Le Temps-Agences - Les pays européens devaient fixer hier des règles communes pour l'expulsion et le bannissement des quelques douze millions d'immigrés vivant dans l'illégalité sur leurs territoires, et dont beaucoup sont exploités sur le marché du travail. Le projet de directive sur lequel devraient s'accorder les ambassadeurs des 27 pays de l'Union européenne (UE) ne concerne pas les malheureux recueillis dans des embarcations de fortune au large des côtes italiennes, maltaises, françaises ou espagnoles. Ces derniers sont des demandeurs d'asile. Il s'appliquera à des personnes que les citoyens européens côtoient tous les jours, sans imaginer leur condition de "sans papiers". Elles sont originaires des Philippines, de Chine ou d'Ukraine, des pays d'Amérique latine ou d'Afrique, mais aussi des Etats-Unis ou du Japon. Entrées dans l'UE avec un visa de tourisme, souvent bien intégrées, elle "travaillent au noir", employées par des particuliers ou des entreprises, notamment dans le bâtiment et la restauration. "Ce sont des esclaves modernes, ils n'ont pas de droits", soutient l'eurodéputé conservateur allemand Manfred Weber, rapporteur du texte au Parlement européen. Malgré l'harmonisation, le projet n'empêchera pas les autorités nationales de cibler certaines catégories de sans-papiers plutôt que d'autres. Le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni a ainsi assuré à ses compatriotes que leurs employés de maison et les nounous "sans papiers" de leurs enfants ne seront pas pourchassés. Le texte, qui devra encore être validé par les ministres de l'Intérieur des 27 et voté en juin au Parlement européen, contraint les autorités nationales à choisir entre légaliser le séjour des clandestins et les expulser. L'Italie et l'Espagne ont procédé à des régularisations massives --près de 700.000 personnes-- ces dernières années. La France refuse cette solution. Selon ce texte, le départ d'un sans-papier, appelé pudiquement "éloignement", devra se faire sur une base volontaire. Mais en cas de résistance, il pourra être forcé et obligatoirement assorti d'un bannissement du territoire de l'UE pendant cinq ans. Les enfants sont également concernés. En cas d'expulsion forcée, les autorités pourront décider de la détention des clandestins pour une période maximale de six mois, pouvant dans certains cas être prolongée jusqu'à 18 mois, notamment en cas de risque de fuite ou en raison de retards pour obtenir des pays tiers les documents nécessaires. Car ce projet, "c'est du papier s'il n'y a pas d'accord de réadmission" de la part du pays d'origine, a souligné mercredi une source européenne sous couvert de l'anonymat. L'eurodéputée socialiste française Martine Roure, opposée à ce texte, est décidée à batailler pour le modifier. Elle va présenter une série d'amendements pour réduire la durée de rétention à six mois, et compte sur le soutien de tous les partis de gauche pour les faire approuver. Car sous couvert d'harmonisation, des pays comme la France, l'Italie et l'Espagne vont pouvoir augmenter la durée légale de la détention, actuellement limitée à entre 1 et 2 mois. "Des pays très répressifs vont se cacher derrière ce texte pour adopter des lois qui vont contre les droits de l'homme", a-t-elle soutenu, citant pour exemple certains projets prêtés au gouvernement de Silvio Berlusconi en Italie. Tout va en effet dépendre de l'usage que feront les pays membres de ces dispositions: les Espagnols ont ainsi pris leurs distances avec "la criminalisation" des immigrés amorcée par le nouveau gouvernement italien. Car si les deux pays sont prêts à approuver la nouvelle législation européenne, leurs approches diffèrent. "Nous travaillons à freiner l'immigration clandestine, mais toujours en respectant les droits des sans-papiers", soutient la vice-présidente espagnole Maria Teresa Fernandez de la Vega.