Le Temps-Agences - Le ton est monté hier entre Islamabad et Kaboul au lendemain d'un discours vindicatif du président afghan Hamid Karzaï revendiquant le droit d'intervenir au Pakistan pour y détruire les bases arrières des talibans, et après de récentes frappes américaines meurtrières. Islamabad a annoncé avoir fait part à l'ambassadeur afghan de la "protestation énergique" du Pakistan après les déclarations du président Karzaï. Les deux pays voisins, alliés-clés des Etats-Unis dans leur "guerre contre le terrorisme", s'accusent régulièrement des maux qui les accablent: Kaboul estime qu'Islamabad ferme les yeux sur les repaires des talibans et d'Al-Qaïda dans ses zones tribales du nord-ouest et leurs incursions en Afghanistan. En retour, Islamabad blâme Kaboul, mais aussi Washington, de ne pas être en mesure de vaincre les talibans, repoussant ces derniers au Pakistan à la faveur d'une frontière difficile à contrôler. Selon Islamabad, plus de 1.000 de ses soldats sont morts parmi les quelque 90.000 déployés à la frontière depuis que la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis a chassé les talibans du pouvoir fin 2001 en Afghanistan. En outre, la participation d'Islamabad à la "guerre contre le terrorisme" lui a valu récemment une vague sans précédent d'attentats qui a fait plus de 1.100 morts en un peu plus d'un an dans tout le pays. Le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani avait déjà prévenu qu'Islamabad ne "laissera personne interférer" dans ses affaires. "Au nom de la légitime défense, l'Afghanistan a le droit d'aller détruire les repaires de terroristes de l'autre côté de la frontière", avait affirmé M. Karzaï. Parallèlement, les relations entre Washington et Islamabad se sont également dégradées. Les Etats-Unis ont critiqué ces derniers temps le nouveau gouvernement issu des législatives du 18 février, parce qu'il négocie un accord de paix avec les talibans pakistanais, dont certains, proches d'Al-Qaïda, ont juré de poursuivre le "jihad" en Afghanistan. En visite à Londres où il achève sa tournée d'adieux européenne, la Président américain G. Bush déclaré hier au cours d'une conférence de presse que son pays pouvait aider à calmer la "situation tendue" sur la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan.Il n'a en revanche pas marqué son soutien à la menace du président Hamid Karzaï, exaspéré par les attaques transfrontalières lancées par les talibans et Al-Qaïda, d'envoyer l'armée afghane au Pakistan traquer les dirigeants talibans."Nous pouvons aider à calmer la situation", a déclaré Bush, ajoutant que la mission des Etats-Unis reste d'empêcher les extrémistes d'être à l'abri. "C'est la stratégie de l'Afghanistan. Il faut que ce soit la stratégie du Pakistan".