Le Temps-Agences - Après la Géorgie, l'Ukraine craint d'être la prochaine cible de la Russie, soupçonnée d'avoir des vues sur la péninsule de Crimée, autrefois un joyau de l'empire soviétique. Si une guerre est à exclure, beaucoup s'interrogent sur l'attitude que pourrait maintenant adopter Moscou. Selon les analystes, une guerre est hautement improbable. De la taille de la France, l'Ukraine compte en effet dix fois plus d'habitants que la Géorgie, soit 46 millions. La Russie dépend également de son voisin pour le transport du gaz vers les consommateurs européens, et il en est l'un des fournisseurs énergétiques et principal partenaire commercial. "Il n'y a aucun risque pour que ces deux pays entrent en guerre", note Geoffrey Smith, stratège au sein de la banque d'investissement Renaissance Capital à Kiev. La Russie a suscité de vives critiques la semaine dernière en reconnaissant l'indépendance des provinces séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, en Géorgie, après un conflit bref mais dévastateur. Ses troupes contrôlent toujours un port stratégique de la mer Noire et ont pris position dans plusieurs zones du pays. Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a noté la semaine dernière que Moscou pourrait avoir d'autres "objectifs", "en particulier la Crimée, l'Ukraine et la Moldavie". En Ukraine, les autorités sont inquiètes. "La décision prise par le pouvoir russe menace la paix et la stabilité à la fois dans notre région et en Europe", a réagi mercredi dernier le président Viktor Iouchtchenko. Seule l'OTAN peut garantir l'indépendance de l'Ukraine, a-t-il renchéri. Depuis son arrivée au pouvoir il y a quatre ans, Iouchtchenko a fait de l'entrée de son pays dans l'Alliance atlantique son principal objectif. Il a également cherché à fonder une église orthodoxe ukrainienne indépendante de Moscou et renforcé l'utilisation de la langue ukrainienne au détriment du russe. Située au sud de l'Ukraine en bordure de la mer Noire, la presqu'île de Crimée, essentiellement russophone, a fait partie historiquement de l'empire soviétique, avant d'être rattachée à l'Ukraine en 1954, cadeau du président Nikita Khrouchtchev qui y avait longtemps vécu. Après l'effondrement de l'URSS en 1991, elle est restée dans le giron de l'Ukraine indépendante. Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a assuré en fin de semaine dernière n'avoir aucune intention de remettre en cause l'intégrité territoriale de l'Ukraine, estimant que cette accusation équivalait à une "provocation". "La Russie reconnaît depuis longtemps les frontières actuelles de l'Ukraine", a-t-il souligné. Lorsqu'on lui demandait si la Crimée était le prochain objectif russe, l'ancien maître du Kremlin a démenti, jurant qu'il n'y avait aucun projet de ce genre et rappelant qu'un accord russo-ukrainien fait de Sébastopol le port d'attache de la Flotte russe de la mer Noire jusqu'en 2017. Constantin Zatouline, du parti présidentiel Russie unie, a toutefois mis en garde Kiev contre toute démonstration d'agressivité. "Cela enflammera la situation", a-t-il averti dans les colonnes du quotidien russe "Izvestia". "En Ukraine, en Crimée et en Russie, il y aura des forces politiques qui développeront la thèse selon laquelle il est nécessaire de repenser les frontières ainsi que le sort de la Crimée et de Sébastopol", a-t-il ajouté.