Condamné, le 10 mars 2006, à 15 ans de prison pour sa participation aux activités du groupe de Hofstad, dont est issu l'assassin du cinéaste Theo Van Gogh, Jason Walters alias Abou Mujahed Amriki est un Néerlandais d'origine américaine converti à l'islam. Fils d'un Américain noir, soldat de l'US Airforce, et d'une hollandaise, il fait partie de ces dizaines de convertis à l'islam ayant succombé aux sirènes du jihad international. Américains, Australiens, Jamaïcains, Français, Allemands, Belges... Nés de parents chrétiens, juifs ou athées... Fraîchement convertis à l'islam le plus rigoriste par des imams extrémistes, ils ont gagné les camps d'entraînement de Bosnie et d'Afghanistan, où ils ont acquis une solide formation militaire, avant de devenir des «petits soldats du jihad» contre l'Occident mécréant. Certains sont morts dans les montagnes de Tora Bora ou en Irak. D'autres ont été arrêtés dans le cadre de la campagne internationale de lutte contre le terrorisme, jugés et écroués. Leurs parcours, qui se ressemblent en plusieurs points, peuvent être résumés en deux formules: quête désespérée de soi et folie destructrice.
Né en 1985, d'un père noir américain, soldat de l'US Airforce qui a servi aux Pays-Bas, et d'une mère hollandaise, Jason s'est converti à l'islam à 13 ans et a adopté le surnom d'Abou Mujahed Amriki. Les services de renseignement hollandais (AIVD) affirment qu'il s'est rendu au moins une fois au Pakistan où il aurait reçu une formation dans un camp d'entraînement terroriste. Il a été arrêté, le 10 novembre 2004, dans son appartement de La Haye, où il s'était retranché avec son complice, hollandais d'origine marocaine, Ismail Akhnikh, après un siège de 12 heures. Durant l'assaut, l'apprenti terroriste a lancé une grenade en direction des agents venus l'arrêter en criant: «Nous irons au paradis et vous irez au diable! C'est le jour de notre martyre». C'est, en tout cas, ce qu'ont rapporté les journaux hollandais le lendemain. Ce raid est l'un des épisodes du coup de filet organisé par la police néerlandaise au lendemain de l'assassinat, le 2 novembre 2004, du cinéaste Theo Van Gogh, perpétré par Mohammed Bouyeri, hollandais originaire du Maroc, membre du même réseau. Le cinéaste iconoclaste est l'auteur d'un film sur les femmes dans les pays islamiques qui a été jugé hostile à la religion du Prophète Mohamed.
Choqué par le traitement humiliant réservé aux musulmans Selon la police, Walters, qui était l'un des chefs du groupe, avait des plans pour assassiner de nombreuses autres personnalités hollandaises, considérées comme hostiles aux Musulmans. La liste noire du réseau comprenait deux membres du Parlement néerlandais, Ayaan Hirsi Ali, originaire de la Somalie, et Geert Wilders, connus pour leurs positions critiques à l'égard de certaines pratiques des Musulmans aux Pays-Bas. Walters, qui projetait peut-être de commettre un attentat-suicide, avait écrit, en 2003, une lettre d'adieu à sa mère. Dans cette lettre signée Abu Mujahid Amriki envoyée du Pakistan, il disait qu'il était «parti pour la terre du jihad pour chasser les infidèles et aider à l'établissement de l'état Islamique». «Les Musulmans réels sont les Talibans et ceux qui suivent la chariaa islamique», a-t-il ajouté, avant d'exposer sa volonté de mourir en martyr en ces termes: «En tant que Musulman, je ne peux pas rester assis et observer ce qui arrive aux Musulmans sans broncher. Cette vie est seulement provisoire. Seule la vie dans l'au-delà est éternelle. Dieu a promis dans le Coran une grande récompense à tous ceux qui meurent pour lui. C'est-à-dire ceux qui meurent en martyrs.» Le père de Jason, Carl Walters, est né dans le quartier noir de Brooklyn, à New York. Délaissé par sa mère, l'enfant a été élevé dans une famille adoptive. Engagé dans l'US Airforce, il a été envoyé comme auxiliaire médical à la base américaine de Soesterberg, aux Pays-Bas. Nous sommes dans les années 1980. Carl a épousé une Hollandaise nommée Ingrid et le couple a vécu dans un appartement d'Amersfoort, ville située à dix minutes de Soesterberg. Carl et Ingrid avaient deux fils et une fille. L'aîné, Jason Théodore James Walters est né le 6 mars 1985. Le cadet, Jermaine Emmanuel Walters, a ouvert les yeux le 20 janvier 1987. Tous deux ont été baptisés dans une église baptiste et ont été élevés dans une atmosphère chrétienne baignée de négro spirituals. «C'était la période la plus heureuse de ma vie. J'avais une famille, un travail et une maison», dira Carl dans une interview à la télévision hollandaise. Mais ce bonheur a été rompu en 1997, lorsque le couple s'est séparé après que Carl eut sombré dans l'alcool et perdu son travail, rattrapé par les traumatismes de son enfance. Après le divorce, Carl a déménagé dans un appartement dans la ville voisine de Veenendaal, Ingrid et les enfants ont continué à vivre à Amersfoort. Un peu paumé, Carl a commencé une sorte de quête de soi. Des Musulmans rencontrés au hasard lui ont fait découvrir leur religion et l'ont amené ensuite à la mosquée. Il n'a pas tardé à se convertir et à entraîner ses deux enfants dans sa quête spirituelle. Jason et Jermaine ont commencé ainsi à étudier le Coran. Ils ont aussi fréquenté beaucoup de jeunes musulmans au collège qu'ils fréquentaient, qui les ont familiarisés davantage avec l'islam. Jason, qui était fier des origines américaines de son père, a commencé à haïr son pays d'origine au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. La propagande islamophobe qui a fleuri depuis cette date n'a pas été étrangère à sa métamorphose. Durant sa dernière année de collège, il a commencé à naviguer sur des sites Web jihadistes et à étudier l'arabe afin de pouvoir étudier l'islam dans le texte, entraînant son frère dans l'aventure. Choqués par le traitement humiliant souvent réservé aux musulmans en Tchétchénie et en Palestine, les deux garçons se sont radicalisés peu à peu. Jason a même essayé de convertir sa mère et sa sœur, afin qu'elles s'habillent conformément à la stricte tradition islamique. Quant à son père, bien qu'il était devenu musulman, il a toujours refusé de partager le radicalisme de ses deux fils. Il a été d'ailleurs très choqué en apprenant l'arrestation de Jason et son accusation pour appartenance à un groupe terroriste. Jason et Jermaine ont d'abord fréquenté la mosquée El-Fath, à Amersfoort, dirigée par des éléments salafistes. Jason a changé son nom en Jamal et Jermaine s'est appelé Nordin. Mais quand Jamal a tenté d'embrigader des fidèles et de les recruter pour le jihad, la direction de la mosquée a réagi en chassant les deux frères.
Le jihad commence au Pakistan Au début de 2003, Jason est entré en contact, via Internet, avec un jeune néerlandais d'origine marocaine, Samir Azzouz, qui avait été arrêté en Ukraine, alors qu'il essayait de rejoindre la guérilla tchétchène, et renvoyé dans son pays. Les deux hommes sont devenus des amis. À la même époque, un groupe de jeunes radicaux musulmans a commencé à se former et à se réunir régulièrement à la maison de Mohammed Bouyeri, à Amsterdam, ainsi que dans un cybercafé de Schiedam, près de Rotterdam : c'est le groupe de Hofstad. Les chats et emails que s'échangeaient Jason, Samir, Ismail et les autres ont beaucoup aidé la police à démanteler leur réseau naissant. Jason, par exemple, était très fier de raconter à ses amis son séjour au Pakistan, sa formation au maniement des armes, notamment les Kalachnikovs, les pistolets mitrailleurs et les grenades. Il a raconté aussi avoir rencontré des dirigeants talibans, dont il a fait un éloge appuyé. «Peut-être connaissez-vous l'émir Maulana Masood Azhar», a-t-il demandé à Samir, dans un chat daté du 8 septembre 2003. Cette allusion au dirigeant du réseau terroriste kashmiri Jaish-e-Mohammed (JEM), arrêté en Inde en 1994 puis relâché en décembre 1999, après que ses partisans eussent détourné un avion de la compagnie aérienne indienne et exigé sa libération en échange de 155 otages, sera retenue par l'accusation comme une preuve des liens du jeune homme avec la nébuleuse d'Al-Qaïda. Jason a-t-il été vraiment en contact avec cet émir, comme l'a soutenu la police hollandaise ? Dans sa déposition devant la cour, le 12 décembre 2005, Jason a répondu par la négative, affirmant qu'il avait seulement fréquenté des mosquées et des madrassas près d'Islamabad. Quant à ses affirmations, au cours des chats avec ses camarades, concernant sa formation militaire, le jeune homme les a qualifiées de simple fanfaronnade. Il voulait impressionner les autres, a-t-il expliqué. La cour ne l'a pas entendu de cette oreille. En décembre 2003 Jason a fait un second séjour au Pakistan, cette fois en compagnie de Zacaria Taybi, un Marocain né à Amsterdam en 1984. Ce proche de Bouyeri faisait aussi partie du groupe de Hofstad. Cette fois, les deux jeunes hommes ont été repérés et filés par des agents des services pakistanais, lesquels avaient été informés de leur présence au Pakistan par leurs homologues hollandais (AIVD). Ce second voyage n'a duré que dix jours. Jason a-t-il remarqué qu'il était surveillé et rebroussé chemin afin de ne pas mettre en danger ses contacts au Pakistan ? C'est là, en tout cas, le point de vue défendu par l'accusation. Entre septembre et décembre 2003, Jason a tenté, avec l'aide de Samir, de recruter de nouveaux candidats au jihad en vue de les envoyer au Pakistan. Ses tentatives ont été dénoncées par de nombreux chats interceptés par la police.
Des «chatteurs» très bavards Le 17 octobre 2003, Jason a été arrêté en même temps que les autres membres du groupe (Samir Azzouz, Ismail Akhnikh, Mohammed Fahmi Boughaba et Bassem Al-Issa). Mais les cinq apprentis jihadiste ont été relâchés au bout de douze jours. La police, qui n'était pas en possession de preuves contre eux, a voulu seulement perturber un éventuel plan d'attentat terroriste. En septembre 2004, Jason a changé de domicile, tout en restant à La Haye. L'AIVD, qui le surveillait de près, n'a pas eu de mal à installer des micros dans son nouvel appartement situé à l'Antheunisstraat. Quelques semaines plus tard, il y a été rejoint par Ismail Akhnikh. Les deux hommes ont reçu les visites répétées de Zacaria Taybi. Après le 2 novembre, les discussions avaient souvent porté sur l'assassin de Van Gogh. «C'est un homme, un vrai», avait dit Jason à propos de Bouyeri. «C'est un héros. Il voulait mourir en martyr. C'est pourquoi ses vêtements étaient propres». Ces discussions, et bien d'autres, sur des projets d'assassinat, étaient interceptés par l'AIVD. Dans la nuit du 9 novembre 2004, la police a fait une première tentative pour pénétrer dans l'appartement de Jason. Ce dernier, qui leur a ouvert la porte, a lancé une grenade contre eux, qui a blessé quatre policiers. Après un siège de 12 heures, les deux hommes se sont rendus. Dans l'appartement, la police a trouvé trois autres grenades de fabrication croate. Reconnu coupable de tentative de meurtre contre des policiers au moment de son arrestation et de menaces contre des personnalités politiques, Jason a été condamné, le 10 mars 2006, par une cour néerlandaise, à 15 de prison. Sources: - Emerson Vermaat : "Jason Walters - From Muslim convert to Jihadist" (http://www.militantislammonitor.org, 20 décembre 2005). - Keith B. Richburg: "From Quiet Teen to Terrorist Suspect", Washington Post, 5 décembre 2004.
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