Les délinquants les plus astucieux s'évertuent à s'adapter à l'air du temps. A présent, ils se sont rabattus sur les émoluments mensuels que perçoivent de nombreux employés et fonctionnaires auprès des distributeurs automatiques des banques, au lieu de faire la queue au comptoir. Inlassablement pourchassés par les auxiliaires de la justice, ils ont actuellement choisi de suivre un nouvel agenda, en partant, chaque fin de mois, à la chasse aux salaires des infortunés citoyens qui préfèrent les retirer des distributeurs, pour gagner du temps et vaquer à leurs affaires. Un stratagème fort payant pour s'assurer un butin conséquent, pratiquement sans coup férir. Maintenant, ils ne se contentent plus de parcourir les quartiers, à la recherche d'éventuelles proies perdues dans les ruelles étroites, toujours armés de leur indispensable outil de travail, le fameux couteau à la pointe affilée qui leur permet de surprendre les passants pour les délester de leurs biens, en employant bien sûr la menace et si nécessaire la violence en cas de résistance farouche des victimes visées. Les voilà, tous les fins de mois, postés devant les distributeurs de billets de banque à l'affût de la moindre occasion pour subtiliser le fruit du labeur mensuel d'un paisible citoyen. Cette mésaventure est arrivée à ce fonctionnaire, en plein centre du Bardo. Pourtant, il était bel et bien accompagné de sa fiancée dont la présence n'a nullement inquiété l'énergumène. Calmement, ce dernier, qui a suivi la victime depuis le distributeur où il a retiré une belle liasse de billets frétillants, somma le jeune homme de lui remettre le magot tant convoité. Bien entendu, une lame était pointée au niveau de l'abdomen de la victime. Malgré cela, le citoyen opposa une vive résistance, mais il dut s'avouer vaincu quand le coupable le blessa gravement au poignet avant d'alléger son portefeuille du salaire qu'il venait à peine de percevoir. Trois cents dinars venaient de changer de main, vite volatilisés pendant la brève cavale du délinquant. Le malheureux fiancé, la mort dans l'âme, s'est dirigé tout droit au poste de police le plus proche pour déposer une plainte contre inconnu, avant de recevoir les soins nécessités par sa blessure. Son agresseur ne tarda pas à être arrêté, avec de nombreux autres suspects. Lors de la confrontation, la victime a reconnu le voyou qui l'a délesté de son salaire. Ecroué, l'accusé a même avoué avoir invité des acolytes à une beuverie au cours de laquelle il a dépensé tout son butin.