Le Temps - Agences - Le général Michel Souleïmane, commandant en chef de l'armée libanaise, a été élu hier à la présidence du Liban par les députés au terme de six mois de vacance du pouvoir à la tête de l'Etat. "Je proclame le général Michel Souleïmane président de la République", a déclaré le président du Parlement, Nabih Berri, après le scrutin, lors duquel le chef de l'armée a recueilli 118 voix sur 127 députés présents. Des tirs de joie ont éclaté dans Beyrouth sitôt après l'annonce de la nouvelle. Cette élection, retransmise en direct par la télévision, a été rendue possible par l'accord de Doha, conclu mercredi entre l'opposition et la majorité libanaises au terme d'une conférence de dialogue qui avait duré six jours et s'était déroulée sous l'égide de la Ligue arabe. Chrétien maronite âgé de 59 ans, Souleïmane a été investi peu après dans ses fonctions et devait prononcer un discours devant les députés censé donner le ton de son mandat de six ans. Il va devoir démissionner de la tête de l'armée et nommer un nouveau chef de gouvernement. Saad Hariri, chef de file de la majorité parlementaire antisyrienne et fils du Premier ministre assassiné Rafic Hariri, figure en tête de liste. Le Premier ministre sortant, le pro-occidental Fouad Siniora, va désormais quitter son poste, mais il continuera de gérer les affaires courantes jusqu'à la formation d'un nouveau cabinet. Il n'est cependant pas exclu que Siniora soit reconduit dans ses fonctions. L'émir du Qatar, le cheikh Hamad bin Khalifa al Sani, figurait parmi les dignitaires qui étaient présents à Beyrouth à l'occasion de l'élection du président, de même qu'Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe. Parmi les nombreux ministres des Affaires étrangères aussi présents se trouvaient ceux de l'Iran et de la Syrie, deux pays qui soutiennent le Hezbollah, ainsi que celui de l'Arabie saoudite. La crise politique entre la coalition antisyrienne, majoritaire au Parlement, et l'opposition conduite par le Hezbollah, soutenu par Damas et Téhéran, avait jusque-là bloqué la désignation du successeur d'Emile Lahoud, dont le mandat a expiré en novembre dernier.
Chef des armées depuis 1998 A 19 reprises, l'élection du président par les députés avait dû être différée en raison de l'impossibilité de réunir le quorum nécessaire. Le Parlement n'a plus siégé depuis plus d'un an et demi. Pour autant, cela faisait un certain temps déjà que la majorité au pouvoir et l'opposition s'étaient mises d'accord sur le nom de Souleïmane comme candidat de consensus. Il restait à en finir avec l'impasse sur la configuration d'un gouvernement d'union nationale, l'opposition insistant pour récupérer une minorité de blocage, ce qu'elle a obtenu au Qatar. L'accord de Doha, fruit d'une médiation conduite au nom de la Ligue arabe par les autorités qataries, désamorce les tensions très vives au Liban qui ont dégénéré au début du mois en affrontements meurtriers dans les rues de Beyrouth et de Tripoli, notamment. Il propose également un espoir de sortie de l'impasse politique dans laquelle le Liban est plongé depuis novembre 2006 et la démission des six ministres de l'opposition face au refus de la coalition antisyrienne de leur accorder un droit de veto sur les décisions du gouvernement Siniora. L'accord de Doha prévoit la formation d'un gouvernement d'union nationale et l'élaboration d'une nouvelle loi électorale avant les élections législatives de 2009. Nommé commandant en chef de l'armée libanaise en décembre 1998, alors que la Syrie contrôlait le Liban, Souleïmane a été étroitement associé aux préparatifs du retrait, sous la pression libanaise et internationale, des forces syriennes en 2005 après l'assassinat de Rafic Hariri et a supervisé le redéploiement de l'armée dans tout le Liban. Parlant couramment l'anglais et le français de même que l'arabe, Souleïmane, né dans le village chrétien d'Amchit, est marié et père de trois enfants. Maintenant qu'il est à la présidence, son principal défi sera de tenter de réconcilier la majorité parlementaire et l'opposition. Il devra aussi s'attaquer aux questions en suspens qui menacent la cohésion du Liban, à commencer par le désarmement du Hezbollah. La milice chiite, qui combattait alors la présence israélienne au Sud-Liban, a été la seule autorisée à conserver ses armes après la fin de la guerre civile. Mais ses adversaires réclament aujourd'hui son désarmement.