Le Temps-Agences - L'administration américaine a dévoilé vendredi les premiers éléments d'un vaste plan d'assainissement du secteur financier dont le coût devrait se mesurer en centaines de milliards de dollars, provoquant un rebond général des marchés d'actions également favorisés par la limitation des ventes à découvert. L'indice paneuropéen FTSEurofirst 300 a gagné 8,26%, la plus forte hausse de son histoire, et à Paris, le CAC 40 a pris 9,27%, sa plus forte progression en pourcentage depuis 20 ans. En une séance, la capitalisation boursière cumulée du CAC, du FTSE 100 britannique et du Dax allemand a ainsi augmenté de 255 milliards d'euros environ. A Wall Street, le Dow Jones a fini en hausse de 3,35% et quasiment effacé ses pertes de la semaine. Les Bourses russes, que les autorités locales avaient fermées jeudi, ont repris pour leur part plus de 25%. Comme le résume un analyste, le gouvernement américain a choisi de sortir "la grosse artillerie" pour tenter d'endiguer une crise qui menace la stabilité de l'économie américaine et le système bancaire mondial. Le plan élaboré par le secrétaire d'Etat au Trésor Henry Paulson, qu'il prévoit de soumettre au Congrès dans les 24 heures au Congrès, a-t-on appris vendredi de sources parlementaires, devrait inclure la création d'une structure chargée de reprendre aux institutions financières plusieurs centaines de milliards de dollars d'actifs "toxiques", c'est-à-dire risqués. Le président George Bush a justifié l'intervention des pouvoirs publics en expliquant que l'économie américaine se trouvait à un "tournant". "Nous devons agir maintenant pour protéger la santé économique de notre pays", a-t-il dit. "Etant donné la situation précaire des marchés financiers et leur rôle vital dans la vie quotidienne du peuple américain, l'intervention des pouvoirs publics n'est pas seulement justifiée, elle est essentielle." Le Trésor avait annoncé peu auparavant l'instauration d'un mécanisme de garantie des fonds de placement monétaires en difficulté, doté de 50 milliards de dollars. La Fed, de son côté, s'est déclarée prête à ouvrir son guichet d'escompte aux institutions financières pour financer le rachat de certains actifs aux fonds monétaires. Certains observateurs estiment déjà le coût de ces nouvelles mesures à plusieurs centaines de milliards de dollars. Pour l'instant, le gouvernement a déjà engagé plus de 1.000 milliards de dollars depuis l'été 2007 pour tenter de limiter les effets de la crise du crédit. "Le gouvernement fédéral doit mettre en place un programme qui permettra de régler le problème de ces actifs illiquides, qui pèsent sur nos institutions financières et menacent notre économie", a dit Paulson lors d'une conférence de presse. Pour Boris Schlossberg, directeur de l'analyse devises de GFT Forex, les responsables américains "ont été absolument pétrifiés par la peur d'une fuite généralisée des marchés financiers, dont on s'est approché de très près jeudi". "A ce stade, ils ont tout simplement décrété que la discipline budgétaire n'avait plus d'importance". Parallèlement, la Securities and Exchange Commission et plusieurs autorités de marchés européennes ont annoncé des mesures limitant les ventes à découvert, accusées d'avoir accentué la baisse des valeurs financières. La vente à découvert consiste à jouer la baisse d'une valeur en la vendant sans la posséder, dans l'espoir de la racheter ultérieurement à un prix inférieur. Les fonds spéculatifs, qui sont parmi les premiers à recourir à ce genre de pratique, empruntent généralement à des investisseurs institutionnels, comme les fonds de pension, les titres qu'ils vendent en échange d'une rémunération. Les limitations annoncées ont favorisé un rebond spectaculaire des bancaires, dont certaines avaient fortement souffert au cours des séances précédentes. Si l'heure est pour l'instant à l'euphorie, les banques centrales ont poursuivi leurs injections de liquidités mais sur un rythme ralenti par rapport aux jours précédents. La perspective de la création par Washington d'une structure de "défaisance" déchargeant les banques de leurs actifs les plus dépréciés rappelle évidemment le Resolution Trust Corp (RTC) créé pour nettoyer les bilans des caisses d'épargne américaines à la fin des années 1980. Il avait coûté 400 milliards de dollars au contribuable. John McCain, le candidat républicain à la Maison blanche, a critiqué la Réserve fédérale, jugeant qu'elle n'avait pas pour vocation de sauver les entreprises en difficulté et qu'elle devait se concentrer à nouveau sur la gestion de la masse monétaire. Son rival démocrate, Barack Obama, a apporté son soutien aux efforts engagés pour restaurer la confiance sur les marchés, tout en retardant la présentation de son propre plan de reprise économique.