C'est connu chez nous : quand le prix de la viande de bœuf et de mouton augmente trop, les gens moyens se mettent au régime poulet. Seulement, depuis quelque temps déjà, les tarifs se sont envolés aussi chez les marchands de viande de volaille. Le client est astreint à une économie supplémentaire, au lieu d'un kilo il en achètera une livre, sinon une demi livre ou pour ne pas rentrer les mains vides, une cuisse ! 100 grammes d'abattis peuvent suffire quelquefois et, si l'on renonce à tout cela, on rentrera avec des œufs pour préparer une fois de plus la Ojja de toujours. Mais même le prix de l'œuf ne cesse d'augmenter ! C'est à se demander si une nouvelle épidémie mondiale de grippe aviaire ne serait pas la bienvenue en ces temps de crise générale pour au moins couper leurs ailes aux dindes et aux poulets qui ont tendance à voler un peu trop haut pour le consommateur tunisien ! Actuellement, le poulet abattu se vend à près de 4 dinars le kilo, les cuisses à environ 7 dinars, l'escalope de dinde ou de poulet à plus de 7 dinars ; seul le prix du foie et du gésier descend à 2 dinars. La plupart des tarifs sont unifiés et personne ne vous consent la moindre ristourne ni le moindre gramme de trop. Les commerçants justifient la hausse par les prix en cours qui sont eux-mêmes élevés chez le distributeur en gros. D'un autre côté, la forte demande de ce type de viande autorise des augmentations « raisonnables », selon eux. Acheté aux éleveurs à 2 dinars 500 millimes au plus, le poulet vivant est revendu par les détaillants jusqu'à 5 dinars le kilo. Inutile bien évidemment de parler des tarifs pratiqués par les marchands des poulets de ferme : au marché de Sidi el Bahri, on propose des coqs moribonds à 10 dinars et des poulettes d'à peine 500 grammes à 8 dinars. Il va sans dire que les œufs dits de ferme valent le double des œufs industriels chez les mêmes vendeurs.
De la volaille au retaurant Dans les restaurants et les gargotes, s'il est à emporter, le poulet rôti le moins cher revient à près de 7 dinars ; on l'accompagne de quelques menues coupures de feuilles de salades, de 10 grammes de frites racornies ou ramollies à l'extrême, de 10 autres grammes d'olives insipides et l'on vous le livre avec de l'huile qui dégouline de partout dans un petit sac en plastique. Quand vous consommez à l'intérieur du local, le quart d'un poulet vous coûte au moins 3 dinars ; c'est en fait un morceau de cuisse ou de poitrine du poids de quelques plumes agrémenté comme d'habitude d'une infime quantité de salade, de frites et d'olives ; un petit plat de sauce proposé au menu du jour accompagne en général la viande servie. Les sandwiches au poulet des gargotes comme ceux des restaurants sont peu recommandables ; d'abord pour leur prix inconséquent, 1 dinar 700 millimes chez la plupart, et aussi pour l'arnaque qu'ils dissimulent le plus souvent. Car les fines « sciures » de viande qu'on y glisse peuvent provenir des restes des plats servis aux autres clients. C'est un ancien gargotier qui nous a fait cet aveu en ajoutant qu'il en va de même pour le tajine au poulet ! Idem bien sûr pour les casse-croûtes à l'escalope qu'on vend à au moins deux dinars. Concernant la « chawarma », plus aucun restaurateur ou gargotier ne prend la peine aujourd'hui d'en extraire la graisse et les nervures très gênantes à la consommation ; pire encore, sur les 20 grammes de soi-disant escalope de dinde que contient votre sandwich, les deux tiers sont constitués en général de graisse et l'autre tiers d'une viande suspecte ! A deux dinars 500 millimes au moins, voilà ce que vous propose une majorité de commerçants, même parmi les enseignes qui passent pour habituellement correctes. Dans certains restaurants, le plat d'escalope grillée ou panée coûte jusqu'à 7 dinars alors qu'on ne vous sert qu'une très fine lamelle aplatie au moins deux fois et quelques frites autour.
Les œufs de « pigeon» A propos des œufs, tout récemment un marchand ambulant nous a proposé un œuf dur à 250 millimes, et a justifié son prix lui aussi par le coût de la marchandise chez les grossiste. Or, renseignement pris, le prix d'un œuf en gros ne dépasse pas les cent millimes. Aujourd'hui, les œufs industriels sont vendus à environ 500 millimes les quatre ; et ce sont en règle générale de minuscules boulettes qu'on peut facilement prendre pour les œufs d'un pigeon ! Et c'est bien sûr vous le ...pigeon ! Toute augmentation du prix de l'œuf s'accompagne en Tunisie de bien d'autres augmentations chez les restaurateurs et les gargotiers : un œuf au plat, un brik à l'œuf, un plat tunisien, une « Tastira », un « Keftaji », tout ce qui se prépare aux œufs voit son prix doubler. Pour cinquante millimes ajoutés dans le prix d'un œuf, vous payez jusqu'à un dinar de plus chez ces commerçants ! Le pâtissier aussi majorera ses prix et le confiseur et le marchand de beignets et le fabricant de mayonnaise et le cafetier qui sert le lait de poule et le seul « œuf » (entendez idiot) dans l'affaire c'est toujours le consommateur ! Les poulets, les dindes et les œufs volent aujourd'hui; et leurs prix s'envolent aussi ! Seul le consommateur bat de l'aile et laisse des plumes au marché !