Depuis 1992, date de l'accession de Bill Clinton à la Présidence américaine et sa facile reconduction en 1998, les démocrates américains n'ont pas connu d'agitation politique semblable à cette bataille acharnée que se livrent, jusqu'ici, les deux prétendants à l'investiture démocrate : Hillary Clinton, Sénatrice de New York, et la nouvelle étoile montante de la politique américaine, le Sénateur de couleur de l'Illinois Barack Obama, Avant le lancement de ces primaires, peu d'observateurs doutaient des chances de Mme Clinton de remporter facilement le verdict final. Les raisons apparentes ne manquaient pas : Sénateur de l'un des grands Etats américains, New York, ex-first Lady et donc bien rompue aux affaires politiques. Ses débuts de campagne allaient confirmer ces prédictions. Mais, c'était de courte durée. À la surprise générale et au fil des consultations des primaires démocrates, la tendance va s'inverser en faveur du sénateur Obama. Les observateurs imputaient ce revirement au caractère un peu rigide de la candidate, à sa carrière dans le microcosme washingtonien et à son appartenance, aux yeux de l'électorat à l'establishment. Ironie du sort, l'appui qu'elle a naturellement reçu de son mari le Président, Bill Clinton, grand orateur et toujours populaire, va s'avérer inopportun. Il faisait de l'ombre à son épouse lors des meetings électoraux. Les conseillers de la candidate n'ont pas tardé à lui suggérer de se prendre en mains. Aujourd'hui, le Sénateur Obama se trouve à deux doigts de l'investiture démocrate. Il a même suggéré à sa rivale de se rallier à lui, en prévision d'une étiquette Obama-Clinton en novembre prochain contre le candidat du parti républicain, le sénateur de l'Arizona John McCain déjà assuré de son investiture par le parti républicain. Après un marathon de caucus et de meetings, les dés sont jetés côté démocrate : pour atteindre le chiffre fatidique de 2118 délégués, synonyme d'investiture par le parti républicain lors de la prochaine convention du parti prévue à Denver du 25 au 28 août, M. Obama n'a besoin que du soutien de 45 délégués tandisque Mme Clinton aura besoin de plus de deux cent. Qu'a cela ne tienne, la donne ne semble pas aussi claire. Le système de désignation est, en fait, beaucoup plus compliqué. Il faut prendre en considération la différence entre les « délégués élus » et les« super délégués ». Ces derniers sont « libres » de leur choix et peuvent changer d'avis d'ici la date de la convention. Aujourd'hui, et selon les sondages, 180 super délégués sont toujours indécis. Les deux dernières consultations de mardi dans le Dakota du Sud et la Montana devraient être remportées par M. Obama, mais en termes de délégués elles ne seront pas suffisantes pour assurer le jeune Sénateur d'être «mathématiquement » désigné pour le sprint final de novembre. Ces primaires ne portent que sur 31 super délégués. Certes, M. Obama est plus proche de son but, mais Mme Clinton ne semble pas vouloir lâcher. Elle qui s'est efforcé de se présenter comme la défenderesse de la cause des classes populaires, vivier du parti démocrate, et n'a pas hésité à user de tous les moyens pour discréditer son rival - « ses origines kenyanes », son « incompétence » et - last but not least- « ses liens avec la très controversée église « la Trinity United Church » et les propos de son ancien pasteur Jeremiah Wright. M. Obama s'est trouvé contraint à prendre ses distances avec ce dernier. Autre argument de taille de la Sénatrice de New York, son avance sur son rival en termes de vote populaire. Son équipe de campagne soutient que la candidate a reçu plus de voix que son rival. Cet argument, contesté par l'équipe d'Obama, peut constituer un alibi pour Mme Clinton pour espérer toujours à une hypothétique investiture. Il faut remonter à 1972 pour trouver une situation synonyme, où un représentant du parti démocrate (George Mcgovern) ayant rallié moins de voix s'est trouvé investi par son parti mais le résultat de son duel avec l'ex-Président Richard Nixon fut sans appel, soutient le directeur de campagne de l'équipe Clinton Thierry McAuliffe. Les réunions avec les « super délégués » se succèdent dans les deux camps. La pression est du côté de Hillary et des ralliements de poids, à l'instar de l'influent Congressman démocrate James Clyburn, sont en faveur de M. Obama. Mme Clinton tablerait-elle sur un faux pas de son concurrent d'ici le mois d'août ? Pourrait-elle, le cas échéant, convaincre la convention démocrate qu'elle serait, selon certains sondages, la mieux placée pour battre le candidat républicain ? Penserait-elle à préparer le terrain pour 2012 ? Quelle que soit l'issue, ces primaires sont parmi les plus disputées de l'histoire américaine et pourraient donner aux Etats Unis leur premier Président noir ou leur première Présidente...