trouvait au Caire, pour faire connaître la cause tunisienne, en tant que leader et représentant du Néo-Destour. Il avait réagi pour inciter les membres du Néo-Destour à Tunis, à abandonner cette stratégie et utiliser les moyens forts. Tandis que les pacifistes motivaient leur attitude par la promesse des autorités coloniales et notamment le Résident Général à introduire des réformes, au moyen de concertation avec les membres du Néo-Destour. Ce qui irrita plusieurs militants dont notamment Bourguiba qui crut à une manœuvre de la part de certains membres de ce parti, à son encontre. En 1948, ceux-ci, n'assistèrent pas aux festivités célébrant l'anniversaire de la Ligue arabe. Cela avait prêté le flanc à certains membres du vieux Destour de durcir leurs positions en critiquant au passage l'attitude des membres du Néo-Destour taxés de déviationnistes et de défaitistes. L'un des fondateurs du Destour, Mohieddine Klibi, qui se trouvait au Caire, avait dénoncé l'attitude de Ben Youssef et Bourguiba, accusant ce dernier de s'être retourné contre le fondateur incontesté du parti, Abdelaziz Thaâlbi. A Tunis, le vieux parti cherchait par cette occasion, à se revaloriser surtout auprès de la jeunesse de l'époque. La politique pacifiste de certains membres du Néo-Destour suscita les réactions les plus diverses et les critiques les plus variées. En 1948, les cotisations au jeune parti étaient insignifiantes, ce qui expliquait le mécontentement de plusieurs adhérents , reprochant à certains membres leur attitude, à l'égard des autorités coloniales qui s'y complaisaient. Salah Ben Youssef avait été pris à partie, tant par le vieux Destour que par les militants du Néo-Destour. Certains parmi ceux-ci avaient tenté de constituer un autre parti dans lequel s'étaient regroupés plusieurs militants dont un avocat du nom de Chemseddine Lajimi. Ils voulaient créer une " troisième force " pour affronter les autorités coloniales et mener une action contre le Néo-Destour taxé même de laxisme. Ce qui amena à une tension sans précédent entre les militants. Ces membres dissidents, étaient vraisemblablement, incités entre autres par le mouvement travailliste représenté notamment par l'UGTT. Ce sont surtout les mineurs au Sud-Ouest de la Tunisie qui ont mené une lutte acharnée en février et mars 1949, contre les autorités coloniales et qui furent soutenus par les membres de ce " troisième parti ". La tension était à son paroxysme surtout après la tentative d'assassinat en avril 1949 de Chamseddine Lajimi. Ce fut cette discorde entre les militants qui incita Bourguiba à rentrer du Caire en septembre 1949.