Ils l'ont franchi ce pas. Ce ne sont pas uniquement les noirs qui ont rêvé de porter l'un des leurs à la Maison Blanche. Les blancs, eux aussi, en ont rêvé. L'Amérique se fait et s'accomplit à coups de rêves. Depuis les premiers pionniers. Depuis la naissance de ce prodigieux foisonnement du communautarisme avec ses diversités, ses valeurs et ses outrances. Depuis Abraham Lincoln, rassembleur des deux Amérique, celle du Nord et celle du Sud. Depuis Kennedy qui, le premier, a rêvé de conquérir la lune. Depuis Luther King... Et jusqu'à Obama. Il ne s'agit pas de la victoire des Noirs sur les Blancs. Il ne s'agit pas de revanche, à vrai dire ruminée depuis 40 ans, depuis Rosa Parc, depuis Luther King, depuis Malcom X... Obama est le premier à appeler à ce que les Américains transcendent les clivages raciaux. Et d'ailleurs, ceux qui prédisent le retour des organisations suprématistes comme le Klu Klux Klan vont un peu trop vite en besogne. Car, l'Amérique a changé. Elle a de sérieux problèmes à résoudre. Une crise économique qui met déjà Obama dans une situation de handicap. Et surtout, une crise qui montre aux Américains qu'ils sont vulnérables, qu'ils n'ont pas de couverture sociale, que leur système de santé est défectueux. Comme l'a dit Dominique de Villepin : « la peur est mauvaise conseillère ». Depuis le 11 septembre 2001, l'Amérique vit dans la peur que l'ivresse de la puissance exhibée par Bush dans l'invasion de l'Irak et la chasse à Ben Laden, n'a pas tempérée. Oui, l'Amérique vit un sérieux traumatisme. Elle vit dans le rêve. Mais elle vit aussi, et surtout, avec des syndromes. Le New York Times, s'est empressé hier, de classer Bush « pire président de l'histoire des Etats-Unis ». Trop fort, peut-être. Trop réducteur. Bush et son administration ont, sans doute, péché par excès de conservatisme, une espèce de puritanisme néo-évangéliste. Mais le choc des cultures, le choc des civilisations ne saurait lui en être imputé et à lui seul. C'est Ben Laden, icône de l'obscurantisme démon qui l'a provoqué, en ce début du XXIe siècle. Cela, il ne faut pas l'oublier. Sans doute, les spécialistes de la géostratégie ont-ils raison de penser que l' « unijambisme », et une planète sous les ordres d'un seul gendarme auront rendu un mauvais service aux Etats-Unis. Il faut toujours, comme le dit Montesquieu, que le pouvoir arrête le pouvoir. Le poids et le contre-poids, en somme. Avec Bush, l'Amérique a fait cavalier seul, tournant « la Vieille Europe » en dérision. Avec Obama, tout porte à croire que l'Amérique embrassera, de nouveau, le monde la main tendue. Car, hormis toutes les formes de diabolisation, n'oublions pas que le premier slogan de Georges W.Bush, huit ans, en arrière, était ceci : « Une Amérique humble ». Humble dans sa puissance ; puissante dans son humilité. Mais, par la suite, Bush a dérapé... Et c'est ainsi qu'Obama aura, d'abord, à cœur de restaurer une image devenue fardée de l'Amérique. Il devra résoudre la crise économique. Mais dans seize mois il restituera l'Irak aux Irakiens, et entre temps, il cherchera à en finir avec les Talibans et leur héros sanguinaire. On dit de lui qu'il est porté sur les relations internationales. Quelle attitude vis-à-vis de la Russie ? Du Moyen-Orient ? De l'Iran ? De la Chine ?... Et pourquoi pas quelle attitude vis-à-vis du Maghreb même si cela dépend essentiellement de nous. Il reste que, malgré ses avatars, l'Amérique est la plus belle démocratie du monde. Pour y réussir il faut rêver. Il faut oser le changement, ce que veut justement Obama. Le « Kennedy noir » remettra, sans doute, au goût du jour ce qu'avait dit John à son élection : « Nous avons changé le monde ; maintenant changeons l'Amérique ».