Le Temps-Agences - Sept ans après les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis, qui motivèrent l'invasion de l'Afghanistan, de nombreux Afghans jugent que leur situation ne s'est pas améliorée et a même parfois empiré. La chute du régime extrémiste des taliban fin 2001 avait suscité des espoirs dans la population d'un pays ravagé par plus de vingt années de guerre. Aujourd'hui, c'est l'heure de la désillusion. Oussama ben Laden, le chef d'Al Qaïda, est toujours en fuite, les islamistes multiplient attaques et attentats et l'économie du pays ne parvient pas à décoller. Une récente série de "bavures" de l'aviation américaine, responsable de la mort de nombreux civils, est venue attiser la colère de la population. "Après les attentats du 11-Septembre, quand les Américains et leurs alliés ont renversé le gouvernement des taliban, on nous avait promis la stabilité, le sécurité et du travail", déclare Haji Allah Dad, un commerçant de 60 ans installé à Spin Boldak, dans le sud du pays. "Mais rien n'est venu. Depuis sept ans, ils lancent des bombes sur la population civile et tuent des milliers d'Afghans, alors que les taliban sont chaque jour de plus en plus forts." Spin Boldak est une ville animée de la province de Kandahar, ancien bastion des taliban qui y jouissent encore de nombreux soutiens. En février dernier, un kamikaze y a tué 37 civils. La veille, un autre attentat suicide avait fait une centaine de morts à Kandahar. "Je regrette les taliban" "Pour nous, rien n'a changé. Les étrangers ne sont pas les ennemis des taliban, ils sont les ennemis du peuple afghan", estime Mohammad Usman, 40 ans, qui tient une boutique dans la ville. Depuis trois ans, la violence s'est aggravée en Afghanistan. Pendant le premier semestre 2008, les combats et les attentats ont fait plus de 2.500 morts, dont un millier de civils. Les bavures de la coalition ont suscité des tensions entre le gouvernement de Kaboul et ses alliés occidentaux. Ali Jan, un homme d'une trentaine d'années, ne cache pas ses opinions - il regrette les taliban et souhaite leur retour. "Avec eux, c'était la sécurité. Aujourd'hui, les Américains tuent des civils et détruisent le pays. Nous sommes obligés d'aider les taliban contre les forces d'occupation parce que les taliban sont des musulmans et des Afghans. Ils combattent pour la liberté de l'Afghanistan", dit-il. La frustration et la colère de la population ne se retrouvent pas seulement dans le sud du pays où l'insurrection est très active. Elles se sont étendues à Kaboul, où les islamistes ont intensifié leurs attaques. "Dans les premiers temps qui ont suivi l'invasion de 2001, la vie avait vraiment changé. Mais ensuite tout a dégénéré et les gens ont commencé à partir. Si ça continue, le peuple entier se retournera contre les Américains, comme autrefois il était contre les taliban", lance Azim, un changeur rencontré dans une rue de la capitale. De plus en plus d'Afghans pensent que les Américains ont localisé les bases d'Al Qaïda et des taliban au Pakistan mais ne les attaquent pas pour entretenir l'instabilité et justifier ainsi leur présence dans le pays, motivée par des considérations stratégiques régionales, affirmait le mois dernier le quotidien Anis, contrôlé par le gouvernement. "Le peuple afghan doute depuis longtemps des belles déclarations des étrangers sur la lutte contre Al Qaïda et le terrorisme, notamment celles des Britanniques et des Américains, et leur confiance s'est évanouie", jugeait Anis.